RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Manifestations du 19 Juin dans l’Etat espagnol : Indignation massive !

La mobilisation des « Indignées » a une fois de plus dépassé toutes les prévisions en prenant massivement les rues et en démontrant le gouffre existant entre les masses et les institutions. Du 15 Mai au 19 Juin, le mouvement a accumulé des forces et tissé des convergences, non seulement au niveau local (campements et assemblées de quartiers) mais également avec de larges secteurs sociaux qui s’identifient désormais avec sa critique radicale de la caste politicienne et du système bancaire et financier coupable de la crise actuelle. Le slogan « Nous ne sommes pas des marchandises dans les mains des politiciens et des banquiers » synthétise ces deux axes.

Les Indignées ont, sans ambiguïtés, pointé du doigt ceux qui ont abdiqué face aux « marchés » et qui, tout en exigeant l’austérité pour les autres, ne se l’applique pas à eux-mêmes. « Nous voulons des politiciens qui gagnent 1000 euros ! » était l’un des slogans les plus applaudis avec ferveur dans la manifestation. La démocratie actuelle est de plus en plus vide de contenu pour des citoyens qui ont la volonté d’avoir un pouvoir de décision et de contrôle sur leur propre vie. Une élection tous les quatre ans, ce n’est pas suffisant pour ceux et celles qui exigent que la politique soit désormais l’exercice quotidien de leurs droits et cela de bas en haut.

Après l’action de blocage du Parlement catalan du 15 juin dernier, la campagne de calomnies médiatique n’a pas réussi à freiner l’indignation sociale collective qui dépasse largement ceux et celles qui étaient présents dans les campements. Celui qui pense que ce mouvement est le fait de jeunes et d’activistes se trompe. Tout comme celui qui considère qu’il n’est qu’un simple problème d’ordre public. Les contestataires de toujours sont devenus une multitude. Deux années et neuf mois de crise pèsent de tout leur poids. Le mouvement exprime ainsi un courant très profond, un malaise social qui a finalement jailli à la lumière du jour et cela, comme d’habitude, de manière imprévue et avec des formes inédites. Nous ne sommes pas en face d’un phénomène conjoncturel ou passager, mais bien devant les secousses d’un nouveau cycle de mobilisations dont le 15 Mai et les campements n’ont été que les prémisses.

Du 15 Mai au 19 Juin, ce mouvement a récupéré la confiance dans l’action collective. On est passé du scepticisme et de la résignation au « oui, on peut ! ». Les révoltes dans le monde arabe, les mobilisations en Grèce et le « nous ne paierons pas la crise » du peuple islandais ont imprégné l’imaginaire collectif et ont donné son impulsion à ce mouvement qui redonne confiance dans les solutions collectives. La « globalisation des résistances » du mouvement alterglobaliste d’il y a dix ans connaît ainsi un renouveau, mais dans un contexte très différent, déterminé par la crise.

Après la journée du 15 juin, au cours de laquelle le mouvement a du disputer sa légitimité, le 19 juin se présentait comme un test pour démontrer sa solidité face aux coups reçus. Il s’agissait de traduire en action dans la rue les sympathies populaires qu’il avait éveillées. Et tel fut le cas. Le 19 juin a démontré l’ampleur du mouvement, sa capacité de mobilisation des masses et son élargissement explosif en un laps de temps très court. Sa croissance, par rapport au 15 mai, n’est pas seulement quantitative, mais aussi qualitative, en termes de diversification de sa base sociale et de sa composition générationnelle.

Et maintenant ? Les défis du mouvement passent par un renforcement de son enracinement territorial, dans sa capacité à renforcer les assemblées locales et établir des mécanismes de coordination stables. Il s’agit également d’établir des liens avec la classe ouvrière, les secteurs en lutte et le syndicalisme de combat, et de maintenir ainsi la pression sur des syndicats majoritaires déconcertés par un changement du panorama politique et social qu’ils n’avaient pas prévu. Il est en outre nécessaire d’obtenir des victoires concrètes. La perturbation de plusieurs tentatives d’expulsions de logements, bien qu’il s’agisse de petits triomphes défensifs, montre la voie à suivre et apporte de nouvelles énergies. Plus généralement, le mouvement a devant lui le défi d’articuler son caractère généraliste, de critique globale du modèle économique et politique actuel, avec le renforcement des luttes sociales concrètes contre l’austérité et les politiques qui veulent faire payer les coûts de la crise à ceux et celles d’en bas.

Le 19 juin a marqué un nouveau tournant. Un tournant qui culmine la première phase ouverte par le 15 Mai et qui prépare l’étape suivante d’un mouvement qui n’a fait que commencer.

Josep Maria Antentas et Esther Vivas

Josep Maria Antentas est professeur de sociologie à l’Universitat Autónoma de Barcelona (UAB). Esther Vivas participe au Centre d’Études sur les Mouvements Sociaux (CEMS) de l’Universitat Pompeu Fabra (UPF). Tous deux sont membres de la Gauche Anticapitaliste (Izquierda Anticapitalista) à l’Etat espagnol, rédacteurs à la revue Viento Sur et auteurs de « Resistencias Globales. De Seattle a la Crisis de Wall Street » (Editorial Popular, 2009).

**Article publié dans le quotidien El Paà­s, 20/09/2011.

***Traduction française par Ataulfo Riera pour le site www.lcr-lagauche.be
+info : http://esthervivas.wordpress.com

URL de cet article 14043
  

Même Thème
ESPAGNE : un livre en plein dans le mille
Vladimir MARCIAC
Jean Ortiz a publié 90 articles sur le site Le Grand Soir. Son style impeccable, son cœur à fleur de clavier, son intelligence servant sa remarquable connaissance des dossiers qu’il traite, son humour, sa fougue, sa fidélité aux siens, c’est-à-dire aux guérilleros espagnols que le monde a laissé se faire écraser par un dictateur fasciste, le font apprécier par nos lecteurs (nos compteurs de lecture le disent). Il a en poche une carte du PCF qui rend imparfaitement compte de ce qu’est pour lui le (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

"L’un des grands arguments de la guerre israélienne de l’information consiste à demander pourquoi le monde entier s’émeut davantage du sort des Palestiniens que de celui des Tchétchènes ou des Algériens - insinuant par-là que la raison en serait un fonds incurable d’antisémitisme. Au-delà de ce qu’il y a d’odieux dans cette manière de nous ordonner de regarder ailleurs, on peut assez facilement répondre à cette question. On s’en émeut davantage (et ce n’est qu’un supplément d’indignation très relatif, d’ailleurs) parce que, avant que les Etats-Unis n’envahissent l’Irak, c’était le dernier conflit colonial de la planète - même si ce colonisateur-là a pour caractéristique particulière d’avoir sa métropole à un jet de pierre des territoires occupés -, et qu’il y a quelque chose d’insupportable dans le fait de voir des êtres humains subir encore l’arrogance coloniale. Parce que la Palestine est le front principal de cette guerre que l’Occident désoeuvré a choisi de déclarer au monde musulman pour ne pas s’ennuyer quand les Rouges n’ont plus voulu jouer. Parce que l’impunité dont jouit depuis des décennies l’occupant israélien, l’instrumentalisation du génocide pour oblitérer inexorablement les spoliations et les injustices subies par les Palestiniens, l’impression persistante qu’ils en sont victimes en tant qu’Arabes, nourrit un sentiment minant d’injustice."

Mona Chollet

La crise européenne et l’Empire du Capital : leçons à partir de l’expérience latinoaméricaine
Je vous transmets le bonjour très affectueux de plus de 15 millions d’Équatoriennes et d’Équatoriens et une accolade aussi chaleureuse que la lumière du soleil équinoxial dont les rayons nous inondent là où nous vivons, à la Moitié du monde. Nos liens avec la France sont historiques et étroits : depuis les grandes idées libertaires qui se sont propagées à travers le monde portant en elles des fruits décisifs, jusqu’aux accords signés aujourd’hui par le Gouvernement de la Révolution Citoyenne d’Équateur (...)
Lorsque les psychopathes prennent le contrôle de la société
NdT - Quelques extraits (en vrac) traitant des psychopathes et de leur emprise sur les sociétés modernes où ils s’épanouissent à merveille jusqu’au point de devenir une minorité dirigeante. Des passages paraîtront étrangement familiers et feront probablement penser à des situations et/ou des personnages existants ou ayant existé. Tu me dis "psychopathe" et soudain je pense à pas mal d’hommes et de femmes politiques. (attention : ce texte comporte une traduction non professionnelle d’un jargon (...)
46 
Reporters Sans Frontières, la liberté de la presse et mon hamster à moi.
Sur le site du magazine états-unien The Nation on trouve l’information suivante : Le 27 juillet 2004, lors de la convention du Parti Démocrate qui se tenait à Boston, les trois principales chaînes de télévision hertziennes des Etats-Unis - ABC, NBC et CBS - n’ont diffusé AUCUNE information sur le déroulement de la convention ce jour-là . Pas une image, pas un seul commentaire sur un événement politique majeur à quelques mois des élections présidentielles aux Etats-Unis. Pour la première fois de (...)
23 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.