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Militarisation de Saint-Denis (93) pour empêcher la mobilisation de la jeunesse des quartiers populaires

A Saint Denis, sur le trottoir, une flaque de sang est tout ce qui reste d’une arrestation violente, un jeune qui n’a sans doute pas plus de 16 ans s’est fait projeter au sol et matraquer au visage jusqu’à en devenir méconnaissable, avant d’être embarqué. Sur le trottoir d’en face, un lycéen réagit à ce qu’il vient de voir : « Moi je suis tranquille, qu’ils m’arrêtent pas sinon ils vont voir c’est quoi une émeute au cocktail molotov ».

Dès 7h, la ville était militarisée, des dizaines de fourgons de police encerclaient le centre-ville et les lycées. Au lycée général Paul Eluard, mobilisé depuis jeudi dernier, les vigiles du rectorat font rentrer les élèves après qu’ils aient été fouillés par la police. Les lycéens les plus mobilisés se voient signifier la convocation de leurs parents. Tous les adultes autour d’eux, les flics mais regrettablement aussi le proviseur, tentent de les intimider.

Du côté du lycée pro ENNA, place du marché, les lycéens ne sont pas rentrés en cours. Devant la grille de leur lycée, la police montée, du haut de ses chevaux les provoque : « Viens, viens approche, tu vas voir » entend-on dire l’un d’entre eux à un lycéen qui s’indigne de leur présence.

Encerclés, sous pression, les jeunes ne se laissent pas écraser ; ils occupent la place devant leur bahut et la cité universitaire du CROUS de St-Denis. C’est là que la cavalerie charge dans la foule, tandis que des flics en civil distribuent des coups de matraque et qu’on interpelle des mineurs tenus en joue par des fusils flashball.

Un seuil a été franchi. Dans une partie du 93, d’Epinay à Saint-Ouen, à Stains, à St-Denis, dans les ghettos de Villiers-le-Bel, la jeunesse bouillonne. De provocations en provocations policières, alors que les lycéens dénonçaient leurs exactions impunies, nous voilà dans une ambiance d’émeute des banlieues.

Tuer la contestation dans l’œuf

Le gouvernement sait qu’une telle révolte serait très dangereuse pour lui. C’est pour cela qu’il essaye à travers la répression directe, la provocation et l’intimidation de désamorcer tout ce qui pourrait avoir l’air d’un début de mobilisation de la jeunesse des classes populaires. Et cela d’autant plus que ce début de fronde dans certains lycées du 93 s’inscrit dans le cadre de la contestation de la violence policière suite à la mort de Rémi, une réalité que ces jeunes des banlieues délaissées connaissent très bien.

Ainsi, avec la complicité des autorités scolaires, l’opératif monstre déployé aujourd’hui à St-Denis par la police cherchait clairement à intimider les élèves et à empêcher les plus organisés d’entre eux d’exercer des droits démocratiques aussi élémentaires que la distribution de tracts à leurs camarades pour les informer de la situation et de la mobilisation en cours dans les lycées.

Bien que l’on ne puisse pas exclure que ces intimidations aient un effet chez certains lycéens et lycéennes, on ne peut pas éliminer non plus le contraire : que la provocation et l’humiliation policière renforcent l’envie d’en découdre avec les forces de répression et l’Etat.

Il faudrait ajouter à tout cela que cette brutale répression obéit au racisme d’Etat qui considère que des jeunes des classes populaires, souvent enfants d’immigrés ou immigrés eux-mêmes, peuvent être tabassés par la police impunément. Pas étonnant, dans ce cas, que cette jeunesse exprime une telle haine envers les différents symboles de l’Etat et de la société en général.

Luttons pour une confluence potentiellement explosive !

Entre Zyed, Bouna et Rémi Fraisse, il y avait « tout un monde » d’écart. Mais déjà il y a quelques jours on pouvait entendre que « Rémi c’était un mec de mon quartier » dans la bouche de lycéens, encore mal informés, tellement habitués aux crimes des milices de l’Etat au quotidien qu’un jeune tué par la police ne pouvait qu’être un des leurs. Désormais la répression d’Etat, que connaissent les quartiers comme les militants du mouvement social et de la classe ouvrière ouvre la nécessité d’une convergence explosive entre la jeunesse délaissée et humiliée des quartiers populaires et les jeunes des lycées parisiens unis au même moment et dans une même lutte.

L’entrée dans la lutte du mouvement étudiant peut être un autre élément fondamental. La répression contre les manifestants à Toulouse le weekend dernier et la fermeture administrative de l’université de Rennes II pour empêcher la tenue d’une assemblée générale montre la crainte que cela génère au gouvernement.

Evidemment, la haine contenue contre la police et cette société d’oppression et d’exploitation s’exprime parfois de façon très confuse et déformée, donnant lieu à des phénomènes contradictoires. Dans ces cas, des éléments de décomposition sociale, produits de la société capitaliste elle-même, peuvent surgir au devant de la scène de façon très violente. Cela a souvent des conséquences très contreproductives, qui permettent à l’Etat de présenter sa répression comme « légitime ».

On peut constater en effet un recul de la conscience politique par rapport aux luttes antérieures comme celle contre le CPE en 2006 ou celle contre la réforme des retraites en 2010. Dans le premier cas, les jeunes de ces mêmes quartiers avaient tendance à s’affronter plus directement avec la police, faisant plus clairement la différence avec la violence en général. En 2010, des jeunes de certains lycées de Saint-Denis de leur côté avaient même participé de « l’interpro » de la ville, allant jusqu’à élaborer un bulletin lycéen.

Cette situation dégradée s’explique en grande mesure par l’absence (presque) totale des structures militantes de l’extrême-gauche et par la difficulté critique du mouvement ouvrier à se penser comme acteur politique central capable d’offrir des perspectives à ces secteurs populaires. Ces tendances sont renforcées par le poids des défaites, comme celle de 2010, et la déviation électorale de « l’hollandisme » et son rôle démobilisateur à travers son influence sur les bureaucraties syndicales. Ces éléments n’ont malheureusement pas pu pour l’instant, être dépassés.

Mais il ne faudrait pas voir cela comme une « fatalité ». Avec une intervention décidée des militants révolutionnaires dans ces luttes, telles qu’elles se développent, cherchant à se lier aux jeunes les plus conscients des enjeux, et en s’appuyant sur eux, il est possible d’apporter un contenu politique plus conscient, de classe, à ces explosions de la jeunesse des quartiers populaires.

Le principal secteur de travailleurs avec lequel les élèves sont en contact est celui des enseignants. Il est fondamental que leurs organisations syndicales expriment leur soutien aux revendications des jeunes. Les enseignants ont un rôle très important à jouer en accompagnant les lycéens dans leurs actions. C’est une méthode pour tenter d’empêcher la police de réprimer les jeunes et pour éviter de les laisser livrés à eux-mêmes

De plus, le soutien et la présence des parents d’élèves, ainsi que des organisations syndicales et politiques peut avoir un poids considérable dans l’organisation du mouvement, notamment en incitant les élèves à se joindre aux initiatives et mobilisations de masses.

La mobilisation qui a fait suite à la mort du jeune étudiant toulousain prend une autre ampleur. Quelques mois à peine après les manifestations pour la Palestine, on est face à la possibilité que les jeunes des quartiers et les militants du mouvement social se retrouvent ensemble dans la rue. C’est une combinaison explosive qui pourrait entrainer d’autres secteurs à la résistance contre la politique réactionnaire du gouvernement Hollande-Valls.

12/11/2014.

»» http://www.ccr4.org/Militarisation-...
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