@benedicte
Bonjour :
Je lis votre commentaire suite à l’article : « La foi des athées »...
Merci d’avoir pris la peine d’exprimer votre opinion que j’ai lue avec grand intérêt et qui me suggère ceci :
« Je ne vis pas du tout l’athéisme comme une croyance... il n’est pas une croyance à la base ». Vous avez raison en toute logique : ne pas croire à l’astrologie ne fait pas de moi un croyant... Mais dans le cas des religions, conclure ainsi, n’est-ce pas négliger l’Histoire et le contexte social ?
Si on peut imaginer que les premiers êtres dignes de s’appeler hominidés furent athées parce qu’encore incapables de s’interroger sur leur moi confronté à la nature, ne peut-on pas supposer aussi que l’explication des phénomènes naturels (pluie, tonnerre, nuit, jour, soleil, fécondité, semailles, rêves...) très vite ne purent trouver une explication cohérente, pendant des millénaires, que dans les mythologies et les cultes... sans compter que ces mythologies, cultes et croyances furent sûrement un élément déterminant pour fonder, souder et dynamiser des communautés humaines et des cités longtemps fragiles et menacées.
Si les religions sont donc, depuis la nuit des temps, au coeur des communautés humaines et leur sont comme consubstantielles, l’athéisme a bien été, dans les faits, une conquête audacieuse récente, périlleuse, au même titre que la science, le darwinisme, le marxisme, l’école laïque, l’anti-racisme, l’anti-homophobie, etc. sans compter cette alliance totale et intime des religions et de la classe sociale dominante pour perpétuer le pouvoir en place. Alors, peut-on et doit-on s’interdire de considérer comme un devoir de lutter contre l’obscurantisme religieux, allié à la réaction politique et sociale, de faire connaître notre conviction que la religion est une fable, certes, mais aussi une idéologie et une puissance économique et politique et sociale considérables, de devenir des militants - pas des fidèles - de l’athéisme, sous les formes les plus efficaces et probablement diverses et encore à inventer ?...
« L’être humain n’est pas au-delà de la nature, mais parce qu’il veut le croire, en réalité c’est la vie qui est au-delà de lui, et c’est (cette) absence de vie qui est responsable du vide, du manque, des peurs qui le taraudent et qu’il cherche à conjurer par la croyance » J’avoue que j’ai du mal à vous suivre. Vous considérez le couple être humain-nature, mais omettez un peu vite, je crois, le troisième élément primordial, essentiel, incontournable : la « société ». « Je est un autre » a-t-on pu dire. Si le groupe humain n’existe pas, la personne humaine non plus. L’enfant-loup de l’Ardèche n’est pas totalement humain. Et la physique quantique n’est pas dans la nature. Pas plus que Pi. C’est la société des hommes qui s’est donnée les moyens sociaux, économiques, conceptuels, de supposer, inventer ces savoirs qui sont opérationnels et, provisoirement, utiles et suffisants pour elle pour résoudre ses tâches du moment. Et je mettrais les religions et l’athéisme dans la même lignée...
Je suis persuadé que vous lirez, sur ces questions, avec grand intérêt le livre récent de Lucien Sève : Penser avec Marx aujourd’hui. Tome II. L’« Homme » ? - Editions La Dispute - [je suis loin de mes archives et je cite l’ouvrage de mémoire et donc, peut-être, imparfaitement]. Je me permets de vous le recommander si vous ne le connaissez pas.
C’est parce que j’ai pensé que l’oeuvre et le cheminement de ce prêtre allemand pouvait intéresser un public francophone que j’ai proposé à Le Grand Soir cet article dont je n’ai été que le modeste traducteur. Merci encore de m’avoir dit que je ne me suis pas trompé.
Avec mes civilités empressées.
Manuel Colinas