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VIRONS-LES TOUS !

C’est avec ce cri "Virons-les tous !" que les Equatoriens excédés ont chassé leurs politiciens. Ce cri a été celui de toute l’Amérique latine, dont les dirigeants corrompus avaient accepté les diktats de l’oligarchie alliée des Etats-Unis. Il a fallu faire ce pas pour que l’espoir renaisse, et qu’une nouvelle génération de dirigeants surgisse, avec eux des peuples mobilisés. "Virons les tous !" c’est ce que j’ai envie de crier face à mon propre monde politique français, occidental. Marseille est bloquée par les cars de CRS, la Corniche en particulier où j’habite, Nicolas Sarkozy à midi va y manger chez Passevant, la nouvelle étoile gastronomique aux prix astronomiques. Tout le quartier est en sourde révolte "le salaud, l’austérité pour les autres et lui c’est Passevant !" ... "Il faudrait reprendre les fourches comme nos ancêtres de 1789"… L’exaspération est palpable et encore nous sommes au début de la catastrophe…

La catastrophe, le mot est juste …. Je crois qu’il est difficile d’envisager pire scénario que celui auquel nous assistons, le système financier est en train littéralement de s’effondrer. Et plus le temps passe, plus même la solution consistant pour le trésor américain à récupérer les créances pourries s’avère peu capable de faire face, la contagion des faillites bancaires, et partout les pouvoirs publics épongent les eaux nauséabondes, un mélange de crédit hypothécaire et de dollars. Les banques centrales sont à la manoeuvre.

A la suite des manifestations qui se sont multipliées aux Etats-Unis, le plan adopté prévoit des "garanties" pour les contribuables, certes mais de telles mesures se heurteront rapidement à la possibilité pour les mêmes d’aller se planquer dans des paradis fiscaux plus cléments. Mais le pire est que déjà le cancer financier dévore l’économie réelle. Ce que l’on a offert aux spéculateurs c’est l’équivalent et plus de la dette du tiers monde…

Ce qui personnellement me fascine et me désespère c’est la médiocrité face à un tel naufrage de nos dirigeants politiques.

Je ne veux pas accabler Ségolène Royal, elle n’est ni meilleure ni pire que les autres mais quand j’ai vu son show j’étais stupéfaite : comment peut-on se conduire ainsi quand le désastre est là . C’est la Castafiore chantant tandis que le titanic coule, que dire la Castafiore, shirley temple et ses bouclettes… Alors que le même soir jeudi, le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon déclarait :

"La crise financière menace le bien-être de milliards de personnes et ce qui est plus important encore, elle menace les plus pauvres parmi les pauvres. Et il ne s’agit que d’une composante de l’ensemble des dégâts causés par la flambée des prix des denrées alimentaires et du pétrole" , a-t-il précisé lors d’une rencontre au sommet concernant la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD).

Se moquer des mignardises de Ségolène est facile, dire que son " courage" est celui du narcissisme, que la politique a besoin d’autres engagements, mais que dire du crêpage de chignon de ses amis du PS, de Bertrand Delanoe arpantant les trottoirs de Wall street pour s’y faire photographier, il ne manquait plus que ce bobo… Que dire de la nullité crasse des discours et propositions de Marie George Buffet, sinon que nous sommes bien dans la logique de la base commune : il faut préserver par la confusion, l’inaudibilité, l’union avec le PS à la dérive. Pas une proposition sur la nationalisation, sur l’Union européenne. Quant au socialisme vous n’y pensez pas, il a fallu attendre le passage de Chavez à Paris pour qu’il en soit question, le socialisme a été revendiqué comme issue à la crise en espagnol. En français décidemment on ne prononce plus ce mot là , on "régule" …. On réclame une "monnaie universelle" , ce qui n’est pas faux mais completement hors de la plaque. La manifestation était la seule chose positive mais il faudrait un souffle, une préoccupation de tous les instants, une attention à l’organisation qui a disparu… Enfin là on peut espérer que la multiplication des luttes, la fonction retrouvée recréera recréerons l’organe détruit, liquidé par ceux qui s’apprêtent à demander leur renouvellement, on ne change pas une équipe qui perd…

Je suis peut-être dans mes propres ornières mais que le seul acte qui ait eu un sens ces derniers jours, à savoir cette manif embryonnaire sur les salaires, les luttes ouvrières qui s’amorcent, viennent du même côté, me fait espérer mais il serait temps…

Quant au monde du politico-médiatique, il me fait songer à des joueurs de tennis très snobs qui feraient semblant d’échanger des balles absentes avec des gestes de plus en plus élégants et de plus en plus vains, ils continuent une partie qui n’existe plus pour la galerie qui ne s’intéresse plus à eux.

Quant à ceux qui nous gouvernent, j’ai déjà dit ce qu’on pouvait penser du discours de Sarkozy qui a adopté la méthode Coué, il suffit de réguler le capitalisme pour qu’il devienne le meilleur des systèmes, mais qui va réguler ? Ils sont tous dans le coup, ils ne savent rien faire d’autre que de se servir, que d’asphyxier la planète, confier la survie de notre monde à ces gens-là ce serait comme confier un orphelinat à une bande de pédophiles récidivistes. On ne peut pas paraît-il les mettre en prison, pourtant c’est le seul traitement qu’ils mériteraient, mais continuer à leur confier les rénes est une folie, et bien c’est exactement à cela à quoi aboutit l’ensemble du monde politico-médiatique. Il ne faut surtout pas leur enlever le pouvoir de nuire, il faut les "réguler" , ils sont tous d’accord de la droite aux communistes, ils ne proposent pas autre chose.

Il est vrai que si on virait les incompétents et les menteurs, il faudrait commencer par le gouvernement. J’ai dit il y a quelques jours que prétendre comme l’a fait madame Lagarde que nous avions évité la crise systémique est de l’escroquerie pure et simple, comme le sont toutes les propositions qui prétendent éviter la crise en finançant les propriétaires-spéculateurs et en leur laissant encore la propriété de nuire. Comme la non remise en question de la BCE et de son "indépendance" .

Il est des questions qui désormais devraient peut-être se poser autrement : est-on pour ou contre le protectionnisme ? Il est évident que dans le sauve qui peut généralisé chacun à commencer par les asiatiques va retrouver un certain protectionnisme, reconsidérer la nécessité d’un développement endogène. Fini le tout marché, le tout à l’exportation, oui mais il est bien tard pour retrouver le nécessaire ballon d’oxygène de la consommation intérieure, de la relance des dépenses productives, le consommateur est totalement pressuré.

Quand le président a fait son discours de Toulon il n’ignorait rien des chiffres désastreux du chômage qui sont tombés lundi.

Les chiffres sont mauvais. Très mauvais. En fait, la progression du nombre d’inscriptions de demandeurs d’emploi à l’ANPE devrait être la plus forte depuis 1993. Le secrétaire d’Etat, Laurent Wauquiez, vendredi sur RMC, a tenté de préparer le terrain en confirmant la fourchette de "30.000 à 40.000 chômeurs de plus" en août. Officiellement toutefois, les chiffres de l’ANPE (à ne pas confondre avec le taux de chômage, publié trimestriellement depuis la polémique sur le manque de fiabilité des données ANPE) seront diffusés lundi à 19 heures.

Plus de chômeurs inscrits, moins de budget pour l’emploi

Outre la hausse attendue des inscriptions à l’ANPE, les prévisions du gouvernement montrent un effondrement spectaculaire de la création d’emplois salariés marchands (hors agriculture), un chiffre pratiquement divisé par dix cette année, passant de 310.000 en 2007 à 34.000 en 2008. La croissance devrait être comprise dans une fourchette de 1% à 1,5%, le déficit, creusé en 2008 par rapport aux prévisions, devrait s’accentuer en 2009 à 52,1 milliards, la dette atteignant pour sa part les 66% du PIB. Autant de données que la crise financière partie des Etats-Unis aggravera, de l’aveu du chef de l’Etat, lors de son discours jeudi dernier à Toulon : elle pèsera "dans les mois qui viennent sur la croissance, le chômage, le pouvoir d’achat" des Français.

Et c’est dans ce contexte que le budget des actions de l’Etat en faveur de l’emploi et de la lutte contre le chômage va baisser de 5,2% en 2009, et encore davantage en 2010 (-9,1%). Après 12,480 milliards d’euros en 2008, il reviendra à 11,821 milliards d’euros en 2009 (10,740 milliards en 2010).

Et le gouvernement n’a déjà trouvé comme réponse que de supprimer des emplois de fonctionnaires massivement, pour réserver l’argent à éponger les dettes et les folies des spéculateurs.

Peut-être suis-je excessive ? Sans doute mais quand je vois des enfants qui jouent j’ai honte, je me sens coupable du monde que je leur laisse. Hier je regardais Maya ma petite fille danser, elle a deux ans, on aurait dit Ségolène, mais elle est innocente, elle ne demande qu’à vivre, aimer et envoie des bisous à tous ceux qui passent… Est-ce que l’on pourrait faire autre chose qu’à penser à soi et à un peu penser à eux ?

Jusqu’où vous les innocents et jusqu’à quand tolérez vous que l’on vous mente ? Je m’adresse en particulier aux communistes, aux gens réellement progressistes et à gauche, il faut en finir avec cette manière de prétendre gouverner. Regardez ce qui se passe en Amérique latine, les peuples un jour en ont eu assez de l’escroquerie généralisée de leurs gouvernants, qu’ils soient de gauche ou de droite, comme les équatoriens ils ont crié "Virez les tous !" et c’est à partir de cette prise de conscience qu’ont pu surgir des responsables politiques nouveaux.

Nous avons vécu une période de relative accalmie du capitalisme, il y avait le contrepoids de l’Union soviétique, ils négociaient, nous sommes redevenus kautskystes, la révolution informationnelle nous ménerait au socialisme dans un cadre légal que nous appelions "démocratique, et nous en avons déduit qu’il était illusoire de réclamer des changements profonds. Puis l’extension de la crise du capitalisme a coïncidé avec la chute de l’Union soviétique, on nous a accablé avec "l’échec du socialisme" , on nous a fait croire que les peuples avaient souhaité s’en débarrasser. Il n’en était rien, il y a eu une contre révolution, et le capitalisme sénile en a profité pour devenir dévastateur, criminel, pour que son essence égoïste, destructrice, sa volonté d’exploiter les êtres humains et l’environnement donne libre cours. Alors maintenant regardez les choses en face, il va falloir se battre, aller à contre courant dans des temps difficiles, il va falloir protéger notre peuple, les plus faibles d’entre nous, que ceux qui ne se sentent pas capables de cela arrêtent les manoeuvres d’appareil et cèdent la place à ceux qui ont moins le courage d’affronter cette réalité.

Danielle Bleitrach

http://socio13.wordpress.com/

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C’est seulement quand le nombre de cadavres de l’oppresseur est suffisamment grand qu’il commence à écouter.

Amilcar Cabral

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