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Le Monde Diplomatique (sept. 2010)

Dans le numéro de septembre 2010 du Monde Diplomatique, Serge Halimi revient sur les droits de la femme en Iran : « Le mois dernier, Mme Bibi Aisha a fait la couverture de Time Magazine. Mutilée, prétend-on, par des talibans afghans, Mme Aisha n’a plus ni oreilles ni nez. En Iran, Mme Sakineh Mohammadi-Ashtiani, déjà fouettée pour adultère, a été par surcroît condamnée à une peine de lapidation. Son visage encore intact est devenu un signe de ralliement contre le régime de Téhéran. Ces deux images de femmes font réfléchir, mais à quoi ? Pas à la férocité des islamistes afghans : les Soviétiques l’avaient déjà éprouvée à une époque où, avec la bénédiction des intellectuels médiatiques, les Occidentaux armaient les fondamentalistes. Les photos ne nous révèlent rien non plus sur le régime du président Mahmoud Ahmadinejad : les fraudes électorales de ses partisans et la répression de ses opposants, pendaisons incluses, en ont établi la nature.

Au lieu de susciter la réflexion, ces images ne risquent-elles pas plutôt de la contraindre en adossant - de manière intentionnelle ou non un symbole irrésistible (mutilation que l’on aimerait châtier, exécution qu’on voudrait conjurer) à un projet stratégique hasardeux (poursuite de la guerre en Afghanistan, escalade des sanctions contre l’Iran) ? Plus le symbole est puissant, moins le projet requiert d’être argumenté, l’émotion faisant passer ce que la réflexion eût arrêté. Pour donner un sens éditorial à son récit du supplice de Mme Aisha, Time Magazine a titré : « Ce qui arrivera si nous quittons l’Afghanistan ». Quelques jours plus tôt, soixante-dix-sept mille documents publiés par le site WikiLeaks avaient pourtant confirmé l’échec moral, politique et militaire de la guerre occidentale. Mais le choc d’une image réclame moins de temps que la lecture critique de plusieurs milliers de pages. Une photo contre les Lumières.

Des mutilations interviendront-elles « si nous quittons l’Afghanistan » ? En tout cas, « notre » présence n’a pas empêché celles qui y furent commises… Les talibans ne sont pas dépourvus de photos de civils amputés ou tués par des missiles occidentaux. Un jour, Time Magazine en publiera peut-être une. Lui servira-t-elle de couverture ? Et quelle en sera la légende ? »

Laurent Bonelli évoque « l’emballement répressif en France » : « Rogner sur les libertés des gens n’a pas rendu nos rues plus sûres », déclarait en mai 2010 M. Nicholas Clegg, le nouveau vice-premier ministre libéral-démocrate britannique. Qu’il s’agisse des Roms ou des banlieues, les dirigeants français semblent persuadés du contraire. Mais, si elle s’avère parfois payante sur le plan électoral, l’option répressive porte en elle les germes de son propre échec. Déjà vu. C’est la pénible sensation que laisse la séquence amorcée en juillet dernier à Grenoble et à Saint-Aignan (Loir-et-Cher). De jeunes adultes meurent en essayant d’échapper aux forces de l’ordre et des violences collectives éclatent là où ils vivaient. Le gouvernement annonce sa fermeté dans la lutte contre la délinquance, ainsi qu’un nouveau plan d’action. Des sondages en confirment le bien-fondé. Et certains élus de l’opposition, des intellectuels et des associations de défense des libertés protestent contre l’outrance des mesures envisagées. Depuis une trentaine d’années, les lieux et les acteurs changent, mais la trame reste étonnamment semblable. Rien n’a donc été fait ? « Le combat pour la sécurité bouscule tous les clivages traditionnels, explique M. Brice Hortefeux, le ministre de l’intérieur. Il y a ceux qui connaissent les réalités et agissent " et ceux qui les nient pour ne rien changer. Nous avons le courage des mots, l’obstination de l’action et l’obligation de résultats. » (Le Monde, 23 août 2010.) Rarement le volontarisme s’exprime avec autant de vigueur que sur le sujet. Qu’on en juge : entre 2002 et 2010, pas moins de treize lois spécifiques ont été votées ; plus de quarante ont modifié le code de procédure pénale et plus de trente le code pénal. Et le gouvernement français comme certains membres de l’Union pour un mouvement populaire (UMP) proposent aujourd’hui de punir pénalement les parents de mineurs délinquants récidivistes, de déchoir de la nationalité certains criminels, de démanteler trois cents campements illégaux de Roms avant le mois d’octobre, et même de sanctionner les municipalités qui « ne se conforment pas à leur obligation de sécurité ». Pourquoi une telle inflation ? Certains font valoir que la résurgence du débat sur la sécurité vise peut-être à faire oublier les effets sociaux de la crise économique, les multiples rebondissements de l’« affaire Woerth » ou l’impopulaire projet de réforme des retraites. » L’idéologie dominante, relayée par le Parti socialiste, a réussi, et c’est là le drame à disjoindre l’insécurité des questions sociales et économiques. Julien Dray a même osé déclarer que l’on « choisit de devenir délinquant ».

D’où vient l’argent des talibans, demande Louis Imbert ? Le Congrès des États-Unis a voté 59 milliards de dollars supplémentaires pour financer la guerre en Afghanistan. La corruption étant ce qu’elle est, une bonne partie de ces fonds va alimenter le trésor de guerre des talibans.

Orwell le disait souvent : quand on pense mal, on parle mal. Surtout quand on parle étranger. Une compagnie d’aviation low cost, c’est presque chic. " A bas coût " , c’est vulgaire. Pourquoi, se demande Évelyne Pieiller, Martine Aubry souhaite-t-elle une société du care, et non une société fondée sur la sollicitude ? Parce que la priorité accordée à la compassion et à une éthique individuelle conduit à négliger les structures de l’économie. Le lien social va peut-être se retisser, mais en dehors des combats collectifs.

Un article très fouillé de Jean-Claude Sergent sur les relations Londres-Washington. « Aux génuflexions diplomatiques de Blair, David Cameron promet de substituer une relation solide mais pas servile. Le pari est délicat. »

Jean-Arnault Dérens rappelle que l’indépendance du Kosovo sera discutée prochainement aux Nations unies. La diplomatie serbe s’active pour contrer l’indépendance proclamée. Elle a trouvé de nombreux alliés inattendus.

Un gros dossier sur la crise économique et financière mondiale. Les marchés ne sont toujours pas domptés. Pour les calmer, les gouvernements européens imposent la rigueur tout en sachant qu’elle risque d’étouffer la reprise. En France, la Cour des comptes a clairement montré que les déficits publics résultent principalement de la baisse des impôts. Il n’est en rien structurel. L’industrie allemande redémarre, ce qui semble conforter un modèle économique qui repose sur les exportations, la stagnation des salaires et la déréglementation du travail.

Depuis la fin des années 1990, « l’insécurité » a acquis le statut de catégorie politique à part entière. Pourtant, si elle s’avère parfois payante sur le plan électoral, l’option répressive porte en elle les germes de son propre échec. Tout comme les résultats de la politique de rigueur prônée pour résoudre la crise économique et financière : salaires comprimés, ménages (et Etats) endettés et immenses profits non investis - les ingrédients même qui l’ont provoquée. A l’Est et au Sud, cependant, la classe ouvrière exige sa part des produits de la croissance : grèves en Chine, en Inde, au Bangladesh, en Afrique du Sud… L’acte II de la grande crise se jouera-t-il sur le terrain social ? Sur un autre terrain, le champ de bataille afghan, se pose la question de l’origine de l’argent des talibans. Au-delà de l’opium, le trésor de guerre des insurgés pourrait être alimenté par… les fonds débloqués par le Congrès américain.

Ainsi la crise financière aboutit-elle, deux ans après la faillite de la banque Lehman Brothers, à la rigueur pour les populations de l’Ancien Continent, fermement « invitées » au sacrifice pour expier des fautes qu’elles n’ont pas commises. Même si l’on connaît bien, depuis l’ère Reagan-Thatcher, la propension des gouvernements néolibéraux à agiter l’épouvantail de la dette publique - entretenue par des baisses d’impôts consenties à leur clientèle aisée - pour réduire les dépenses de l’Etat, privatiser les entreprises publiques, tailler dans les programmes sociaux et affaiblir les systèmes de protection sociale, nul ne pouvait prévoir qu’ils y parviendraient à nouveau, tant la porte semblait étroite, cette fois, pour la mise en oeuvre de l’habituelle « stratégie du choc ».

Il fallait en effet effrayer suffisamment les populations pour qu’elles admettent que l’on ne peut pas éternellement « vivre au-dessus de ses moyens » et, simultanément, rassurer les marchés - déjà affolés par le montant de cette dette. Ce coup double exigeait un certain doigté, que tous ne maîtrisaient pas complètement. Les dirigeants du Fidesz, le parti libéral au pouvoir en Hongrie, s’y sont certainement mal pris lorsqu’ils ont voulu mettre sur le dos de leurs prédécesseurs socialistes l’état prétendument calamiteux des finances publiques. En comparant la situation de Budapest à celle d’Athènes, ils ont certes réussi à frapper les esprits, en oubliant peut-être que « les marchés » en manquent un peu, d’esprit. Au lendemain de ces annonces, le forint chutait de 3 % et la prime d’assurance contre le risque de défaut sur la dette s’envolait, provoquant ainsi l’inverse de l’effet recherché.

Pourquoi s’attaquer aux retraites ? Pas parce que les régimes sont à l’agonie (Bernard Friot) mais parce qu’après l’attaque généralisée contre le salariat, les retraités sont la seule catégorie encore relativement protégée.

Un reportage intéressant de Gilles Balbastre dans les Landes, dans l’entreprise de carton Fonmarty. Après des années d’une gestion paternaliste à peu près supportable, un fonds d’investissement étatsunien a … fondu sur l’usine de bois, viré le patron paternaliste et a institué une sorte d’esclavage. La résistance a fini par s’organiser grâce à la CGT (quasi interdite du temps de l’ancien patron). Tout n’est pas perdu.

Isabelle Thireau explique dans la Chine communisto-capitaliste, les conditions d’existence des ouvriers sont souvent dégradantes. Mais les luttes s’amplifient (17000 chauffeurs de taxi en grève récemment).

On connaissait Echelon, Frenchelon, on découvre grâce à Nicky Hager, Ourim, une très puissante station d’écoute dans le Néguev, qui s’est déployée, bien sûr, en dehors de tout contrôle judiciaire.

Une étude intéressante d’Alan Audi sur les États-Unis en tant que république des avocats, repérée dès Tocqueville : « L’aristocratie américaine est au banc des avocats et sur le siège des juges. » Les avocats représentent 59% des élus du Sénat et 40% des Représentants.

Lucile Garçon et Rami Zurayk sont allés dans les champs de la Bekaa, où viennent travailler, parfois pour des années, des Syriens, attirés par de meilleurs salaires.

Benoît Francès évalue le prix de la réconciliation entre la France et le Rouanda. Kagamé a durci le régime, mais les lignes bougent entre les deux pays.

Au Brésil, les favelas, mais aussi la Bourse, plébiscitent Lula (Geisa Maria Rocha). Sous Lula, les très pauvres sont devenus un petit peu moins pauvres. Les riches sont devenus énormément plus riches…

Selon Christian Christensen, le succès de Wikileaks nous dit beaucoup sur la puissance des médias coopératifs. Mais il ne signifie pas « la fin des censures, le dépassement des frontières nationales et l’épuisement des médias traditionnels. »

Henry Jenkins explique comment des Indiens en lutte contre une compagnie minière britannique, des Palestiniens dans les territoires occupés « ont endossé l’identité des Na’vi, héros du film Avatar. Ce phénomène met en lumière le détournement de plus en plus fréquent, à des fins politiques, des références de la culture de masse. »

Véronique Fau-Vincenti place la démocratie sous le regard des aliénistes : « insurgé fiévreux, citoyen patient, France malade, enfiévrée, schizophrène, autiste. »

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Hélène Berr. Journal. Paris, Tallandier, 2008.
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