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Now, Voyager

La Révolution a eu lieu, la société a changé de base : il y a dix ans, cinq ans, un an, fêtes et tourisme étaient ses mamelles, on circulait à la queue leu leu à Venise, on allait enterrer sa vie de jeune fille à Barcelone et, tout en calculant son empreinte écologique, on passait le week-end à Marrakech ; aujourd’hui, fêtes et tourisme sont criminalisés, et on arrête des teufeurs qui s’amusaient dans un pavillon de banlieue, entre Tontons flingueurs (voir la fête où, des salons à la cuisine, jeunes et vieux boivent à qui mieux mieux), et Certains l’aiment chaud (descente de la police dans un cabaret clandestin pendant la prohibition) ; tandis que Macron menace de représailles les Français qui oseraient aller skier en Autriche !

C’était il y a bien longtemps, en 2015 : au lendemain des attentats des terrasses, quelqu’un avait décidé que le livre d’Hemingway était « une belle réponse à Daesh », et Paris est une fête était devenu un must, le slogan hypercorrect du moment, on était censé montrer son courage et sa responsabilité citoyenne en prenant l’apéro au café. C’était encore l’ère du « festivisme », férocement moqué par Philippe Muray, qui s’était emparé de la société avec le Ministère Jack Lang, son tout-culturel, tout-festif. La fête était devenue obligatoire, imposée d’en haut par tous les moyens (souvenons-nous du métro Duroc rebaptisé « Durock » pendant les Fêtes de la musique).

Aujourd’hui, faire la fête est un crime, passible d’amendes et de prison.Il n’y a pas de meilleur signe (avant les camps de concentration) du caractère totalitaire d’un pays : on ne fait pas la fête quand on en a envie, il faut la faire, ou ne pas la faire, tous en même temps, selon les injonctions du Pouvoir. Et pour qu’on ne puisse pas rejoindre sa bande de copains, on ne bénéficie que d’autorisations extraordinaires de sortie jusqu’à un kilomètre de chez soi, ou alors plus loin, mais avec obligation d’être rentré pour 20 heures.

Pourtant, il n’y a pas si longtemps, le site Vie Publique (estampillé République Française) faisait un sujet sur : « Qu’est-ce que la liberté de circulation ? », exaltant cette conquête de la démocratie :

« Sous l’Ancien Régime, les déplacements des personnes et des marchandises à l’intérieur du Royaume faisaient l’objet d’un contrôle strict » (on peut voir là une explication du nouveau système : les marchandises n’ont plus besoin des personnes pour se déplacer – les escouades de riders suffisent pour cela).

« La liberté de circulation s’est affirmée peu à peu » – sauf pour les ouvriers qui, depuis 1803, étaient soumis à l’obligation du livret (seulement aboli en 1890), que le patron gardait par-devers lui, et qui, en cas de déplacement, devait être présenté aux autorités ...toute ressemblance avec les actuelles autorisations de sortie...

« La liberté de circulation est proclamée notamment dans la Déclaration Universelle des droits de l’homme de 1948.

Aujourd’hui, les déplacements des citoyens sur le territoire national ne font en principe l’objet d’aucun contrôle, et la circulation y est parfaitement libre » – liberté étendue depuis 1990 à tout l’espace Schengen.

Oui, mais, la loi de prorogation de l’état d’urgence sanitaire du 14 novembre 2020 autorise le gouvernement « à prendre par ordonnances des mesures pour faire face à l’épidémie de Covid-19 ».

Et voilà toutes les belles libertés démocratiques envolées ! On a le même genre de surprise quand on entre dans une Poste : on peut encore voir l’affiche interdisant de se dissimuler le bas du visage, et intitulée : « La République se vit à visage découvert ». On a l’impression de lire une inscription sur un mur de Pompéi !.

Que faire, alors, quand on a besoin d’air, pour essayer d’échapper à la déprime ?
Oublions Paris est une fête, qui n’est plus qu’une amère dérision, et cherchons plutôt la solution dans A Rebours, de Huysmans : la fin du XIXe siècle, avec son décadentisme, a des chances de mieux répondre à nos tristes twenties que les « roaring twenties » du XXe siècle.

Le chapitre 12 d’A Rebours nous convie en effet à un genre de voyage que nous pouvons encore nous permettre. Le héros, Des Esseintes, confiné dans son pavillon de Fontenay-aux-Roses, non par une épidémie, mais par sa misanthropie, ne supporte plus sa solitude ; il décide de partir en voyage à Londres. Il fait ses valises, met son costume gris confectionné à Londres, et se fait conduire à Paris, d’abord dans un pub de la rue de Rivoli, puis dans un restaurant de la rue d’Amsterdam, près de la gare Saint Lazare ; il s’y abreuve de porto, de bière, de café parfumé au gin, et s’empiffre de haddock, de rosbif aux pommes, de tarte à la rhubarbe, au milieu d’un décor anglais, de voyageurs anglais, de rumeurs de conversations en anglais. Le temps aussi est anglais, puisqu’il pleut des cordes, dans un ciel bas et crépusculaire. Des Esseintes se sent si bien comblé dans son désir de séjour anglais, qu’il n’a plus envie de bouger ; il laisse passer l’heure de son train et, le soir venu, rentre à Fontenay, « ressentant l’éreintement physique et la fatigue morale d’un homme qui rejoint son chez soi, après un long et périlleux voyage. »

Il ne tient qu’à nous de nous organiser ce genre de voyage sur place – une fois que cafés et restaurants auront rouvert. Nous pourrions ainsi partir pour Bruxelles, soit en nous arrêtant dans une brasserie moules-frites près de la Gare du Nord, soit en poussant jusqu’à Saint Denis (moins de 20 km) : « La vitesse à laquelle vient le Nord quand on laisse Paris est surprenante », remarque Jean-Christophe Bailly dans Le Dépaysement. Voyages en France. A Saint Denis, avec son décor de canaux, on peut déjà sentir, à la qualité du vent, à la hauteur du ciel, les 1000 km d’étendues plates qui s’ouvrent sans obstacle devant nous jusqu’à Copenhague.

En attendant, faute de pubs et tavernes,il reste toujours le voyage purement imaginaire : Tatouage, de Vazquez Montalban, nous fait découvrir un Amsterdam plus authentique que ne le ferait un séjour touristique réel. Il faut espérer que l’Education Nationale, avec ses campagnes de bazardage des livres des CDI, pour faire de la place aux ordinateurs, « plus adaptés aux goûts et besoins des élèves d’aujourd’hui », n’a pas encore rendu impossible cette marge de liberté par l’imaginaire.

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Roger Faligot. La rose et l’edelweiss. Ces ados qui combattaient le nazisme, 1933-1945. Paris : La Découverte, 2009.
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