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Pourquoi je ne porterai pas d’Equipement de Protection Individuelle.

Le ministère de l’Agriculture envisage de rendre obligatoire le port des EPI pour tous les travailleurs, par équipement de protection individuelle on entend une combinaison couvrant l’intégralité du corps à l’exception de la tête. Cette protection jusqu’ici réservée aux salariés manipulant les pesticides, de la préparation de la bouillie jusqu’au nettoyage des cuves, sera peut-être bientôt également imposée aux salariés n’étant pas en contact direct avec les pesticides, mais exposés via l’exécution de tâches dans des parcelles précédemment traitées, y compris après le délai de rentrée, c’est-à-dire durant toute la saison de pulvérisation….

Je suis salariée agricole, militante anti-pesticides et sœur d’un salarié décédé d’un cancer après avoir travaillé pendant plus de trente ans dans les vignes, et pour toutes ces raisons je refuse de porter un EPI !

Qui peut imaginer travailler ces jours-ci avec une combinaison, constituant une épaisseur supplémentaire, alors que la tenue minimale short-t-shirt est déjà difficilement supportable ? Certes tous les jours de la saison estivale ne sont pas caniculaires, mais même par des températures dîtes « de saison » il n’est pas envisageable d’œuvrer 8h par jour du 20 avril au 15 septembre, vêtu d’un équipement supplémentaire, aussi protecteur soit-il prétendu être.

Justement parlons-en de cette soi-disant miraculeuse vertu protectrice des EPI !

En janvier 2010, l’AFFSET publiait un rapport suite à son étude sur l’efficacité de ces équipements de protection individuelle, concluant que seules 10% des combinaisons étaient efficaces et que pour prétendre à une meilleure protection il faudrait que chaque pesticide soit assorti de sa propre combinaison.

Sont-ce ces mêmes leurres perméables que l’on veut aujourd’hui nous imposer, ou ont-elles été totalement repensées ?!

Le ministère de l’Agriculture a-t-il prévu les crédits nécessaires à l’équipement des propriétés viticoles en machines à laver le linge ?! Si cette combinaison m’est imposée dans un soi-disant soudain souci de protéger ma santé, pourquoi prendrais-je le risque de contaminer ma famille, mon habitation, mon véhicule, en la rapportant à mon domicile pour l’y nettoyer ?

Cette combinaison ne constituera-t-elle pas un permis de pesticider ? Demain, mon employeur pourra-t-il m’imposer de travailler dans une parcelle avant l’expiration du délai de rentrée, sous prétexte que j’ai un EPI à ma disposition ? Les viticulteurs voisins pourront-ils venir me pulvériser sous le nez parce que j’ai un EPI à ma disposition ?!

Mais plus que toutes les raisons précédentes, celle qui me fera refuser catégoriquement de me soumettre au port d’un EPI, c’est l’opportunité ainsi servie aux organismes responsables de ma sécurité sanitaire au travail de la MSA, au ministère de l’Agriculture, aux firmes en passant par les instances viticoles, de se dédouaner de leur responsabilité.

Non Mesdames et Messieurs, je ne cautionnerai pas une démarche ayant pour seul objectif non pas ma santé, ni même ma sécurité immédiate, mais de vous exonérer de votre responsabilité dans les décès et maladies liés aux pesticides.

Je vois tout de même un point positif dans cette démarche, c’est qu’elle constitue à mon sens un pas vers la reconnaissance du lien entre les pathologies déclarées par les salariés concernés et leur exposition aux pesticides. En prévoyant une mesure de protection, c’est l’existence du risque lui-même qui me semble reconnue. Admettre qu’il y a bien un risque, imposer de s’en protéger c’est aussi admettre les conséquences de ce risque ?!

 http://infomedocpesticides.fr/2015/07/24/pourquoi-je-ne-porterai-pas-dequipements-de-protection-individuelle/
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COMMENTAIRES  

21/12/2015 21:57 par aldamir

Il faudra avoir toujours présent à l’esprit le cas du scandale de l’amiante, dont le personnel chargé de sa destruction et son élimination était contraint de prendre les mêmes dispositions. Sacré MONSANTO, il te sera toujours difficile d’effacer les traces des preuves de ta responsabilité criminelle envers tous les peuples de la planète particulièrement ceux les plus démunis.

22/12/2015 08:44 par résistant

« Non Mesdames et Messieurs, je ne cautionnerai pas une démarche ayant pour seul objectif non pas ma santé, ni même ma sécurité immédiate, mais de vous exonérer de votre responsabilité dans les décès et maladies liés aux pesticides. »

Hmm, pas tout à fait le seul objectif :
Souvent, ce genre de décision abusive (détecteur de fumée obligatoire dans chaque pièce, possession obligatoire d’une gilet fluo dans chaque voiture, etc etc à l’infini) n’a pas du tout été motivé par des raisons de sécurité : ce sont des lobbies qui oeuvrent sand relâche auprès des députés européens ou nationaux, leur apportant clés en main des textes de loi tout prêts, ainsi que de "menus" cadeaux afin de promouvoir et faire passer des lois de ce genre. Le but ? Vendre. Rendre obligatoire l’achat par le plus grand nombre de choses que personne ne voudrait normalement.
Ces objets sont la plupart du temps mal conçus et de mauvaise qualité, garantissant un profit à la vente plus important, ainsi qu’un renouvellement plus fréquent.
La santé des citoyens ? mes pauvres amis, ils s’en foutent complètement.
Ce n’est que du business.
Une preuve parmis tant d’autres (je tiens ces information de plusieurs différentes sources fiables), la plaque à l’entrée du parlement européen :
https://www.bakchich.info/international/2009/05/15/fakir-debusque-la-plaque-qui-unit-deputes-et-lobbys-55337
Il y a à Bruxelles environ 20 000 lobbyistes pour 751 députés européens.
Près de 27 lobbyistes par député.
L’europe à été construite sur le modèle étatsunien, où le lobbyisme est la règle absolue et unique en politique.

En résumé, quelqu’un s’est fait (et/ou va se faire) beaucoup d’argent avec ces combinaisons, et pas mal de gens qui nous "représentent" se sont fait copieusement arrosés.
Ah et puis tient, c’est marrant, le patron de la boite qui fait ce nouveau produit obligatoire, c’est souvent le cousin/frère/copain/beau-frère/etc du député machin qui a proposé la loi et s’est battu avec tant de conviction pour la faire passer... le monde est petit, quand même...

22/12/2015 22:35 par macno

@ Résistant : « ce sont des lobbies qui œuvrent sans relâche auprès des députés européens »
Non, je ne pense pas que ce soit une affaire de lobbies, enfin pas ceux venant des fabricants de tenues de protection, du moins pas uniquement, mais ce n’est guère mieux : les lobbies des produits chimiques sont bien plus importants. Mais peut-être sont ce les mêmes, ce qui est fort probable...
Le problème des pesticides dans la vigne n’est pas une question de protection contre eux, c’est tout simplement qu’il n’en faut plus du tout. On entre alors dans le domaine de la FNSEA, et là c’est un très très gros morceau !
Je ne vais pas entrer dans le détail des possibilités biologiques de traitement, d’une part je ne suis pas un spécialiste et d’autre part ce serait trop long, mais elles existent. Il faudrait et il suffirait en tout premier que les vignes soient rendues plus résistantes en changeant le mode de culture des sols, qu’ils soient déjà travaillés (ou pas désherbés du tout, c’est une option en bio-dynamie) au lieu d’être désherbés chimiquement.
Par rapport aux autres cultures le problème des produits toxiques dans la vigne est plus aiguë car il y a ensuite de multiples contacts humains lors de la taille, l’épamprage, l’effeuillage, le levage, etc...Il est donc totalement impossible d’avoir une protection supportable car ces interventions se font par tous les temps et elles sont fréquentes...Si ces combinaisons existent, il y a de fortes chances qu’elles resteront dans le coffre de la voiture, surtout au printemps et en été. Par temps "martiens", avec alternances de pluies et de plein soleil, on devient vite "cocotte-minute" sous un simple imper, alors avec une combinaison....
Il y a (au moins en bordelais) de nombreux "prix faiteurs salariés" (des tâcherons), et ces travailleurs "indépendants", travaillant en plus au rendement, ils vont les gérer comment ces combinaisons ?
Il faut supprimer le problème des pesticides au lieu de vainement tenter de s’en protéger.

23/12/2015 09:09 par Antoine

Bonjour,
Je suis militant et il s’avère que je suis aussi fournisseur de ce type de combinaisons.
Vous défendez une cause louable, j’ai moi aussi dans ma famille plusieurs anciens vignerons qui ont subit des cancers et dont les enfants reviennent sur des cultures avec moins de produits chimiques. L’un d’entre eux me disait qu’à une époque ils mettaient plus de vingts produits sur les pommes par exemple.

Je voudrait apporter quelque éclaircissements concernant ces combinaisons, puisque justement il s’agit de mon domaine d’expertise.
Vous abordez plusieurs points :
Le nettoyage : Qu’en est t’il et comment ça fonctionne ?
L’efficacité : La combinaisons protège t-elle vraiment des produits ?
Le confort : Il fait chaud sous la combinaisons comme sous un k-way

Le nettoyage tout d’abord.
Généralement, lorsque l’on utilise une combinaison qui doit protéger l’opérateur (par opposition aux combinaisons qui doivent protéger le milieu dans lequel travaille l’opérateur), ces combinaisons sont jetables. Ce qui effectivement à un certain coût.
Attention tout de même, comme pour l’amiante, c’est une exposition prolongée et répétée qui a des effets à long terme, même ci cela est difficile à quantifier. Par exemple, les parfums que l’on met sur soit ne sont pas dangereux, mais les opérateurs qui travaillent dans les usines de fabrication doivent se protéger et porter des masques respiratoires car ils sont en contact chaque jour avec de grandes concentrations de produits.

L’efficacité
Cette notion est tout de même encadrée par différentes normes :
EN 13034 Étanchéité aux éclaboussures (Type 6)
EN 13982 Étanchéité aux particules (Type 5)
EN 14605 Étanchéité aux aérosols (Type 4)
EN 14605 Étanchéité aux liquides (Type 3)
Par exemple pour avoir une bonne protection chimique il faudrait une combinaison Type 6 5 et 4.
Mais le niveau de protection n’est pas suffisant, comme vous le disiez, il existe des combinaisons avec capuche, avec bottes intégrées, avec passe pousse, avec protection améliorée des coutures et des fermetures éclair.
En tout cas il faut choisir une protection qui soit cohérente par rapport à la nature de la contamination contre laquelle on se protège. Par exemple dans votre cas il serait impensable de se protéger de la sorte sans penser à mettre des gants, et un masque respiratoire.

Le confort
Généralement, ce type de combinaison est utilisée dans les laboratoires, dans les lieux stériles, et ces lieux sont climatisés ! Malgré cela tout effort physique fait transpirer, comme dans un k-way. Donc je n’imagine pas ce que cela donnerait en plein soleil... Cependant il existe des combinaisons dont le dos est réalisé dans un matériau différent et plus respirant.

Si vous avez des questions par rapport à ce que l’on vous propose pour vous protéger, vous pouvez toujours me contacter pour avis.
Bonne continuation

23/12/2015 13:02 par Scalpel

Pour avoir été réduit à devoir gagner ma vie deux saisons durant dans des serres de tomates, avec tout l’arbitraire, l’exploitation et l’humiliation que j’ai pu y vivre, je me sens non seulement solidaire de ce louable combat, mais admiratif de ceux qui le mènent.
Respect absolu, Madame Bibeyran, dont je ne devine que trop les souffrances endurées dans un environnement professionnel aussi délétère, à bien des égards proche du servage.
En lisant la simple mention de la MSA (misère sociale agricole) je ressens un malaise doublé d’un profond dégoût.
Il y aurait tant et tant à dire sur l’incroyable dysfonctionnement de cette institution rétrograde, réactionnaire, S.S. de second ordre, à l’image de ce qu’est devenue l’agriculture régie par l’oligarque régnant au sommet de la toute puissante FNSEA et de cette démentielle PAC de cette non moins démentielle UE.
J’abonde par ailleurs dans le sens des excellents commentaires suscités par ce billet.

27/12/2015 12:23 par Jacques Lefort

Il me semble que de refuser le port de l’EPI, ce qui est une bonne réaction d’un coté pour mettre les empoisonneurs, entrepreneurs agricoles et multinationales, face à leurs responsabilité, il serait mieux de faire une grève générale de tout(e)s les salarié(e)s agricole dans les exploitations empoisonneuses des êtres humains (salarié(e)s agricoles et consommatrices et consommateurs). Il me semble que ce mouvement serait suivi et soutenue par la population en générale. Ce serait véritablement une lutte contre toute cette merde de poisons que l’on veut nous faire avaler de force en ce moquant complètement de notre SANTE.

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