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Le vrai miracle tunisien

« C’est la crise sociale qui provoquera la chute du régime », nous avait assuré Hamma Hammami il y a quelques années1. La prophétie du leader communiste tunisien faisait alors sourire les amis du vieux dictateur Zine El Abidine Ben Ali, père révéré du prétendu « miracle économique tunisien ». L’arrestation de l’opposant hier à son domicile montre qu’à Tunis l’arrogance a cédé le pas à la peur.

Avec une détermination et une liberté de ton inconnues depuis les « émeutes du pain » de 1983-1984, la jeunesse tunisienne affronte sans relâche depuis un mois ses geôliers autant que ses exploiteurs. Car si le désespoir est surtout alimenté par des conditions de vie dégradées, la revendication politique n’est jamais loin. La révolte de la région minière de Gafsa, en 2008, avait préfiguré ce type de mouvement, d’autant plus explosif qu’il était pluridimensionnel. Le ras-le-bol du flicage s’y nourrit des inégalités et des prébendes qu’une petite minorité continue de se partager.

Vanté comme un modèle pour l’Afrique par le Forum économique mondial (WEF) et par le Fonds monétaire international, le régime tunisien a sagement livré sa force de travail et ses ressources au marché mondial. Prélevant au passage une dîme, qui alimente la corruption et l’immense appareil répressif, mais bien peu les Tunisiens. Ceux-ci, en revanche, subissent les effets des privatisations, des dérégulations et du scrupuleux « remboursement » de la dette externe. L’ouverture complète du secteur textile et la crise financière ont fait le reste.

Ce n’est pas un hasard si d’autres régions du Maghreb connaissent simultanément de tels soubresauts. En novembre au Sahara occidental, puis en décembre à Tinghir, en pays berbère, le cocktail explosif des revendications économiques et du ressenti identitaire a brisé le mythe d’un Maroc uni derrière son monarque réformiste. En Algérie, la manne pétrolière et l’épouvantail islamiste ne suffisent plus à cacher la faillite des réformes libérales et la pression du marché mondial sur les prix de l’alimentation.

Signe de la peur qui l’a saisi, le satrape de Tunis répond avec davantage de sauvagerie que ses voisins, et des dizaines de manifestants pacifiques l’ont déjà payé de leur vie. Des chiffres devant lesquels de nombreuses capitales occidentales - à l’exception notable de Paris - font mine de s’indigner. Pourtant la violence de la répression exercée sur les opposants tunisiens est connue de longue date. Arrêté et tabassé à des dizaines de reprises, torturé, harcelé, Hamma Hammami a déjà passé un tiers de sa vie militante dans la clandestinité, un autre tiers en prison. Le vrai « miracle tunisien » serait que son calvaire et celui de son peuple s’arrêtent.

http://www.lecourrier.ch/index.php?name=NewsPaper&file=article&sid=447885

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COMMENTAIRES  

19/01/2011 18:20 par niravastallirb

Il n’y a pas lieu de se réjouir de la chute de Ben Ali. On sait déjà comment ça va se terminer : comme en Iran en 1979 et à Gaza en 2006. On reparlera de démocratie, d’élections et de révolution quand les arabes arrêteront de voter pour les islamistes. Tout sauf les barbus !

19/01/2011 19:13 par legrandsoir

vous ne confondez pas cause et effet ?

20/01/2011 08:23 par marj

C’est vrai que pour lutter contre "les barbus" , il vaut mieux soutenir une bonne dictature ...dans le droit fil des politiques Européennes et Françaises en particulier au maghreb !
C’est visiblement ce que l’on a fourré dans la tête de pas mal de Français afin de justifier ces politiques . La vérité c’est que la plupart des intérêts économiques et des politiques ici n’ont rien à faire des droits de l’homme , ce qui compte ce sont les affaires !
Q"importe les barbus d’Arabie Saoudite ou les conditions de travail des Chinois ou autres habitants du Bengladesh , du moment que l’on peut faire des affaires !

Quand vous aurez enfin compris qu’ églises et mosquées se remplissent avec l’ignorance et la misère (partout et pas seulement au maghreb, relisez Marx sur le sujet)), vous aurez fait un grand pas . Quand vous aurez compris qu’enfermer les islamistes et baillonner la démocratie a pour principal résultat de les faire passer pour des "martyrs" et de les renforcer , là encore vous aurez fait un grand pas . Quand vous aurez admis que c’est au peuple de décider et non aux donneurs de leçons qui feraient bien de balayer devant leur porte , vous aurez avancé ...
Enfin, rappelez vous que Ben Laden et Al Qaïda ont été financés par la CIA pour contrer le régime communiste Afghan de l’époque ...et que la montée de l’islamisme n’est peut-être pas le fruit du hasard !ceux qui les instrumentalisaient hier font semblant aujourd’hui de les découvrir , etonnant non ?
Bref, au lieu de répéter ce que vous entendez dans les médias à longueur de journée comme un perroquet , informez vous réellement , réfléchissez et analysez avec un peu de recul ...

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