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Silence sur l’assassinat d’un journaliste en Bolivie

Les médias et les groupes de défense des droits humains restent silencieux sur l’assassinat de Sebastian Moro, un journaliste engagé politiquement en Bolivie

Le 10 novembre, le journaliste argentin Sebastian Moro a été retrouvé inconscient, souffrant de multiples blessures, couvert d’ecchymoses, d’égratignures et d’autres signes de violence, tous enregistrés au centre médical où il a été soigné. Moro portait un gilet qui l’identifiait comme journaliste. Il couvrait le coup d’État soutenu par les États-Unis contre Evo Morales, le président de Bolivie démocratiquement élu.

Il avait 40 ans et travaillait pour le quotidien argentin Pagina12. Quelques heures auparavant, il avait dénoncé ce qu’il considérait comme une prise du pouvoir par l’extrême droite. Ses derniers mots connus, publiés dans son journal quelques heures avant qu’on le découvre, dénonçaient l’enlèvement de fonctionnaires du gouvernement et les attaques de la mafia contre des journalistes et les moyens de communication.

Il avait été l’une des seules voix à révéler au monde la campagne de terreur de l’opposition locale. Moro a passé six jours dans un hôpital de La Paz avant de finalement succomber à ses blessures.

En fait, tant les médias que l’industrie des droits humains ont mené une campagne pour légitimer la nouvelle administration putschiste de Jeanine Añez et blanchir sa répression des médias indépendants.

En fait, la seule source en anglais qui a rapporté la mort de Moro est l’Orinoco Tribune, un petit site vénézuélien animé par deux personnes, selon son site web. La Tribune a traduit un article argentin et l’a publié sur son site Internet. MintPress News a contacté la Tribune pour commenter l’histoire. Le rédacteur en chef a répondu que le cas de Moro, ainsi que le silence total des médias sur la question, mettaient en évidence la nécessité de créer et d’encourager de nouveaux médias de base. Il a également noté qu’après le coup d’État contre le président hondurien Manuel Zelaya en 2009 :

« L’un des premiers gestes posés lors du coup d’Etat américain contre Zelaya au Honduras a été de fermer la radio communautaire et d’enlever les journalistes. Ceux-ci, torturés, ont été jetés sur la route en guise d’avertissement pour les autres. Les plus chanceux ont survécu. Le coup d’État en Bolivie semble suivre la même courbe. »

Comme l’a signalé MintPress, on a assisté à une attaque coordonnée contre les médias indépendants en Bolivie. La nouvelle ministre des Communications, Roxana Lizarraga, a annoncé que cela faisait partie du « démantèlement de l’appareil de propagande du régime dictatorial d’Evo Morales », affirmant que « les militants de Morales qui ont abusé du système médiatique de l’Etat » sont « écartés ». Des médias tels que TeleSUR et RT en Español ont été fermés et des journalistes ont été maltraités.

Mme. Lizarraga a également déclaré qu’elle poursuivrait tout journaliste impliqué dans ce qu’elle a appelé une « sédition », notant qu’il avait déjà une liste d’individus et de médias « problématiques ».

Les groupes de défense des droits humains ont également subis la répression. Le nouveau ministre de l’Intérieur, Arturo Murillo, a directement menacé une délégation argentine des droits humains dès son arrivée. « Nous recommandons à ces étrangers qui arrivent... de faire attention », précisant : « On vous regarde. Nous vous suivons », avertissant qu’il y aura « tolérance zéro ». Il a ajouté par ailleurs que « le premier faux pas qu’ils feront, en essayant de commettre des actes de terrorisme et de sédition, ils devront faire face à la police ». Quatorze membres du groupe ont ensuite été arrêtés, pour faire taire la presse.

Les plus grandes ONG existent principalement pour protéger et promouvoir le pouvoir sous prétexte de défendre les droits humains. Human Rights Watch a commencé comme une machine de propagande antisoviétique pendant la guerre froide. Luis Kutner, co-fondateur d’Amnesty International était un agent du FBI impliqué dans l’assassinat de dirigeants des Black Panthers comme Fred Hampton. Cela explique leur peu d’intérêt pour le meurtre de Moro dans un contexte de violence croissante en Bolivie. Ceux qui affrontent réellement et directement le pouvoir sont rarement vus avec bienveillance par les grands médias.

Alan Macleod

Alan MacLeod est journaliste pour MintPress, ainsi qu’universitaire et rédacteur de rapports sur l’équité et l’exactitude en matière d’information. Son livre, Bad News From Venezuela : Twenty Years of Fake News and Misreporting a été publié en avril 2019.

Source : Vida Latinoamericana / Traduction : Venesol

 https://venesol.org/2019/12/25/assassinat-dun-journaliste/?fbclid=IwAR3hD3NDW4SoZgKV9U39oilwNB4PmPcN-6NlryX8HWq9PDsFbFKf
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COMMENTAIRES  

04/01/2020 18:15 par bostephbesac

Grand silence de nos médias, en effet . J’ apprends cela grâce à votre site . BHL, tu dors ?

06/01/2020 10:28 par Carlos

Bonjour. Je suis un confident de BHL... il ne peut pas répondre en ce moment (il prépare un trek au Venezuela avec des scoop incroyaaaaables), en fait il n’a pas pu intervenir sur cette information, toutes ses chemises étaient au lavage, mais l’ensemble est en phase de séchage, n’ayez crainte il reviendra.

06/01/2020 12:10 par Assimbonanga

Je suis indignée, peinée, attristée. Cette nouvelle, nous ne pouvons la faire circuler que dans notre cercle, limité. Notre édifice médiatique français a fait le choix de passer sous silence le putsch en Bolivie donc il n’y aura pas de flash spécial même de la part des défenseurs des journalistes. Certaines informations ne doivent pas circuler ou alors plus tard, trop tard, comme pour le Brésil, comme pour l’assassinat de Marielle Franco.

Je dépose ici une vidéo que je viens de capter. C’est au sujet du Venezuela, par contre... Toutes mes excuses pour l’opportunisme de cette manœuvre, c’est que je ne sais pas où d’autre je pourrais le faire.

Entretien du 06/01/2020 avec l’écrivain et éditeur Aymeric Monville qui revient sur la situation actuelle au Venezuela, et plus précisément sur le processus électoral à l’issue duquel deux candidats, Juan Guaido et Luis Parra, revendiquent la victoire en tant que Président de l’assemblée vénézuélienne.

08/01/2020 11:34 par Assimbonanga

Un ou deux entre-filets à la radio nationale française font état d’un scénario au parlement venezuelien où le malheureux Guaido se serait vu couper l’électricité et empêché de siéger. Pas d’autres développements. C’est quoi c’t’histoire ?

12/01/2020 16:16 par MarieCT

12/01/2020 par MarieCT
Réponse à Assimbonanga sur la situation au Venezuela.
Romain Migus (déjà rencontré sur Le Grand Soir) a fait un reportage très clair le 9 janvier .
Il a site et blog , mais je ne sais partager que par e-mail .
Le GS va sans doute retrouver et publier. Merci.

12/01/2020 16:22 par legrandsoir

JUAN GUAIDO N’EST PLUS LE PRÉSIDENT DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE : LES EXPLICATIONS
https://www.youtube.com/watch?v=12h3DBq4fWo

14/01/2020 19:23 par Assimbonanga

La vidéo de Romain Migus, ci-dessus, est très bien. Merci !

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