"En privatisant des éléments de la vie publique, l’organisation privée en prive la collectivité. La société privée opère donc un détournement de richesses au titre de la propriété ; elle ne se dégage pas de la vie publique, mais au contraire s’y engage dans le but d’y assurer une occupation. La société s’en trouve dominée par des sociétés. Le programme managérial qui se substitue au fait politique dans la société moderne contribue alors à jeter les bases d’un ordre gestionnaire que l’expression « gouvernance » baptisera plus tard, et radicalisera."
Alain Deneault : Gouvernance
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La décollectivité
Il y a belle heurette ( eh ! oui, c’est ainsi que ça s’écrit, et c’est beau, du moins avant la glissade... belle lurette ) que le mot collectivité est un concept fantomatique trimbalé dans les sphères de la politique et de la totale financiarisation pour nous rassurer. La pratique du concept de collectivité a été matérialisée dans les premiers groupements humains obligés de s’unir pour survivre. Il faut plusieurs mains nues pour abattre un mammouth... Le mammouth actuel est ce gouvernement de pays lié à cet empoisonnant "secteur privé" qui, comme le souligne Deneault rend le public...privé.
La collectivité c’était autrefois les petits villages. On y n’y retrouve plus que des "anciens" vieillissant, la jeunesse étant partie aux Klondike (zone de la ruée vers l’or vers 1900, NDLR) des villes pour aller gagner sa croûte. Voilà donc que l’on fait face à une délocalisation de masse : ce ne sont pas seulement les jeunes qui déménagent, mais des villages qui fondent, des mentalités soudées assassinées. .. C’est la Montagne de Ferrat qui se nivelle au mode de vie américain. La vie ne semble plus rien à voir avec la Vie : c’est celle des écrans et des miroirs aux alouettes, pièges désormais servant à une nouvelle servilité et au meurtre d’une réalité lentement dissoute sous les encombrements du pseudo progrès.
La notion de délocalisation n’est ni plus ni moins qu’une formule cachée pour vendre des pays par échantillons. On râpe les pays comme on râpe du mozzarella. Et les souris grignoteuses se cachent aux encoignures des organigrammes complexes de noms d’entreprises ou de compagnies sniper déguisées en entreprises privées, louables, selon une éthique du management supposément propre et qualifié pour le grand partenariat avec les pays. Bref, une caca cacophonie trompeuse et hypocrite.
L’immolation obligée
Si le travail n’a jamais tué personne, il en a rendu plusieurs handicapés. Si aller à la guerre pour son pays et ses valeurs avait un sens, on se demande aujourd’hui à quoi nous jouons sous le joug de cette mondialisation turbulente et nocive. Si le progrès promis n’est pas là, si nous ne sommes que victimes de ce sabotage volontaire qui nourrit un crépuscule qui n’en finit plus, alors à quoi sert cette immolation involontaire à laquelle nous nous livrons ? Nous allons tous à cette guerre économique qui elles également ont dépecé des peuples entiers. Demandez-leur s’ils voulaient quitter leur pays ?
Un train de vie
Pour le citoyen lessivé, il y a une foultitude de kapos croyant en cette religion qui frôle le nazisme. Adolf n’a-t-il pas anéanti l’Allemagne jusqu’au dernier jeunot pour son "projet d’un Reich millénaire ? Où en sommes-nous dans cette "entreprise" des pays "développés", de ces accrocs à l’entrepreneuriat, sorte de panacée aux maux du capitalisme... créés par le capitalisme ? L’arme fatale, c’est le management, technique vendue aux dirigeants politiques.
Le management est la mise en œuvre des moyens humains et matériels d’une entreprise pour atteindre ses objectifs. Il correspond à l’idée de gestion et de pilotage appliquée à une entreprise ou une unité de celle-ci. Lorsqu’il concerne l’entreprise tout entière, on peut généralement l’assimiler à la fonction de direction (la "fonction administrative" de H. Fayol). Management, Wikipedia.
Les pays se sont virtualisés. Il n’existe qu’un montage-vernis, dans une sorte de fable du pouvoir inactif, inopérant. La pauvreté des "pays", notre pauvreté a été creusée par une globalisation des marchés. Ainsi, 24 voitures de l’AMT ( Agence Montréalaise des Transports) seront assemblées en Chine. Le soumissionnaire le plus bas... Si vous lisez l’article, vous verrez une compagnie chinoise qui devait construire les voitures aux États-Unis (Boston) mais qui décide de délocaliser leur production en ...Chine. Ce n’est là qu’un exemple de la panoplie de tromperies et d’opérations de dernière minute dans une de ces industries.
Tout ça légitimé par le pouvoir politique avec des raisons nébuleuses. Allons-y pour la novlangue :
À l’Assemblée nationale, jeudi, le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, a interrogé le premier ministre Philippe Couillard à propos de l’abaissement de l’exigence de contenu canadien, qui a permis à CRRC de l’emporter sur le seul autre soumissionnaire, Bombardier Transport. Ce dernier, qui exploite une usine dans le Bas-Saint-Laurent, demandait un prix plus élevé que CRRC. La Presse
L’usine du Bas-Saint-Laurent, une petite ville de 3000 habitants a perdu le contrat. C’est à 20 km de mon village. Mais ce n’est pas important, ce qui l’est que ce type de manœuvres est devenu ...monnaie courante dans tous les pays. Le "public" est devenu le privé. Les Super Nestor... Élus.
Privare
La concentration de richesse par le privé ( du latin privare, privilège), conduit notre monde vers une "race" de valets au service de capitaines un peu trop portés sur "la bouteille" du pouvoir. En prolongeant la pensée de Deneault, nous sommes des exclus, bref, des privés de ce qui nous appartient. Nous sommes privés de par le ...privé.
Et ainsi se construit et continue de se construire - avant l’ère du valet robot- une série provisoire de Nestor, valet, qui valait, mais ne vaut plus. L’âme des peuples est foudroyée par la grande noirceur de la déshumanisation.
Il ne reste plus que la construction d’un robot-prêtre, robot-curé, ou de quelque autre "appareil" pour prier... On le fera, si besoin est. Car tout se construit maintenant est pour la déconstruction de l’humain. Il suffit de lustrer et de polir notre "homme" de manière à qu’il puisse penser vivre dans un monde meilleur. Nous faisons face à un nouveau progrès : la magie et l’illusion que nous possédons ce qui nous appartient. Nous, y compris.
Gaëtan Pelletier