
Ce documentaire pose la question de savoir si Jamal Zougam, un marocain condamné pour les attentats de Madrid (200 morts le 11 mars 2004), ne serait pas un bouc émissaire. La plus grande partie du documentaire est consacrée au procès de cette affaire, qui a été filmé, et dont il ressort que les éléments à charge contre Zougam sont bien minces, voire inexistants.
Par exemple ses empreintes, dont les médias avaient tant parlées, avaient été inventées. Les 2 témoins qui affirmaient l’avoir vu dans les trains sont beaucoup trop tardifs : ils ont témoigné 3 semaines et un an après les faits, et ne sont donc pas fiables. Une bombe retrouvée intacte (dans laquelle Zougam aurait bêtement utilisé un téléphone avec une carte SIM issue de son magasin) est apparue de manière étrange dans un commissariat, et le chef des démineurs a assuré qu’elle ne pouvait pas provenir des trains parce qu’ils les avaient fouillés 4 fois, et j’en passe… Tout semble indiquer que la décision du juge de le condamner répond à la nécessité de fermer ce dossier, peut-être pour empêcher l’émergence de questions trop dérangeantes.
Mon documentaire aborde l’ensemble de cette affaire, mais j’ai choisi d’insister sur le sort de ce pauvre Jamal Zougam, qui est emprisonné dans des conditions très dures depuis 12 ans. Il n’est peut-être pas inutile de rappeler pour les plus jeunes que l’affaire Dreyfus est une affaire d’espionnage de la fin du XIXème siècle, dans laquelle on avait fait « porter le chapeau » à un militaire français juif. La comparaison me semble juste dans le sens où l’accusation de Dreyfus comme celle de Zougam est due à leur appartenance ethnique et religieuse, et correspond aux clichés racistes de leur époque. Le cliché du XIXème siècle était que les juifs étaient des traîtres en puissance, et aujourd’hui que les musulmans sont des terroristes en puissance. J’avais bouclé ce documentaire en octobre 2015 pour sa projection au festival Cinémed de Montpellier, c’est à dire avant les attentats du 13 novembre à Paris. J’espère qu’il permettra d’apporter des éléments de réflexion dans les débats, en cette époque où l’islamophobie est de plus en plus instrumentalisée.
Cyrille Martin