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Sortis les Britanniques ? Ça m’étonnerait !

Un ami et néanmoins collègue m’écrit : « Avant, les Anglais avaient un pied dedans et un pied dehors ; maintenant c’est le contraire. Ils n’ont pas fini de nous emmerder ! ».

Je suis bien d’accord, mais je crois que ce qui se joue va bien au-delà des vapeurs grandes-bretonnes.

Quand nous étions jeunes (et que nous n’avions nullement besoin de visa pour traverser la Manche dans des ferry-boats poussifs), les référendums avaient quelque chose d’impérieux, de sacré. Le mot “ référendum ” contient la notion de gouvernement direct. Souvenons-nous des consultations historiques lancées par De Gaulle, sur l’indépendance de l’Algérie, sur l’élection du président de la République au suffrage universel, jusqu’à celle, fatale, qui le verra démissionner dans l’heure avant qu’il aille marcher sur les plages irlandaises et rendre visite à Franco cinq mois avant sa propre mort (l’hagiographie – qui a retenu les plages mais qui a peu retenu la complicité monarcho-militaire – a oublié que De Gaulle fut à la fois majestueux et satrape).

Chirac, qui avait pris chez son illustre prédécesseur le peu qui l’arrangeait, avait proclamé, avant le référendum de 2005 pour lequel il s’était engagé corps et âme, qu’il ne démissionnerait pas si le peuple le désavouait. Il tint cette magnifique promesse.

Aujourd’hui, le déni démocratique se joue au niveau européen. Le non des Français et des Néerlandais en 2005 contourné par les classes politiques dans leur ensemble, les suffrages des Grecs balayés par la Troïka, les peuples qu’on a fait voter et revoter jusqu’à ce qu’ils deviennent raisonnables, tout cela va dans le même sens : jamais Bruxelles et ses fonctionnaires surpayés, surprotégés, hors-sol, n’accepteront une expression populaire démocratique qui ne leur convient pas et qui est hostile au capitalisme financier. Les grandes figures médiatiques servent quasiment toutes de relais. Fille de syndicaliste indépendantiste, Audrey Pulvar méprise les ploucs rosbifs : « Les gens qui vivent dans la modernité ont voté contre le Brexit ». L’icône aux lunettes d’écaille a raison : les prolos sans-dents (appliquée aux Britanniques, l’expression “ sans-dents ” est à prendre au premier degré) se nourrissent de fish and chips bien gras alors que les bobos de la Tamise se délectent de sushis. En plein abattement détumescent, l’européiste hystérique Quatremer fait dans le sadomaso : « Pour éviter l’effet de contagion, il faut que le départ soit douloureux ».

Si Obama, Wall Street et la Cité de Londres n’ont pas réellement paniqué, c’est que rien n’est acquis de par ce référendum car de nombreuses stratégies ont été mises en œuvre pour contourner le vote du 23 juin. Cameron a montré l’exemple quelques heures après sa défaite en proposant un calendrier dilatoire permettant toutes sortes de manœuvres secrètes entre Bruxelles, Merkel (accessoirement Hollande) et le Royaume-Uni. Il faut à tout prix que l’oligarchie mondiale (ceux que le discours dominant appelle « les élites ») garde la main, empêche l’enrayement d’une intégration européenne au service de ses intérêts. Meme si le si propre Juncker, président de la Commission pour qui “ il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens ”, a prévenu : « Le Royaume-Uni devra accepter d’être considéré comme un État tiers que l’on ne caressera pas dans le sens du poil ».

Encore une fois, tout référendum présente un grand risque : celui qui le propose risque d’être battu. Mais il y a pire : l’électorat peut se l’approprier, peut en discuter les tenants et les aboutissants, peut lui donner un autre sens. Bref, cet électorat peut devenir intelligent, sachant. C’est ce qui s’est passé en 2005 en France avec cette formidable campagne, impulsée, entre autres, par ATTAC. Le politique fut alors déjudiciarisé et détechnocratisé.

Les Anglais et les Gallois qui ont si mal voté vont-ils être traités plus bas que terre, c’est-à-dire comme des Grecs ? Ce n’est pas exclu, mais cela m’étonnerait. On ne leur imposera pas de visa – ce qui serait contre-productif – mais on les intimidera en bridant leurs exportations et en alourdissant la charge de leurs importations. Et puis, on va donner du temps au temps, créer de l’incertitude, instaurer un mini-chaos pour que les Anglais eux-mêmes finissent par demander un nouveau vote, en créant de la sorte leur propre humiliation. Une pétition pour un deuxième vote (lancé sur le site du Parlement !) a rassemblé plus de 2 000 000 de signatures en quelques heures. Des djeuns principalement, issus du sud-est du pays.

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Bernard GENSANE

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