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France : la population sous couvre-feu (ou comment écrire un article à la manière de...)

Lorsque les médias écrivent sur Cuba sans mentionner le blocus, je me suis demandé à quoi ressemblerait un article « à la manière de » sur la France, sans citer le mot « C-o-v-i-d ». A quelque chose comme ça :

de notre envoyé spécial à Paris

« Paris sera toujours Paris » chantait Maurice Chevalier. Mais aujourd’hui, sur les Champs Elysées, la foule qui se bousculait jadis sur les larges trottoirs a cédé la place à quelques rares passants – généralement masqués. Magasins aux rideaux baissés, théâtres clos, restaurants fermés… La Ville des Lumières offre un spectacle d’abandon. Comment en est-on arrivé là ? Enquête.

« On n’en peut plus », nous confie S., un étudiant croisé dans une file d’attente devant un bureau de tabac. Il exprime une frustration qui semble être largement partagée par la population. « On ne peut plus sortir, on ne peut plus se distraire. On n’a plus de vie. » A ses côtés, un monsieur plus âgé acquiesce. « On est en train de gâcher leur jeunesse. Moi, personnellement, je m’en fiche. A mon âge, je suis vacciné ». Quelques murmures parcourent la file, qui avance lentement.

Dans la rue, une voiture de police roule au pas. C’est la troisième que nous croisons en une demi-heure. Devenues omniprésentes depuis la vague de mécontentement qui a secoué le pays en 2019 et 2020, les forces de l’ordre semblent déterminées à faire respecter les nouvelles mesures imposées par le régime. Et gare aux contrevenants.

« S’ils t’attrapent après le couvre-feu ou à plus de 10 bornes sans une attestation, c’est une amende salée, directe. En cas de récidive, ça fait boule de neige » nous dit Jonathan, qui se présente comme un « artiste de rue ». « Ils ont même verbalisé des SDF ! Tu te rends compte ? Des SDF, bordel ! »

Autre lieu, autre cadre. Dans l’ambiance feutrée d’une librairie de banlieue, la propriétaire nous montre les rayons chargés de livres recouverts de poussière. « Ca fait deux ans qu’ils m’ont obligé à fermer boutique » nous explique-t-elle. « Déjà en temps normal, c’était difficile, mais là… Comment peut-on vivre sans culture ? Ils ont tout fermé. Librairies, théâtres, cinémas, salles de concert… Tout ».

Et même les écoles. Ancienne fierté de la République, l’Education Nationale n’a pas été épargnée. Au milieu de la cour du lycée Jean Moulin, le silence des bâtiments abandonnés n’est interrompu que par les pas du Directeur de l’établissement qui vient à notre rencontre. « Nous traversons une période très difficile, mais je pense surtout aux élèves » lâche-t-il avec un soupir. « Beaucoup souffrent de dépression. On parle même de suicides, même si aucun chiffre officiel n’est disponible. Alors on improvise, on bricole, on essaie de faire au mieux. Mais ce n’est pas facile. »

Comment en est-on arrivé là ? Nous posons la question à Jean Rémond, professeur d’université, chercheur dans un institut privé et conseiller auprès des médias. « Lorsque la crise a frappé, le gouvernement a réagi comme à son habitude : en improvisant. Les nouvelles mesures furent annoncées un soir à la télévision, par le Président lui-même, sans aucune consultation. C’est du bricolage. Ce régime n’en a plus pour longtemps. »

En attendant, toute contestation est étouffée. « L’information est contrôlée de près » nous affirme VD, responsable d’un site militant d’information alternative. Il nous montre une photo. « Voici un camarade journaliste enfermé depuis deux ans dans une prison de haute sécurité à Londres. Son tort ? Avoir révélé des crimes. Alors ils l’ont accusé d’espionnage. Il risque 175 ans de prison. » VD ne cache pas sa colère. « Pendant que le peuple souffre, la nomenklatura s’envoie en l’air avec du foie gras et du champagne. Les slogans creux du régime, genre « Liberté, Egalité, Fraternité » sont rabâchés. C’est insupportable. »

etc, etc, etc...

Viktor Dedaj
imitateur de clowns

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