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L’ UMP - Sarkozy pour la "liberté de travailler le dimanche", par Gérard Filoche.









Vendredi 12 janvier 2007.


Il paraîtrait que c’est une question de " liberté " d’ouverture des commerces, pour ceux qui veulent " faire leurs courses ". Une question de " liberté " pour ceux qui veulenttravailler ce jour-là et " gagner plus ". Il paraît même que ce serait meilleur pour la consommation et l’emploi. Ce serait enfin une question de " nouveaux modes de vie modernes ".

Après avoir rétabli le travail de nuit et du dimanche pour les apprentis de quinze ans, Sarkozy veut supprimer un droit au " repos dominical " des salariés qui date de 1906 !

C’était le 13 juillet 1906 : après un siècle de débat, l’Assemblée nationale, à l’unanimité, votait le principe du repos dominical pour les travailleurs. Ce fut un accord national, entre toutes les composantes de la société. Le Code du travail affirma qu’il était " interdit d’occuper plus de six jours par semaine un même salarié ". (art. L 221-2 du Code du travail). Un système de dérogation fut construit.

Avec le temps, il a évolué et la loi de 1994 a fait passer, déjà , le nombre de trois dimanches autorisés d’ouverture, à cinq dimanches. Des dérogations ont été rendues possibles pour " les zones touristiques d’affluence exceptionnelles ou d’animation culturelle permanente dans les établissements qui mettent à la disposition du public des biens et des services destinés à faciliter son accueil ou ses activités de détente ou de loisirs, d’ordre sportif, récréatif ou culturel. " C’est déjà large et trop vague ! Tout Paris et la " Nationale 7" pourraient figurer dans cette définition.


Le système actuel combine déjà un principe et une large souplesse.

Le principe est le " repos hebdomadaire doit être donné le dimanche " pour les salariés. La souplesse, c’est un système de dérogation pour les métiers " à feux continus " et cinq dimanches d’ouverture par an au choix pour les magasins.

Le Code du travail permet de donner le repos par roulement un autre jour que le dimanche, dans une liste impressionnante de métiers, pour la fabrication de produits alimentaires, les hôtels, restaurants et débit de boisson, les débits de tabac, les magasins de leurs naturelles, les hôpitaux, asiles, maisons de retraite, dispensaires, maisons de santé, pharmacies, établissement de bains, journaux informations, spectacles, musées, expositions, entreprises de location de chaises, de moyens de locomotion, d’éclairage, de distribution d’eau, et de force motrice, entreprises de transport, de communication. Ainsi 5 % des salariés travaillent régulièrement, déjà , le dimanche. 20 % travaillent occasionnellement.

On comprend que dans la santé, les transports, les industries à feux continus, les animations culturelles, des dérogations s’imposent. D’ailleurs, des centaines de milliers de salariés concernés en souffrent : ils ont du mal a bénéficier de " roulement " qui leur permettent de rencontrer leur famille, leurs amis, de participer à la vie citoyenne, sportive, culturelle, politique, qui est concentré lors des week-end.


Alors pourquoi étendre cela à des millions de salariés en plus, ceux pour lesquels l’activité ne l’exige pas ?

Pourquoi vendre des vêtements, des chaussures, des meubles, et autres produits non urgents, le dimanche alors qu’ils peuvent parfaitement être vendu dans la semaine. Pourquoi diminuer la qualité de vie de millions de salariés du commerce, et autres, alors que cela ne s’impose pas pour eux ? S’il y avait une vraie durée réelle du travail proche de la durée légale de 35 h pour tous et toutes, il serait possible de faire ces courses le vendredi après-midi, non ? Pourquoi déréglementer davantage la vie sociale dans une société qui connaît déjà des crises, des ruptures, des liens distendus, dans ses banlieues, dans son public populaire pauvre ? Car qui travaillera le dimanche dans les magasins, sinon une majorité écrasante de femmes et de jeunes précaires à bas salaires ? Qui " fera les courses ", sinon " les autres " ?

Ce ne sont pas les 7 millions de travailleurs pauvres qui achèteront, mais une partie d’entre eux, sûrement, qui seront obligés de travailler ce jour-là  !

Certains sondages disent que " les Français sont favorables à l’ouverture des magasins le dimanche ", d’ailleurs, de justesse, à 53 %. Mais les mêmes sondages, lorsqu’ils interrogent les mêmes Français, pour leur demander s’ils veulent travailler le dimanche, constatent que 85 % d’entre eux y sont défavorables.


Volontaires, les salariés ?

Sarkozy nous dit que ce serait sur la " base du volontariat " des salariés. Foutaise absolue et il ment, il le sait : il n’existe pas de " liberté ", de volontariat en droit du travail, tous les salariés sont subordonnés juridiquement, et c’est l’employeur, seul, qui décide de qui travaille ou ne travaille pas le dimanche... C’est ainsi que déjà des milliers de vendeuses sont obligées de travailler le dimanche contre leur gré... L’accord des salariés ne figure pourtant pas au nombre des dérogations à la règle du repos dominical énumérées par le Code du travail et ne saurait constituer un fait justificatif.


Gagner plus ?

On nous dit que le travail du dimanche ferait " l’objet de contreparties " sous entendu d’un meilleur salaire, pour " ceux qui veulent gagner plus ". En vérité, rien n’est clair : le code du travail évoque " une majoration de salaire pour ce jour de travail exceptionnel, égal à la valeur d’un trentième de son traitement mensuel ou à la valeur d’une journée de travail si l’intéressé est payé à la journée " pour les " cinq " dimanches d’ouverture autorisés par arrêté du maire ou du Préfet... Mais de telles majorations ne sont nullement assurées ni par le Code, ni par des conventions collectives pour l’immense majorité des salariés concernés.

Les associations de petits commerçants sont toutes contre l’ouverture du dimanche, et elles ont raison : car seules les grandes surfaces ont intérêt à cette ouverture, et les petits commerces n’ont pas les reins assez solides pour ouvrir tous les dimanches.


L’emploi en pâtirait ?

Des études et projections ont été faites en cas d’ouverture généralisée le dimanche et elles montrent que ce serait au minimum la disparition de 30 000 emplois. Dans un premier temps, quantité de petits commerces périraient, les grandes surfaces embaucheraient le dimanche, puis il y aurait une régulation : il y aurait une suppression d’emplois en cours de semaine.

En effet, le pouvoir d’achat n’est pas extensible et les achats qui seraient faits le dimanche ne le seraient pas un autre jour. Cela déplacerait tout au plus les jours de consommation, mais pas le volume. Des magasins prétendent qu’en ouvrant le dimanche, ils vendent davantage : mais c’est parce qu’ils sont en infraction et violent justement les règles de la concurrence, ils sont mal venus de se vanter de leur propre turpitude pour remettre en cause la loi qu’ils foulent aux pieds.


Se prévaloir de la fraude ?

Il a un certain aplomb de la part de l’Ump qui dit : " on ne peut enrayer le mouvement d’ouverture ", justifiant ainsi les contrevenants récidivistes au Code du travail. Déjà des juges se refusent à appliquer la loi et à sanctionner conformément aux procédures de référé engagées par l’inspection du travail (d’après la loi Aubry du 19 janvier 2000 qui avait permis une meilleure répression des ouvertures illégales du dimanche).

On nous dit aussi qu’il y a dorénavant des achats et une concurrence par internet : mais c’est absurde d’utiliser cet argument pour faire travailler des salariés dans des magasins le dimanche, au contraire.



Pourquoi remplacer la civilisation du loisir par celle du chariot ?

Sur le fond, rien n’oblige à infliger à quelques millions de salariés et à leurs familles un travail du dimanche qui n’est pas indispensable économiquement, ni socialement. Pourquoi risquer de fragiliser davantage les liens familiaux menacés dans nos banlieues ? Pourquoi tuer le moment de repos commun social qui existe ? Une société a besoin de temps commun, de moment de rencontre collectif, le dimanche reste une rare occasion de cohésion possible sans stress productif ni marchandising. Il est un temps irremplaçable pour la vie citoyenne, associative, culturelle, sportive, voire religieuse.

Il n’y a rien de " moderne " à supprimer cela pour de prétendus " nouveaux rythmes de vie " : ce serait un recul géant, une forme de vandalisme social aggravé.


Le dimanche doit être protégé et étendu :

La gauche devrait même faire entrer le principe de deux jours de repos consécutifs, en tant que règle d’ordre public social, pour toutes et tous, dans le Code du travail. Le progrès, c’est la semaine de cinq jours, pas la semaine de sept jours : elle serait à coup sûr créatrice d’emploi, moteur d’embauche.

Alors pourquoi cette offensive de Sarkozy, de l’Ump soutenue par le Medef, par les libéraux, pour l’ouverture des magasins du dimanche ? Parce qu’elle participerait d’une déréglementation générale des horaires hebdomadaires, permettant plus facilement de remettre en cause toutes les durées légales.

Gérard Filoche, Inspecteur du Travail, pour Démocratie et Socialisme.
www.democratie-socialisme.org




La fable de la flexibilité, par Michel Husson.


Le coup de Trafalgar caché contre le Code du travail et le programme de Sarkozy, par Matti Altonen.


Depuis le 3 janvier, la durée du travail n’est plus contrôlable en France, par Bruno Labatut-Couairon.






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COMMENTAIRES  

15/01/2007 20:50 par Claudius

Bien que farouchement anti sarkozyste (je le trouve plus dangereux que Le Pen) je suis également pour l’ouverture des magasins, et même des administrations 7 jours sur 7, évidemment à certaines conditions :
 que la durée du travail soit baissée à 32 heures (4 jours de 8 heures)
 que cela se fasse sur la base du volontariat autant que possible
 que cela ne crée pas de gêne dans les familles (homogénéisation des horaires des conjoints)
 que l’éducation nationale s’adapte également.

Bon je sais, c’est utopique, mais pourquoi pas ; je pense que cela ferait baisser les chiffres du chomage (autrement que par les radiations comme aujourd’hui), que cela satisferait ceux qui veulent organiser leur vie avec une autre perspective que les hypers le samedi et le repas familial le dimanche, que ça referait vivre des quartiers mornes et désolés en fin de semaine.

Cela demande évidemment un bouleversement dans l’organisation tant publique qu’individuelle, mais dans la vie du travail on est déjà passé par quelques révolutions et la qualité de vie n’a pas de prix et vaut bien qu’on s’extrait du jus de cerveau pour y parvenir.

16/01/2007 10:27 par Theoven

Sauf que votre réaction ne tient pas, et ce pour plusieurs raisons :

 La volonté de Sarkozy et des néo-libéraux hystériques n’est certainement pas de baisser encore la durée LEGALE du travail. L’ouverture généralisée le dimanche est surtout un des multiples biais détournés que ces esprits malades utilisent pour saper les fondements des 35 heures et du Droit du travail dans la foulée. Les gens qui se trouveront de facto obligés de travailler le dimanche seront plus proches des 45 heures... sans contrepartie réelle.
Au passage, je précise que la durée EFFECTIVE de travail est en France plus élevée que dans TOUS les autres pays européens (de l’ordre de 36 heures et demi par semaine contre moins de 32 heures chez nos amis britanniques). Mensonge, quand tu nous tiens...

 Que cela se fasse sur la base du volontariat... seulement voilà , c’est tout le contraire qui se profile. C’est un peu comme lorsque les conquérants "libéraux" du moyen-âge laissaient le choix aux populations qu’ils asservissaient : nous respectons votre liberté, votre liberté étant de vous convertir immédiatement ou d’être exécutés. Refusez de travailler le dimanche, votre employeur vous le fera payer d’une manière ou d’une autre.

 Que cela ne crée pas de gêne dans les familles... là les bras m’en tombent. Parce qu’en plus soit on fera partie d’une famille entièrement "repos le dimanche", soit "tous au boulot le dimanche" ? Dans tous les autres cas, bonne chance pour croiser votre conjoint(e) et vous occuper de vos gosses.

 Que l’éducation nationale s’adapte ? Que fait-elle depuis 30 ans ? Quelle est l’administration qui a subi ne serait-ce que la moitié des "réformes" qu’elle a du ingurgiter de force ? Et puis s’adapter en faisant quoi ? Quel rapport avec le travail dominical ?

Je passe au reste de votre démonstration :

 Faire baisser le chômage ? Je vous suis, mais croyez-moi sur parole, le travail le dimanche n’y fera que pouic. Seule certitude, les plus précaires des salariés seront encore plus pressurés, sans pour autant que cela influe en quoi que ce soit la réalité du chômage (je ne parle pas des chiffres, qui sont honteusement bidouillés depuis quelques années). Fausse idée : la baisse réelle du chômage passera par de vraies solutions comme la suppression de tous les statuts dérogatoires, le respect des obligations des employeurs, etc.

 Faire revivre les quartiers mornes. D’accord, faut-il comprendre que, pour vous, seule l’agitation commerciale est digne d’intérêt ? Drôle de société que vous nous proposez là ... Fausse idée : vous voulez de l’animation dans les quartiers mornes ? Faites en sorte de créer les conditions d’une véritable vie associative... sûrement pas en imposant le travail dominical.

 Ceux qui veulent organiser leur vie dans une autre perspective que les hypers le samedi... Tiens, j’avais pourtant l’impression que j’y arrivais déjà . Et pourtant, ô miracle, sans obliger le reste des gens à travailler le dimanche. Etonnant non ? Mais c’est vrai, je suis une sorte de sur-homme. Fausse idée encore : en quoi des petits conforts individuels devraient-ils passer par l’inconfort du reste de la population ? En quoi ouvrir les commerces et administrations le dimanche apporterait une répone au cas de figure que vous nous présentez ?

Bref, l’ouverture du dimanche n’est qu’une approche purement dogmatique qui n’a comme buts ultimes que d’intensifier la pression sur le monde du travail, aboutir à l’éradiction du Droit du travail honni et de faire taire toute velléité de revendication chez les salariés. ça n’est en aucune manière une proposition "moderne" et "progressiste", mais le retour à l’ère du travail-aliénation au profit des seules rentiers du capital.

Quant à évoquer la qualité de vie à ce sujet, là vous y allez vraiment très fort. A moins que vous soyez en pleine ascension Zen...

16/01/2007 13:53 par Anonyme

salut Filoche !
Vaudrait mieux remplacer "caddie" par chariot, sinon, procès assuré, "Caddie" étant une marque qui fait des procès...

16/01/2007 14:10 par Anonyme

Merci, modification et copie à Gérard Filoche.

Rédaction

16/01/2007 19:09 par Claudius

Je me doute bien que la pensée sarkozyste ne va pas dans le sens de la baisse du temps de travail, la mienne oui, mais je ne suis pas Sarkozy et n’ai que le pouvoir d’espérer essayer d’améliorer la vie de mes concitoyens et la mienne par conséquence.

Evidemment, vous avez raison si cela n’apporte en contrepartie aucun avantage, restons en à la situation d’aujourd’hui.

Je me place dans la perspective d’une éventuelle amélioration de la qualité de vie de mes compatriotes ; à mon avis, même en fixant un jour de repos obligatoire : le dimanche, ça ne suffit pas.
Il y aura toujours des gens qui travailleront tout de même le dimanche, et donc il y aura inégalité.

Un groupe de travail devrait se constituer pour étudier une baisse encore plus conséquente de la durée du travail ; gagner une heure ou deux heures par semaine n’amène pas grand chose, gagner une journée de travail afin de pouvoir avoir 3 jours à soi est bien plus profitable.

Pour cela, il faut consentir à des aménagements, il faut chercher des pistes d’accords avec les administrations, avec les entreprises, avec les syndicats, avec les associations et il faut, à mon avis, une égalité dans les jours de la semaine.

Un café, un endroit de rassemblement, un lieu de loisirs aura plus de chance de "fonctionner" s’il a une fréquentation sur 7 jours et non sur un ou deux.

Tout le monde sur la route aux mêmes heures, tout le monde aux mêmes endroits en même temps, je ne trouve pas cela bien zen, pour reprendre votre expression.

Les difficultés d’adaptation sociales seront énormes, c’est vrai, mais est-ce que ça ne vaut pas le coup d’y réfléchir si c’est pour que nos enfants aient moins de contraintes que nous.

Je connais les difficultés dont je parle, j’ai travaillé en horaires décalés.

Non, l’agitation commerciale ne fait pas à elle seule revivre un quartier, c’est la disponibilité des gens qui le fait revivre. Je ne sais pas où vous vivez, moi, c’est dans une banlieue dortoir. Et bien je peux vous dire que les rues sont désespérément tristes ; elles ne vivent qu’un jour, le samedi, à cause du marché. Avec du monde toute la semaine, ce serait plus facile pour la mairie d’organiser des expos, pour la bibliothèque de sortir de son bâtiment, pour la maison de quartier de servir à autre chose qu’à l’aide au reprisage de chaussettes.

Bon, je m’échauffe, je vais arrêter là en vous disant qu’un dimanche ne suffit pas à gagner du confort de vie, de l’intimité avec les siens, de la découverte des autres. Moi, je demande 3 jours et on ne peut pas arrêter la vie du travail pendant trois jours économiquement parlant, je pense.

Excusez-moi, je ne suis pas un écrivain ni un orateur, c’est un peu fouillis, mais c’est sincère.

14/10/2007 07:53 par martine

non a l ouverture des magasins le dimanche

22/04/2011 16:01 par espoir

Le travail le week-end et plus précisément le dimanche tue la famille .

Moins de temps passé avec notre famille et l’éducation de nos enfants .

Les séparations et divorce augmente .

Plus nous gagnons plus nous payons .

Le matérialisme fait notre solitude et notre malheur .

Ne surtout pas oublier que le dimanche est toujours pour certain un jour sacré ...

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