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La paix dans la péninsule coréenne est bien la dernière chose que souhaite Washington

C’est malgré Washington, et non grâce à ses efforts, que le processus de paix se poursuit dans la péninsule coréenne. En effet, vu l’importance militaire et stratégique de la Corée du Sud dans le projet global de domination mondiale de Washington, la paix et la réconciliation entre le Nord et le Sud sont sans doute la dernière chose que l’Empire souhaite.

La volonté et la détermination de Kim Jong-un de la Corée du Nord et de Moon Jae-in, le président de la Corée du Sud, de normaliser leurs relations sans se laisser décourager par les tentatives évidentes de l’administration Trump de saboter leurs efforts – menaces et insultes contre le dirigeant nord-coréen, conditions scandaleuses posées à Pyongyang pour la tenue des pourparlers, refus de participer au premier sommet de paix prévu à Singapour sous des prétextes fallacieux – témoignent du désir de réconciliation de leurs peuples respectifs après des décennies de conflits.

Les faucons néoconservateurs étasuniens et autres partisans de la ligne dure

Avec des néoconservateurs comme John Bolton, Mike Pompeo et Nikki Haley qui occupent des postes clés au sein de l’administration Trump, nous avons une Maison Blanche qui croit dur comme fer que la diplomatie c’est bon pour les mauviettes, et qu’une ligne dure et intransigeance doit remplacer la diplomatie étasunienne comme arbitre légitime des affaires internationales.

Pourquoi Washington tient-il autant à voir le processus de paix dans la péninsule coréenne s’effondrer ? La réponse est simple : la Chine. C’est Pékin, et non Pyongyang, qui occupe la première place dans l’esprit des néoconservateurs et des planificateurs stratégiques des États-Unis. La difficulté de contenir l’économie chinoise, qui gagne rapidement du terrain sur son homologue étasunienne, et le poids régional, et de plus en plus international, de Pékin, les remplit de terreur. La Chine menace l’hégémonie de l’Empire, et c’est pourquoi une importante présence militaire américaine dans et autour de la péninsule coréenne, en bonne position pour frapper la Chine, est capitale.

Le journaliste d’investigation John Pilger, dans son documentaire The Coming War With China (2016), met en garde contre le danger que font peser sur la paix les objectifs hégémoniques étasuniens susmentionnés. Il écrit :

« Aujourd’hui, plus de 400 bases militaires étasuniennes encerclent la Chine avec des missiles, des bombardiers, des navires de guerre et, surtout, des armes nucléaires. Du nord de l’Australie au Japon, en passant par le Pacifique, la Corée et à travers l’Eurasie, l’Afghanistan et l’Inde, les bases forment, selon un stratège étasunien, un “ parfait nœud coulant’ ” ».

Le pivot d’Obama vers l’Asie

Ce “ nœud coulant’ ”autour de la Chine a été mis en place dans le cadre d’un plan stratégique et militaire antérieur à l’administration Trump. La principale démarche de son prédécesseur, Barack Obama, en matière de politique étrangère en 2011 – son “ pivot vers l’Asie ” – a pur but explicite de contenir Pékin. Dans le discours prononcé en Australie, sur le “ pivot de Washington vers l’Asie ”, Obama Obama déclarait :

« Les États-Unis sont une puissance du Pacifique, et nous sommes ici pour toujours. D’ailleurs, nous sommes déjà en train de moderniser le dispositif de défense des Etats-Unis en Asie du Pacifique. Il sera élargi de façon à maintenir notre forte présence au Japon et dans la péninsule coréenne tout en renforçant notre présence en Asie du Sud-Est. Notre posture sera plus flexible – avec de nouvelles capacités permettant à nos forces d’opérer librement. Et nous adopterons l’attitude plus soutenable d’aider nos alliés et partenaires à renforcer leurs capacités grâce à plus de formations et d’exercices. »

La “ forte présence ” dont Obama se vantait en 2011 se monte, en 2018, à près de 30 000 soldats étasuniens dans la péninsule coréenne, appuyés par de multiples escadrons de chasseurs et de chasseurs-bombardiers, ainsi que par le système de défense antimissile THAAD récemment déployé. Il y a aussi 50 000 soldats étasuniens basés au Japon et dans les environs, ainsi qu’un groupe de porte-avions d’attaque de la Septième flotte. Et bien sûr, cela va sans dire, il y a des sous-marins nucléaires qui patrouillent constamment dans la région.

Fidel Castro, qui avait, lui aussi, été amplement confronté à la puissance maléfique de l’Empire, disait que « chaque base militaire [étasunienne] est un poignard enfoncé dans la souveraineté d’une nation ; chaque base détruit une parcelle de souveraineté ».

La Stratégie de sécurité nationale de Trump

En janvier de cette année, l’administration Trump a présenté sa Stratégie de sécurité nationale, qui comprenait la proclamation grandiloquente, mais franche, suivante :

« La Chine et la Russie défient la puissance, l’influence et les intérêts américains en tentant d’éroder la sécurité et la prospérité américaines. Elles ont la ferme intention de limiter la liberté et l’équité économiques, de développer leurs armées et de contrôler l’information et les données pour réprimer leurs sociétés et étendre leur influence. En même temps, les dictatures de la République populaire démocratique de Corée et de la République islamique d’Iran ont la ferme intention de déstabiliser des régions entières, de menacer les Américains et nos alliés et de brutaliser leur propre peuple ».

En lisant à travers les lignes surréalistes du passage précité, on peut se faire une meilleure idée de la réalité de la situation. La voilà :

« La Chine et la Russie contestent l’hégémonie, la domination et l’impérialisme américains comme jamais auparavant, en tentant de forger une alternative multipolaire. Ces pays ont la ferme intention de remettre à l’ordre du jour les principes énoncés dans la Charte des Nations Unies – c’est-à-dire le respect de la souveraineté nationale et du droit international – comme fondement des affaires mondiales. En raison de la menace posée par l’agression militaire américaine et occidentale de ces dernières années, ils ont été forcés de développer leurs armées, tout en répondant à la domination occidentale de l’information par l’introduction de leurs propres plateformes médiatiques mondiales. En même temps, la République populaire démocratique de Corée et la République islamique d’Iran continuent d’opposer une résistance régionale à l’impérialisme américain, qui a été le catalyseur de l’instabilité et, donc, d’une recrudescence du terrorisme régional et mondial ».

La paix est la dernière chose que Washington veut.

Tout montre que la paix et la réconciliation, après des décennies de conflits, de tensions et de querelles dans la péninsule coréenne, seraient loin d’être une bonne chose pour Washington. Le rapprochement est l’œuvre exclusive des Coréens qui forcent l’administration de Trump à faire, à son tour, semblant de soutenir et d’approuver ce qui se passe. Le président sud-coréen Moon Jae-in mérite des éloges particuliers pour avoir refusé, jusqu’à présent, de plier devant Washington, ce qui oblige l’administration Trump à continuer à faire bonne figure, tout en sachant que chaque pas vers la paix et la réconciliation entraînera un affaiblissement des objectifs militaires et stratégiques américains plus larges dans la région.

En tout cas, une chose est sure, ce processus de paix – qui conduira peut-être en fin de compte à la réunification de la Corée - rapproche le moment où Séoul se libérera de son statut de vassal américain. D’ici là, le président Moon Jae-in serait avisé d’accueillir l’approbation souriante de Trump avec le scepticisme qui convient.

Après tout, « Les sourires des hommes cachent parfois des poignards*. »

John Wight

Traduction : Dominique Muselet

Note :

* Shakespeare : Macbeth : Act 2, Scene 3

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Leur Grande Trouille - journal intime de mes "pulsions protectionnistes"
François RUFFIN
GoodYear, Continental, Whirlpool, Parisot-Sièges... Depuis dix ans, à travers la Picardie d’abord, la France ensuite, j’ai visité des usines de robinets, de pistons, de cacao, de lave-linge, de canapés, de chips ; de yaourts, avec toujours, au bout, la défaite. Ca m’a lassé de pleurnicher. Mieux valait préparer la contre-offensive. C’est quoi, leur grande trouille, en face ? Leur peur bleue ? Il suffit de parcourir le site du MEDEF. Ou de lire leurs journaux, Le Monde, La Tibune, Les (…)
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Cité par Serge Halimi, dans le Monde Diplomatique de février 2005, page 2

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