RSS SyndicationTwitterFacebook
Rechercher

A Gaza, Netanyahou a ouvert la boite de Pandore (Middle East Eye)

La campagne israélienne de bombardements à Gaza a mis le Hamas au premier plan de la cause palestinienne, créant par le fait une nouvelle réalité qui va poser des problèmes à Israël.

Si Benyamin Netanyahou n’avait pas décidé de prendre comme prétexte le meurtre des trois colons pour lancer un pogrom contre le Hamas en Cisjordanie et ensuite attaquer Gaza, le statu quo qui était éminemment favorable à Israël tiendrait toujours.

Le gouvernement d’unité Fatah-Hamas n’aurait été uni que sur le papier et il serait passé d’une crise à l’autre sous l’égide de Mahmoud Abbas. Les salaires des 50 000 fonctionnaires de Gaza n’auraient pas été payés. Le Hamas serait toujours contenu dans une petite boîte appelée Gaza, sans argent et sans accès au monde extérieur, avec une frontière égyptienne encore plus hermétique que la frontière israélienne.

La campagne de 46 jours semble avoir changé beaucoup de choses. Elle a réunifié - au moins temporairement - les factions palestiniennes bien plus solidement qu’aucun pourparlers à Doha* n’aurait pu le rêver. Mahmoud Abbas a dû changer de position et passer de la condamnation des tirs de roquettes du Hamas à l’exigence qu’il soit mis fin au siège. Même s’il est, sans doute, personnellement fort contrarié du rejet de la proposition égyptienne, il est obligé, tout comme l’Egypte, de se rapprocher des positions de la résistance. Il ne peut pas faire autrement.

La campagne israélienne de bombardements à Gaza a mis le Hamas au premier plan de la cause palestinienne et lui a assuré une place à la table des dirigeants de l’OLP. Et à l’intérieur du Hamas, l’attaque a donné plus d’influence au Brigades Ezzedine al-Qassam. Tuer leurs familles a eu, une fois de plus, l’effet opposé à l’effet escompté. Personne ne peut dire, et personne ne dit à Gaza, que les combattants se terraient lâchement dans les tunnels pendant que les civils se prenaient les bombes parce que ce sont leurs civils, leurs femmes et leurs enfants qui ont été les premières victimes.

Abu Ubaydah, le porte parole des Brigades Al-Qassam, a ordonné impérieusement jeudi à la délégation palestinienne de quitter le Caire et les pourparlers qu’il a qualifiés de danse avec des démons, après la tentative d’assassinat de Mohammed Deif, le chef de la branche armée.

Le ton qu’il a employé en dit long. Voilà les Brigades Qassam qui disent, non seulement au reste du Hamas mais aux autres groupes de la délégation ce qu’ils doivent faire. Ils n’ont jamais fait une déclaration politique aussi forte précédemment. Cela montre au moins leur assurance.

L’autre signe que l’attaque contre Gaza fait des vagues politiques, ce sont les efforts de l’Europe et des Etats-Unis pour y mettre fin. Il y a deux semaines, les 28 ministres des Affaires Etrangères de l’Union Européenne ont appelé au désarmement de toutes les factions de Gaza, en ligne avec la position d’Israël, en en faisant la condition pour participer aux pourparlers en vue d’un accord définitif. Désormais, ils ont compris que la démilitarisation est impossible et ils proposent une solution plus réaliste, à savoir une discussion sur la manière d’empêcher le réarmement. Un projet de résolution de l’ONU préparé par 3 pays européens, la Grande Bretagne, la France et l’Allemagne, ne reprend même pas le mot lui-même.

Netanyahou n’est pas prêt de convaincre l’aile droite de son cabinet, donc tout ceci est pour l’instant lettre morte. Mais plus la campagne se prolonge, plus elle aura des conséquence négatives pour Israël. Soit il lancera une autre offensive, peut-être plus meurtrière encore, au coeur de la ville de Gaza, comme l’armée israélienne en a fait la menace. Soit il va falloir qu’il se fasse à l’idée de mettre fin au siège. C’est un vrai choix d’Hobson**. Israël est coincé. Le Hamas a réussi à le piéger. Netanyahou n’a jamais voulu une longue guerre et certainement pas une guerre où les tirs de roquette du Hamas augmentent avec le temps au lieu de diminuer.

Le troisième round du conflit a débuté par une chasse aux trophées. Netanyahou espérait que la tête de Deif lui permettrait de crier victoire. Mais même si Israël avait réussi à assassiner Deif, cela n’aurait rien changé. Comme le montre la biographie de Deif, il a commencé en lançant des pierres et il est devenu le commandant de ce qui est désormais une petite armée avec son propre arsenal de roquettes. D’autres suivront son exemple.

Les funérailles des trois leaders du Qassam abattus par la frappe aérienne suivante ont rassemblé à Rafah des milliers de jeunes Palestiniens qui criaient vengeance. Chaque fois qu’Israël assassine une génération de leaders du Hamas, une plus efficace encore la remplace. L’armée du Hamas se renforce à chaque fois.

Mais il n’y a pas que les jeunes de Palestine qui sont irrésistiblement attirés par la cause de la Résistance, elle attire aussi les sunnites de tout le monde arabe. C’est une chose qu’Israël devrait prendre au sérieux. Obtenir le soutien de l’Egypte, de l’Arabie Saoudite et des Emirats Arabes Unis a pu paraître très malin à Israël sur le court terme. Ces pays soutenaient déjà discrètement Israël et l’agression contre Gaza n’a fait que révéler leur soutien au grand jour.

Mais sur le long et moyen terme, on peut douter que leur soutien soit de quelque secours à un pays entouré de pays arabes sunnites. Parce que l’agression israélienne a replacé la cause palestinienne au coeur du conflit qui déchire le monde arabe. Les monarchies du Golfe et les dictatures militaires qui ont donné leur aval à Israël pour attaquer le Hamas, sont les régimes mêmes qui ont financé et fomenté les révolutions contre les Printemps Arabes. La cause nationaliste palestinienne contre l’occupation est assimilée à la lutte contre les dictatures soutenues par l’Occident. Les brigades Qassam sont un symbole de résistance qui dépasse largement Rafah. Elles inspirent aussi la jeunesse égyptienne.

Netanyahu avait-il conscience de ce qu’il allait déclencher en lançant son offensive ? Sand doute pas, mais la situation a changé et il va falloir qu’il prenne ces changements en compte s’il veut s’en sortir. Gaza est devenue sa boîte de Pandore.

David Hearst
rédacteur en chef de Middle East Eye.

Notes :

* http://www.lematin.ma/express/2014/rencontre-a-doha_les-palestiniens-reclament-a-l-onu--un-calendrier-/207843.html

** Le Choix d’Hobson est un choix apparemment libre qui n’est pas vraiment un choix du tout : http://fr.wikipedia.org/wiki/Thomas_Hobson

Traduction : Dominique Muselet

»» http://www.middleeasteye.net/column...
URL de cet article 26734
   
Ukraine : Histoires d’une guerre
Michel Segal
Préface Dès le premier regard, les premiers comptes-rendus, les premières photos, c’est ce qui frappe : la « guerre » en Ukraine est un gâchis ! Un incroyable et absurde gâchis. Morts inutiles, souffrances, cruauté, haine, vies brisées. Un ravage insensé, des destructions stériles, d’infrastructures, d’habitations, de matériels, de villes, de toute une région. Deuil et ruines, partout. Pour quoi tout cela ? Et d’abord, pourquoi s’intéresser à la guerre en Ukraine lorsque l’on n’est pas (…)
Agrandir | voir bibliographie

 

Je n’ai aucune idée à quoi pourrait ressembler une information de masse et de qualité, plus ou moins objective, plus ou moins professionnelle, plus ou moins intelligente. Je n’en ai jamais connue, sinon à de très faibles doses. D’ailleurs, je pense que nous en avons tellement perdu l’habitude que nous réagirions comme un aveugle qui retrouverait soudainement la vue : notre premier réflexe serait probablement de fermer les yeux de douleur, tant cela nous paraîtrait insupportable.

Viktor Dedaj

© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.