RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher
Pourquoi ont-ils tué Zola ?

« Il est des morts qu’il faut qu’on tue »

« Il est des morts qu’il faut qu’on tue », tel est le titre du 5 ème roman de Roger Martin aux éditions du Cherche-midi (il en en a écrit une trentaine).

Dans une recension de son précédent roman « Les ombres du souvenir » j’écrivais (pardon de me citer) : « La palette est multicolore, que Roger Martin caresse de son pinceau pour faire jaillir de la page blanche romans, polars, essais, enquêtes, biographies. Plus un roman jeunesse et de la BD (l’excellente série AmeriKKKa). Et sur LGS nous n’oublierons pas son « Dictionnaire iconoclaste des Etats-Unis » où perce son amour pour ce pays et sa détestation de ceux qui le pilotent comme un B 52 ».

Dans « Il est des morts qu’il faut qu’on tue » (le titre est un vers du poète Fenand Desnoyers (1828-1869), Roger Martin embrasse une vaste période de l’Histoire de France, de la commune à 1934.

Il m’est arrivé de penser que ce grand et long roman de Roger Martin, plein de rebondissements, superbement documenté, mêlant ce qu’il faut de fiction à la réalité (à la vérité historique), tenant en permanence le lecteur en haleine, provoquant le désir fort de découvrir ce que révèle la page suivante, aurait pu être publié en feuilleton, si la mode n’en avait pas été perdue dans nos journaux.

Nous y lisons quelques épisodes sanglants de la Commune de Paris. Le héros du roman (Romain Delorme) est né en 1870 d’un ventre percé par une baïonnette. Il ne connaîtra jamais sa mère, communarde, et il est sauvé de la mort par un Versaillais qui avait un projet sans rapport avec un sentiment humain. Je ne peux en dire plus sans dévoiler une des intrigues.

Puis, l’auteur nous plonge avec son héros dans la guerre de 14/18.A lire le récit qu’il fait de la souffrance des soldats (français et allemands) dans les tranchées de la première guerre mondiale, il m’est arrivé plusieurs fois de penser que ces pages n’ont rien à envier à d’autres que j’ai lues, celles de Pierre Lemaître, auteur de polar qui a obtenu le prix Goncourt pour « Au-revoir là-haut ».

La guerre de 14/18, donc, terrible par le carnage, la bêtise politico-militaire et la transformation de notre jeunesse en chair à canon. Il n’est que de voir les noms sur nos monuments aux morts. Romain Delorme est engagé volontaire, contre la volonté de son père, un prestigieux policier à la retraite qui servit « sans état d’âme » Napoléon III, puis Thiers, puis la République. Romain Delorme n’a rien de sympathique a priori : flic des Brigades du Tigre de Clémenceau, antisémite par conformisme. Nous sommes à une époque où la bourgeoise, les journalistes, les écrivains, distillaient un antisémitisme « tranquille » dont Hitler n’avait pas fait la démonstration de ce qu’il portait de criminel et pour tout dire de génocidaire. Mais Romain, pour qui les juifs sont intrinsèquement affectés de tous les défauts, dont celui de la lâcheté, va être sauvé de la mort entre deux tranchées par un caporal juif qui prend tous les risques pour le ramener vers l’arrière. Et le rescapé va commencer (sans plus) à se poser des questions, à émettre des doutes sur ce qui ne lui avait pas paru auparavant digne d’être discuté.

C’est aussi à cette époque qu’est inventé le mot « racisme » et qu’est éructé pour la première fois le cri : « la France aux Français ». Et puis, le capitaine Dreyfus, cela ne fait pas de doute (sauf pour quelques-uns dont Emile Zola, j’y reviendrai) a trahi la France parce que juif avant d’être militaire et Français. Les journaux d’alors ont des tirages impressionnants (jusqu’à un million d’exemplaires), on en trouve un dont le titre annonce la couleur : L’Antijuif .

Zola, le « pornocrate », le « larbin de la juiverie », l’« italianas. »

Emile Zola est mort le 29 septembre 1902. Pendant des décennies, la cause de la mort de l’écrivain célébrissime, de l’auteur de l’immortel « J’accuse » en défense de Dreyfus a officiellement été une intoxication accidentelle à l’oxyde de carbone due à un poêle déficient.

Roger Martin va nous faire connaître un « fumiste » (Buronfosse) qui, la chose est aujourd’hui établie, a bouché la cheminée de l’écrivain. Buronfosse s’était vanté de vouloir « fumer Zola ». En fait, il avait dit : «  il est temps de fumer le bâtard vénitien ». Roger Martin va nous faire suivre l’assassin et, en romancier-historien, il nous apportera au cours des pages les preuves de sa propre thèse qu’il a ensuite détaillée dans une émission de radio (RTL). On peut l’écouter ici :
http://www.rtl.fr/actu/societe-faits-divers/zola-assassine-7781454287

En février 1934, Romain Delorme qui a survécu à la boucherie militaire est mêlé en qualité de policier aux émeutes qui ont éclaté à Paris, au prétexte de l’affaire Stavisky et qui ont déchaîné contre les « voleurs »(les députés) différents mouvements violents d’extrême-droite épaulés par les royalistes. Roger Martin nous fait vivre ces événements, de l’intérieur.

Le quotidien Libération (13-02-2016) a écrit : « Son roman est haletant et à ce point terrifiant de réalité que l’on ne sait plus très bien où commence et ou finit le romanesque.
Pour L’Humanité (04-02-2016) « Ce grand roman du temps passé s’offre en miroir de notre époque ».
Ajoutons : De la belle ouvrage, ciselée, rigoureuse sur le fond et la forme.

Maxime Vivas

Roger Martin : « Il est des morts qu’il faut qu’on tue » (Editions Cherche-Midi, 2016. 538 pages, 21€).

Blog de l’auteur : http://roger.martin.ecrivain.pagesperso-orange.fr/Html/Acc.htm

URL de cet article 30190
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

Même Auteur
La face cachée de Reporters sans frontières - de la CIA aux faucons du Pentagone.
Maxime VIVAS
Des années de travail et d’investigations (menées ici et sur le continent américain) portant sur 5 ans de fonctionnement de RSF (2002 à novembre 2007) et le livre est là . Le 6 avril 2006, parce que j’avais, au détour d’une phrase, évoqué ses sources de financements US, RSF m’avait menacé dans le journal Métro : " Reporters sans frontières se réserve le droit de poursuivre Maxime Vivas en justice". Au nom de la liberté d’expression ? m’étonné-je. Quoi qu’il en soit, j’offre aujourd’hui au libre débat (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Que ce soit bien clair : nous avons commis des erreurs, évidemment. Et nous en commettrons d’autres. Mais je peux te dire une chose : jamais nous n’abandonnerons le combat pour un monde meilleur, jamais nous ne baisserons la garde devant l’Empire, jamais nous ne sacrifierons le peuple au profit d’une minorité. Tout ce que nous avons fait, nous l’avons fait non seulement pour nous, mais aussi pour l’Amérique latine, l’Afrique, l’Asie, les générations futures. Nous avons fait tout ce que nous avons pu, et parfois plus, sans rien demander en échange. Rien. Jamais. Alors tu peux dire à tes amis "de gauche" en Europe que leurs critiques ne nous concernent pas, ne nous touchent pas, ne nous impressionnent pas. Nous, nous avons fait une révolution. C’est quoi leur légitimité à ces gens-là, tu peux me le dire ? Qu’ils fassent une révolution chez eux pour commencer. Oh, pas forcément une grande, tout le monde n’a pas les mêmes capacités. Disons une petite, juste assez pour pouvoir prétendre qu’ils savent de quoi ils parlent. Et là, lorsque l’ennemi se déchaînera, lorsque le toit leur tombera sur la tête, ils viendront me voir. Je les attendrai avec une bouteille de rhum.

Ibrahim
Cuba, un soir lors d’une conversation inoubliable.

La crise européenne et l’Empire du Capital : leçons à partir de l’expérience latinoaméricaine
Je vous transmets le bonjour très affectueux de plus de 15 millions d’Équatoriennes et d’Équatoriens et une accolade aussi chaleureuse que la lumière du soleil équinoxial dont les rayons nous inondent là où nous vivons, à la Moitié du monde. Nos liens avec la France sont historiques et étroits : depuis les grandes idées libertaires qui se sont propagées à travers le monde portant en elles des fruits décisifs, jusqu’aux accords signés aujourd’hui par le Gouvernement de la Révolution Citoyenne d’Équateur (...)
"Un système meurtrier est en train de se créer sous nos yeux" (Republik)
Une allégation de viol inventée et des preuves fabriquées en Suède, la pression du Royaume-Uni pour ne pas abandonner l’affaire, un juge partial, la détention dans une prison de sécurité maximale, la torture psychologique - et bientôt l’extradition vers les États-Unis, où il pourrait être condamné à 175 ans de prison pour avoir dénoncé des crimes de guerre. Pour la première fois, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, Nils Melzer, parle en détail des conclusions explosives de son enquête sur (...)
11 
Comment Cuba révèle toute la médiocrité de l’Occident
Il y a des sujets qui sont aux journalistes ce que les récifs sont aux marins : à éviter. Une fois repérés et cartographiés, les routes de l’information les contourneront systématiquement et sans se poser de questions. Et si d’aventure un voyageur imprudent se décidait à entrer dans une de ces zones en ignorant les panneaux avec des têtes de mort, et en revenait indemne, on dira qu’il a simplement eu de la chance ou qu’il est fou - ou les deux à la fois. Pour ce voyageur-là, il n’y aura pas de défilé (...)
43 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.