La démesure étasunienne

Encore un massacre dans un lycée de Floride aux Etats-Unis. Les jours, les semaines et les mois se suivent et se ressemblent dans ce pays où les tueries dans les établissements scolaires sont récurrentes. Pas seulement dans les écoles et lycées, mais aussi dans les lieux publics et de spectacle, tel le carnage de Las Vegas l’été de l’année dernière.

La tragédie est que, majoritairement, les auteurs de ces crimes sont des adolescents. En fait, l’administration est impuissante face à ce phénomène, d’autant plus que des pesanteurs empêchent de trouver une issue à ce particularisme « far-westernien ». En effet, le port des armes est usité aux Etats-Unis comme un droit sacré garanti par le 2e amendement de la Constitution. Les lobbies des armes font la loi, corrompant les décideurs de l’administration (présidence et Congrès) pour le maintien des choses en l’état. De fait, une rescapée de la tuerie apostropha durement les responsables étasuniens : « A tous les hommes politiques ayant reçu des dons de la NRA, honte à vous » assurant « si le président me dit en face que c’était une terrible tragédie (...) et qu’on ne peut rien y faire, je lui demanderai combien il a touché de la National Rifle Association. Je le sais : 30 millions de dollars. »

L’étudiante a mis le doigt sur la plaie qui gangrène les Etats-Unis : le lobby des armes à feu, la NRA. Très puissante, la National Rifle association, achète les représentants (députés) et les sénateurs, lesquels bloquent au Congrès toute tentative d’amendement des articles sur le port d’arme ou l’instauration d’un contrôle plus strict dans les autorisations octroyées pour la possession d’une arme. De fait, tout citoyen étasunien de 18 ans a le droit – selon la Constitution des Etats-Unis et particulièrement son 2e amendement, qui fait partie d’une série d’additifs (10 en tout) adoptés le 15 décembre 1791, appelés « Déclaration des droits » (Bill of Right’s), estimés plus importants que la Constitution – d’assurer sa sécurité, donc de porter des armes. Les « Gardiens du Temple », très vigilants, veillent à ce que ce droit ne soit ni abrogé ni réduit, ni supervisé. En effet, quel candidat à la députation, au Sénat et singulièrement à la Maison-Blanche, risquera d’affronter la National Rifle association, puissant lobby de la promotion des armes à feu, dont l’un des présidents n’a été autre que la star et légende du cinéma hollywoodien, Charlton Heston.

Depuis son accession à la présidence des Etats-Unis le20 janvier 2017, Donald Trump a pu mesurer la gravité du phénomène qui met les Etats-Unis en porte-à-faux par une coutume (le port d’armes par des civils) qui n’existe nulle part ailleurs dans le monde. Or, le 45e président des Etats-Unis, ne cesse de minimiser les faits exposant, a contrario, outre une proximité douteuse avec les racistes, celle avec le lobby des armes à feu. Ainsi, ne condamnant pas le énième massacre dans un établissement scolaire, le président Trump veut « armer » les enseignants. Le comble ! Alors que l’on pouvait supposer que Trump demande l’interdiction des armes pour ceux – élèves, personnels enseignant et administratif à l’exception des agents de sécurité – fréquentant les établissements scolaires, le voilà qui propose d’armer les enseignants. Il combat le mal en l’aggravant. A son tour la puissante NRA est montée au créneau dénonçant la « politisation honteuse » de la tragédie de Floride. Et de s’en prendre à ceux qui veulent « éradiquer toutes les libertés » aux Etats-Unis. Rien que ça ! En fait, il s’agit surtout d’égocentrisme poussé à ses extrémités les plus choquantes. D’autant plus que les Etats-Unis du XXIe siècle, ne sont pas ceux de l’époque héroïque de la conquête du Far West. C’est encore Trump qui a bloqué la loi que son prédécesseur, Barack Obama, avait impulsé pour circonscrire les drames que le port individuel des armes cause aux Etats-Unis. Toutefois, les présidents des États-Unis, de même que le Congrès, sont en réalité impuissants face à un système qui broie tout ce qui lui résiste.

Il reste que les tueries qui ont marqué les Etats-Unis ces dernières années, dont les auteurs sont généralement des hommes jeunes – ce qui a été le cas de la tuerie de Parkland en Floride la semaine dernière (Esteban Santiago était âgé de 27 ans) – ne s’expliquent pas et certes pas par le fait de vouloir « exister » comme le soutiennent certains psychologues. Les guerres que les Etats-Unis mènent dans le monde semblent être une explication plus plausible au phénomène de jeunes adolescents en mal d’exploits. C’est l’« Amérique » faite de sang et de violences.

25 février 2018

COMMENTAIRES  

02/03/2018 11:57 par Assimbonanga

Eh bien ! Cette "politisation" est heureuse. Si ça pouvait être les prémices d’un changement aux USA ! Les jeunes qui font ça n’ont-ils pas tous le cerveau ravagé par une idéologie façon extrême-droite ? Un cocktail délétère. Et dieu à leurs côtés, bien entendu, ce qui rend le cocktail encore plus effroyablement destructeur. Y a plus de limites.

02/03/2018 21:28 par Feufollet

" l’époque héroïque de la conquête du Far West",
Evidemment, si l’on continue de considérer cette époque comme héroïque
Cette époque de la loi du colt, comme ayant été héroïque
Faudrait pas trop faire semblant, maintenant, à s’étonner de ses conséquence actuelles
La loi du colt à conduit la psychologie des américains au droit implicite de tuer ses ennemis
Le génocide des amérindiens, par le colt et le fusil, parle par lui-même
Le culte du héros libérateur et vengeur du Far-West comme modèle civilisationnel
Cela crée de nouveaux héros américains en Irak, en Syrie et presque partout ailleurs
Mais aussi dans des établissements scolaires aux USA
Les tueurs des écoles se mutent en héros de leur propre liberté
En desparados, en vengeurs de leur désespérance de conquérants sans conquêtes possibles
Le monde virtuel des jeux de massacre de masse, comme culture morbide "normale"
Ne me parait pas plus innocent que les armes elles-mêmes, dans la fabrication des héros américains
En plus, comme privilège de culture avancée, ils cultivent le culte des armes
Je ne vois pas comment les américains pourraient se défaire de cette pathologie civilisationnelle
Tout le monde sait que la société américaine est malade de sa société anti-sociale
Quitte à faire des guerres de distractions pour cacher ses maladies et ne pas en parler
L’hystérie guerrière est promue dans la psychologie américaine/système
Comme la liberté de porter des armes et larguer des bombes (mêmes atomiques)
Il faudrait bientôt un psy par américain peut-être, en plus d’un flic pacifiste
Mais pas des psy américains, anglo-sionistes, s’il-vous plaît.
Des psy cubains feraient peut-être l’affaire, il faudrait le leur proposer

03/03/2018 14:14 par Assimbonanga

Bon enfin... C’est pas demain la veille que les USA cesseront d’être des consommateurs pathologiques d’armes, que ce soit au plan individuel ou national. Las. L’exemple vient d’en haut.

03/03/2018 17:16 par J.J.

...selon la Constitution des Etats-Unis et particulièrement son 2e amendement, qui fait partie d’une série d’additifs (10 en tout) adoptés le 15 décembre 1791, appelés « Déclaration des droits » (Bill of Right’s), estimés plus importants que la Constitution – d’assurer sa sécurité, donc de porter des armes.

C’est ce qui s’appelle une loi scélérate, qui a permis et encouragé le beau mot d’ordre de la conquête de ce qui est devenu les Etazunis, et l’éradication des populations autochtones : "une bible et un fusil" (obscurantisme et violence).

Nous avons l’équivalant approximatif : le sabre et le goupillon, ce qui ne vaut guère mieux ; nous en usâmes (et usons encore ) sans parcimonie.

06/03/2018 00:19 par Francois

Cet article fini en queue de boudin, les analyses psychologiques sur les motivations des tireurs n’engagent que l’auteur.
Et contrairement a ce que laisse entendre l’article, je ne crois pas qu’il faille penser les usa comme un état ou une petite clique imposerait l’acces libre aux armes à feu pour une minorité alors que la majorité silencieuse ne serait pas intéressée par ces mêmes armes à feu.
Kurt Cobain aimait, lors de son temps libre, vider quelques chargeurs d’AR-15 (version civile du M-16 ne tirant pas en rafale, pour faire court). C’est pas trop le profil typique d’un ultra de la NRA.

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