Chacun garde le souvenir précis de ce 11 septembre 2001, où le monde découvrit effaré les images de l’effondrement des tours jumelles du World Trade Center. La réalité rattrapait la fiction dans un nuage de cendres, un paysage de désolation. Le monde s’en trouva ébranlé et l’histoire, que d’aucuns prétendaient finie, se ranima brusquement. Un nouvel « ennemi » apparut. Le terrorisme islamique frappait déjà, mais personne n’imaginait une telle capacité opérationnelle, au cœur de l’Empire étasunien.
De fait, le terrible attentat allait rebattre les cartes de la géopolitique mondiale et engager l’Occident dans une interminable et laborieuse « guerre contre le terrorisme », bien souvent prétexte au redéploiement des logiques impérialistes. Des puissances occidentales, seule la France eut le courage de refuser d’engager ses troupes en Irak en 2003, avant de succomber, elle aussi, aux sirènes de la lutte contre « l’axe du mal », concept forgé par les thuriféraires d’un Occident étriqué, tête de pont du capitalisme mondialisé.
L’hydre djihadiste, loin d’en être affectée, démultiplia ses têtes. L’échec est patent. La guerre, c’est connu, est une drogue dure. Il aura fallu vingt longues années pour que les États-Unis fassent le constat de leur impuissance à juguler le terrorisme islamiste –l’ont-ils jamais vraiment voulu ? – et retirent leurs troupes d’un Afghanistan accusé d’abriter les cerveaux de la nébuleuse djihadiste.
Un cycle se termine désormais. L’inexorable avancée des talibans sur Kaboul au moment où ces pages sont écrites signe l’échec de la stratégie états-unienne. « Tout ça pour ça », sommes-nous tentés de dire... Les femmes, les enfants, les jeunes Afghans sont une nouvelle fois pris au piège du fondamentalisme après vingt années d’instabilité et de dévastations.
Mais le temps perdu ne se rattrape guère. Et les millions de vies volées par cette « guerre de vingt ans » et ses répercussions régionales laisseront des traces indélébiles. L’hydre islamiste aura fini par manger la main de ceux qui l’ont copieusement nourrie pendant deux décennies pour contrer l’influence communiste et socialiste au Moyen-Orient.
Commode « ennemi » qui, sans armée constituée, aura justifié des interventions militaires menées au nom du « changement de régime » cher aux États-Unis, et ces guerres que Jean Jaurès qualifiait de « proies » : le pillage d’États entiers et de leurs ressources naturelles et énergétiques qui aura fait la fortune de quelques entreprises mercenaires.
Ces guerres avaient bien l’odeur fétide du pétrole et du dollar
Il y a plus de deux siècles, Robespierre prévenait que « personne n’aime les missionnaires armés ; et le premier conseil que donnent la nature et la prudence, c’est de les repousser comme des ennemis ».
En vingt ans, des pays se sont disloqués et les guerres multipliées dans ces régions où l’on prétendait implanter « la démocratie » à coups de canon. Une génération entière y aura fait l’expérience de la désolation, apprenant à (sur)vivre avec l’absence absolue de perspectives personnelles et collectives.
Des leçons à tirer de ces événements, l’une devrait l’être par tous : la lutte contre le fléau du terrorisme et du fondamentalisme ne pourra être résolument menée sans progrès social, coopération, internationalisme, développement humain des nations souveraines. C’est bien un monde nouveau qu’il faut urgemment s’atteler à construire. Car la paix, loin d’être un supplément d’âme, est un combat politique.
En mêlant entretiens, reportages et analyses, ce hors-série de l’Humanité vous propose de revenir sur cet événement qui aura grandement contribué au remodelage du monde, par différents angles qui sont autant de fenêtres sur l’humanité qui nous est léguée. Puisse-t-elle nourrir votre réflexion et fortifier nos engagements pour un monde nouveau de coopération, de justice et de paix.
Patrick Le Hyaric
Directeur de l’Humanité