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Quand parlent les chiffres

illustration : Tim Howard

Que vous aimiez les maths ou qu’elles vous rebutent, un petit calcul vaut parfois mieux qu’un long discours.

Au « Pays des Grands Principes », qui prétend éclairer le Monde, il est loin des idéaux, généraux et généreux, à la pratique quotidienne, comme il est loin de la coupe aux lèvres.

Totem national oblige, une histoire de gallinacé s’impose. Ce n’est pas une histoire de fipronil, mais l’occasion de réviser ses bases : « la règle de trois ». Ne fuyez pas déjà, c’est simple et édifiant !

Voici le petit problème à résoudre : dans l’élevage intensif, une poule pondeuse a droit à un espace équivalent à une feuille A4. Sachant qu’elle pèse environ 1,5 kg, quel serait l’espace dévolu à un animal de 60 kg ?

La réponse est 2,5 m² (c’est le résultat de 0,21*0,297*60/1,5).

À ce stade, le facétieux Diogène de Synope aurait jeté, aux pieds de son interlocuteur, le pauvre volatile, après l’avoir plumé, et lancé : « voici l’Homme de Platon ! » Ceci pour moquer cet archétype du philosophe conservateur, qui avait défini l’homme « comme un bipède sans cornes et sans plumes ».

Revenons à notre sujet : dans le « monde merveilleux » de l’agroalimentaire, où la viande est un minerai, un animal de 60 kg aurait donc droit à 2,5 m².

Qu’en est-il dans la réalité, dans la vraie vie ?

Une invitée de la Matinale de France Inter a retenu mon attention : Adeline Hazan, Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté (1). Le jugement a été sans appel, le constat accablant. Les phrases percutantes se sont succédé :

« malheureusement, il y a beaucoup à faire »,
« établissements non respectueux des droits des personnes »,
« attacher et isoler sans aucun contrôle »,
« on n’a pas de chiffres [...] pour une raison inquiétante »,
« 25 à 30 % des détenus sont atteints de psychose [...] n’ont rien à faire dans les prisons »,
« injection forcée dans une prison »,
« à Nice, 5 femmes détenues dans une cellule de 11 m2 »,
« culture de l’enfermement »,
« le fléau de la justice en France, c’est la question de la surpopulation carcérale »,
« plus judicieux de prononcer un travail d’Intérêt général »,
« 850 mineurs dans les prisons »,
« les punaises, les rats dans les lits » (2).

Dans les prisons françaises, les femmes auraient droit à une cellule de 11 m² pour cinq, soit 2,2 m² par femme. Soit, proportionnellement, moins que les pondeuses en cage !

Il paraît que « comparaison n’est pas raison » : chacun reste libre de conclure.

Petit rappel : l’article 8 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, inscrite dans le préambule de la Constitution de la Cinquième République, dit que « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires. »

Que penser de ce qui s’apparente, cruellement, à un bannissement de l’Humanité ?

En reprenant les termes de Montaigne (3), il est tentant de formuler : « Les criminels, nous les pouvons donc bien qualifier de cruels, eu égard aux règles de la raison, mais non pas eu égard à la société capitaliste, qui les surpasse en toute sorte de cruauté ».

Ailleurs, la situation est ou fut pire : dans une prison secrète de « notre ami le roi », les détenus connurent « cette aveuglante absence de lumière » (4) et les affres de la mort lente ; ailleurs, les prisons sont gérées par le secteur privé et pour le lucre : les détenus sont ainsi, eux aussi, matière à profit.

Ici, cette dérive honteuse est, déjà, bien amorcée avec les partenariats publics-privés.

Ici, l’univers carcéral ne va pas s’améliorer : car « il [faudrait] engager une révolution culturelle ». « C’est un problème de courage politique », mais « ce n’est pas dans le sens que veut l’opinion publique » (2).

« Quittant la barre pour se rapprocher des jurés, il leur dit : ’’ Juger sur les apparences, c’est se faire bourreau’’. Puis, le doigt pointé sur les fenêtres derrière lesquelles montait la rumeur ignoble, il fustigea ’’l’opinion publique qui frappe à la porte de cette salle’’, citant le mot célèbre de maître Moro-Giafferi : ’’ Elle est une prostituée qui tire le juge par la manche. Il faut la chasser de nos prétoires. Lorsqu’elle entre par une porte, la justice sort par l’autre.’’ » (5)

Bien sûr, « il serait intéressant que la France soit condamnée, non pas par plaisir de voir la France condamnée, bien évidemment, mais comme cela s’est passé en Italie, la Cour Européenne de Droits de l’Homme peut enjoindre le pays condamné à prendre toute une série de mesures » (2).

« Candide épouvanté, interdit, éperdu, [encore sujet à la nausée], tout palpitant, se disait à lui-même :’’Si c’est ici le meilleur des mondes possibles, que sont donc les autres’’ » (6).

« Personne  »,

2 fructidor an 225

(1) Site officiel : http://www.cglpl.fr/

(2) À écouter sur https://www.franceinter.fr/emissions/le-6-9/le-6-9-17-aout-2017 (8h 20 – 8h 30 ; 8h 39 – 8 h 55)

(3) À propos des cannibales : « Nous les pouvons donc bien appeler barbares, eu égard aux règles de la raison, mais non pas eu égard à nous, qui les surpassons en toute sorte de barbarie » (Montaigne, in Essais, livre 1, chap. 30).

(4) Prison-bagne de Tazmamart, au Maroc :
Cette aveuglante absence de lumière , roman de Tahar Ben Jelloun ;
Tazmamart cellule 10, témoignage de Ahmed Marzouki :
http://oeil.electrique.free.fr/article.php?articleid=23&numero=18

(5) Le pull-over rouge, Gilles Perrault, propos de Me Lombard

(6) Candide ou l’optimisme, Voltaire, chap. VI, L’autodafé


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