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Les médias français de grande diffusion et l’extrême droite autrichienne

Les remarques ci-après sont des remarques d’absence, d’omission. C’est-à-dire des remarques d’une information qui n’a pas été reprise par les journaux télévisés de France 2 et France 3, ni par ceux de France Inter, et pas davantage - je viens de le consulter à l’instant - par la sélection de Google actualités. De quoi s’agit-il ? De la démission, en Autriche, de tous les ministres issus du FPÖ, c’est-à-dire du parti d’extrême-droite, formant un gouvernement avec l’ÖVP (ce dernier correspondant, en gros à LR en France), ÖVP dont le chef de file est le chancelier Sebastian Kurz.

Or, ces ministres ne sont pas des moindres : il s’agit de Hans-Christian Strache, vice-chancelier, ministre de la Fonction publique et des Sports, de Beate Hartinger-Klein, ministre du Travail, des Affaires sociales, de la Santé et de la Protection des consommateurs, de Herbert Kickl, ministre de l’Intérieur, de Mario Kunasek, ministre de la Défense et de Norbert Hofer, ministre des Transports, de l’Innovation et de la Technologie.

Pourquoi cette démission ? Parce qu’une vidéo compromettante pour le FPÖ a été diffusée récemment par une chaîne allemande. Dans cette vidéo, tournée en décembre 2017 à Ibiza (aux Baléares), en caméra cachée, on y voit le vice-chancelier Strache proposer, en échange d’un soutien politique et financier, des contrats publics à une femme se disant la nièce d’un oligarque russe. Le vice-chancelier a démissionné le 18 mai et les quatre autres ministres ont suivi le 20 mai. Le gouvernement Kurz va être soumis à une motion de censure déposée par un parti écologiste, motion que voteront probablement le FPÖ et le SPÖ (parti social-démocrate). Des élections anticipées auront lieu en septembre.

Remarque 1. Pourquoi est-ce important ? Parce qu’on est à quatre jours des élections européennes, dans un contexte où l’extrême-droite monte partout en Europe (par exemple en France, en Allemagne et en Espagne) et où elle est même au gouvernement en Italie, en Hongrie, en Pologne et en Autriche. Ce scandale et ces démissions peuvent peser sur les scrutins en détournant des électeurs, et pas seulement en Autriche, pour un parti jugé corrompu et magouilleur.

Remarque 2. Pourquoi les médias français de grande diffusion en ont-ils si peu parlé ? Il y a là quelque chose de curieux, puisque ce scandale est susceptible de discréditer, de toucher le Rassemblement National qui, en France, risque de coiffer sur le poteau LREM (c’est-à-dire le parti du président). Or, précisément, un échec de LREM face au RN serait ressenti comme un échec d’Emmanuel Macron lui-même. Pourquoi les médias n’ont-ils pas mis cette nouvelle en exergue alors qu’en 2000, la constitution d’une alliance ÖVP-FPÖ par le chancelier Schüssel avait provoqué de vives émotions en Europe ? Est-ce parce que, en France, on dédaigne les “ petits ” pays ? Est-ce, plus généralement, parce qu’on ignore, de façon globale, l’histoire et la géographie de l’Europe centrale et de l’espace germanophone ? Est-ce parce que l’on considère que les idées d’extrême-droite ont si bien diffusé dans le reste de la société qu’un scandale touchant un parti donné d’extrême-droite ne nuirait nullement à la diffusion de ses idées ? On le voit par exemple en France, où le RN n’a nullement pâti des affaires liées aux emplois fictifs de ses assistants parlementaires au Parlement de Strasbourg.

Remarque 3. Il n’est, par ailleurs, pas certain que ce scandale profite aux partis de gauche ou écologistes. Il est même plutôt probable que les voix des électeurs du FPÖ se reporteront sur la droite "ordinaire" ÖVP (ou, en France, du RN à LR, ou, en Allemagne, de l’AfD à la CSU, ou, en Espagne, de Vox au PP) qui, néanmoins, sur les questions sociétales (homosexualité, immigration, IVG, politique pénale, religion...) diffèrent aussi peu de l’extrême-droite que, chez Goya, la Maja desnuda diffère de la Maja vestida...

Philippe Arnaud

Slogan de l’illustration : “ Protéger l’occident, autrefois comme aujourd’hui ”

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