RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher
Un chèque de 60 millions d’euros pour le patron de Volkswagen

Le tricheur est sous le capot

Imaginons qu’un ouvrier d’une grande firme automobile monte, même par inadvertance, durant plusieurs heures, des pièces à l’envers ! Il serait licencié sur-le-champ sans indemnité.

Mais que le patron du géant Volkswagen couvre un trafic aux lourdes conséquences sanitaires et environnementales sur onze millions de véhicules, alors il pourra démissionner et recevoir un beau chèque de 60 millions d’euros, accompagné d’autres primes. Si, dans quelques semaines, il dirige une autre entreprise transnationale, peut-être recevrat-il le même cadeau.

Tel est devenu notre monde ! Totalement fou ! Miné par les affreuses logiques de la concurrence, reléguant l’humain au fond des tiroirs-caisses. Poussé par des guerres de conquêtes du « marché mondial », sans fin, sans foi, ni loi ! Avec la complicité de l’équipementier Bosch, la firme automobile Volkswagen installe un logiciel permettant de minorer, lors de tests en laboratoire ­ particulièrement ceux mesurant le niveau du dangereux dioxyde d’azote ­, les émissions polluantes de ses voitures. Ainsi, elle espère conquérir des « parts de marché » aux États-Unis sur les entreprises japonaises et nord-américaines, et devenir championne du monde. Elle le fait dans le cadre de la contraction du « marché » européen, conséquence des politiques d’austérité au sein desquelles se déploie cette jungle de la concurrence. C’est pour cette raison qu’à chaque révision des standards européens de pollution, les constructeurs européens sont vent debout et dépêchent, auprès des institutions nationales et européennes, leurs « lobbies », les bras chargés de leurs douces et sensibles préconisations. Voilà comment des véhicules, particulièrement ceux alimentés au diesel, crachent une bonne partie de ce nuage gris, sale et étouffant qui s’installe au-dessus de nos villes.

Des rapports parlementaires et de nombreuses études, dont celles fournies par l’Organisation mondiale de la santé, alertent pourtant depuis des années sur le fléau sanitaire que constituent les particules fines que vomissent les pots d’échappement. Elles sont la cause de sinusites, de bronchites, de rhinites, d’asthmes affectant tout particulièrement les jeunes enfants et les seniors et pouvant aller jusqu’à certaines maladies cardio-vasculaires et cancers du poumon. Rien n’y fait ! La recherche toujours et toujours du profit, dont une partie est désormais indexée sur la Bourse, commande les décisions. Peu importe la vie humaine pour les serviteurs du dieu « argent ». Cela s’apparente à un crime environnemental et sanitaire ! Cela constitue un vol manifeste de l’État, des contribuables et des acheteurs de voitures, dès lors que le gouvernement avait favorisé les véhicules considérés comme moins polluants en octroyant des primes et des bonus à l’achat.

Au-delà, il faudra bien sûr se poser plusieurs types de questions et nous savons tous que sans réformes de fond, il y aura de nouvelles fraudes. Les outils de contrôle européen sont en échec. Une autorité européenne chargée de pratiquer des tests sur les véhicules, en situation réelle pour vérifier les émissions polluantes et ayant l’autorité de faire rappeler et rembourser ces voitures, camions ou cars, devrait être envisagée. Les dispositifs en cours pour favoriser les cars et les camions contre le transport par rail avec la SNCF ou le transport fluvial doivent être reportés sine die. La création d’une agence européenne pour l’environnement devient urgente. Au lieu d’octroyer des fonds publics comme ceux du « crédit impôt recherche » ou du « crédit impôt compétitivité », il serait plus utile et efficace d’investir dans un grand plan innovant pour une mobilité préservant la santé, l’environnement, mais aussi le confort dans les transports publics. Sans doute faudra-t-il programmer dans le temps plus long la sortie du diesel en aidant à reconfigurer les usines avec les syndicats de travailleurs tout en rapatriant des productions en France. Un travail colossal est indispensable pour progresser vers les véhicules propres à très faible consommation, pour des voitures électriques à des prix accessibles, mais aussi des véhicules hybrides dont ceux s’alimentant à l’hydrogène.

Le même effort doit être entrepris pour les transports publics. Train, métro, tramway sont autant d’atouts à développer grâce à des entreprises publiques profondément démocratisées et humanisées. Que d’emplois nouveaux et de mises en formation indispensables pour de tels objectifs ! La ville en son ensemble devrait être repensée avec les habitants et les élus locaux, à l’aune des besoins de transports, de logements, économes en énergie, de constructions d’écoquartiers, mais aussi avec une réflexion nouvelle pour réduire les distances domicile-travail trop épuisantes. Cela devrait être l’un des enjeux principaux des débats préparatoires aux élections régionales en lieu et place de politicailleries sans importance. Il est vrai que de tels élans nouveaux ne peuvent souffrir des choix austéritaires actuels, tant pour l’État que pour les collectivités territoriales.

D’autres questions se posent ! Y répondre n’est pas si facile. Ainsi les logiciels d’entreprise permettant de faire croire qu’un véhicule est propre alors qu’il est polluant relèvent du secret industriel, protégé par le droit d’auteur. Dans un tel cas, il convient sans doute de se donner la possibilité de lever ce secret dès lors qu’il nuit à l’intérêt général humain et environnemental. Sur ce sujet, la bataille est féroce au sein du Parlement européen. Qu’il s’agisse de la directive sur le secret des affaires qui créerait un arsenal législatif contre les lanceurs d’alerte et la presse ; qu’il s’agisse encore des nombreux accords de libre-échange en négociation dont le projet de traité transatlantique et le projet de libéralisation des services (dit TISA). Notons au passage que ce scandale « Volkswagen » éclate précisément, et comme « par hasard », aux États-Unis. Au moment où nous ne cessons de mettre en garde contre une baisse des normes environnementales, une grosse pierre est jetée sur les pieds des négociateurs européens du traité transatlantique, dont on comprend mieux pourquoi ils tiennent tant au secret de leurs délibérations ! À quelques semaines de l’ouverture de la conférence sur le climat de « Paris - Seine-Saint-Denis », il conviendrait de rechercher rapidement des réponses mondiales à ces enjeux. Vite, sortons les tricheurs des moteurs.

Patrick LE HYARIC,
Jeudi 1er octobre 2015, l’Humanité Dimanche.
(Patrick Le Hyaric est directeur de l’Humanité).

NB : j’ai interrogé la Commission européenne sur ce scandale dans une question écrite et, avec mon groupe GUE/NGL, j’ai déposé une question orale avec demande de débat.

URL de cet article 29389
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

Même Thème
Pourquoi les riches sont-ils de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres ?
Monique Pinçon-Charlot - Michel Pinçon - Étienne Lécroart
Un ouvrage documentaire jeunesse engagé de Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon, illustré par Étienne Lécroart Parce qu’il n’est jamais trop tôt pour questionner la société et ses inégalités, les sociologues Monique et Michel Pinçon-Charlot, passés maîtres dans l’art de décortiquer les mécanismes de la domination sociale, s’adressent pour la première fois aux enfants à partir de 10 ans. Avec clarté et pédagogie, ils leur expliquent les mécanismes et les enjeux du monde social dans lequel ils vont grandir et (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Il n’y a pas de moyen plus violent de coercition des employeurs et des gouvernements contre les salariés que le chômage. Aucune répression physique, aucune troupe qui matraque, qui lance des grenades lacrymogènes ou ce que vous voulez. Rien n’est aussi puissant comme moyen contre la volonté tout simplement d’affirmer une dignité, d’affirmer la possibilité d’être considéré comme un être humain. C’est ça la réalité des choses.

Henri Krazucki
ancien secrétaire général de la CGT
Extrait sonore du documentaire de Gilles Balbastre "Le chômage a une histoire",

Appel de Paris pour Julian Assange
Julian Assange est un journaliste australien en prison. En prison pour avoir rempli sa mission de journaliste. Julian Assange a fondé WikiLeaks en 2006 pour permettre à des lanceurs d’alerte de faire fuiter des documents d’intérêt public. C’est ainsi qu’en 2010, grâce à la lanceuse d’alerte Chelsea Manning, WikiLeaks a fait œuvre de journalisme, notamment en fournissant des preuves de crimes de guerre commis par l’armée américaine en Irak et en Afghanistan. Les médias du monde entier ont utilisé ces (...)
17 
Comment Cuba révèle toute la médiocrité de l’Occident
Il y a des sujets qui sont aux journalistes ce que les récifs sont aux marins : à éviter. Une fois repérés et cartographiés, les routes de l’information les contourneront systématiquement et sans se poser de questions. Et si d’aventure un voyageur imprudent se décidait à entrer dans une de ces zones en ignorant les panneaux avec des têtes de mort, et en revenait indemne, on dira qu’il a simplement eu de la chance ou qu’il est fou - ou les deux à la fois. Pour ce voyageur-là, il n’y aura pas de défilé (...)
43 
Hier, j’ai surpris France Télécom semant des graines de suicide.
Didier Lombard, ex-PDG de FT, a été mis en examen pour harcèlement moral dans l’enquête sur la vague de suicides dans son entreprise. C’est le moment de republier sur le sujet un article du Grand Soir datant de 2009 et toujours d’actualité. Les suicides à France Télécom ne sont pas une mode qui déferle, mais une éclosion de graines empoisonnées, semées depuis des décennies. Dans les années 80/90, j’étais ergonome dans une grande direction de France Télécom délocalisée de Paris à Blagnac, près de Toulouse. (...)
69 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.