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Evo Morales est désormais investi d’un leadership continental

Retour sur le « Sommet et le rassemblement » de Cochabamba

Le 12 août, par un article écrit pour Le Grand Soir
(www.legrandsoir.info/le-sommet-de-cochabamba-bolivia-s-est-termine-par...), Jean Ortiz nous rendait compte du sommet de Cochabamba et de son intervention où il se démarquait des positions du pouvoir français et de son geste d’hostilité envers le président bolivien dont l’avion ne put survoler le territoire français.
Jean Ortiz revient ici sur ce sommet et sur l’incident.
LGS

« Le sommet de Cochabamba (Bolivia) s’est terminé par un rassemblement d’un million de personnes »

La tribune est juchée sur un viaduc. Nous sommes aux côtés des dirigeants de la révolution, de Evo Morales, de la présidente du Sénat (37 ans), de trois ministres indiennes...

En bas, toute l’avenue Blanco Galindo de Cochabamba est hérissée de calicots, de Wiphalas (drapeau indien), d’oriflammes... Un océan populaire qui gronde, chante, scande, danse. A perte de vue. Et là-bas au loin, la cordillère protectrice. Combien sont-ils ? Chacun s’accorde à dire : plus d’un million, soit plus d’un dixième de la population du pays. Mesurons bien ce que cela représente. Il faut que le traumatisme ressenti lors de "l’affaire de l’avion présidentiel" ait été fort pour expliquer un tel déferlement. La mobilisation s’est effectuée en quelques jours seulement.

Elles et ils sont venus soutenir « leur » président et condamner « ceux qui l’ont offensé », nous répète-t-on.

Ils sont là aussi pour clôturer le "Premier sommet anti-impérialiste et anticolonialiste" organisé par les mouvements sociaux, syndicats et organisations indigènes, afin de protester contre l’affaire de l’avion présidentiel bolivien, et envisager les ripostes possibles à l’impérialisme, la nécessaire coordination des résistances... Ces paysans, ces mineurs, ces femmes, la plupart Indiens, ces étudiants, sont à la fois joyeux et en colère. Ils sont venus de tout le pays même si Cochabamba est un bastion « eviste », par ses cocaleros, ces révoltes comme la "guerre de l’eau" victorieuse, en 2000, contre sa privatisation, pour en faire un bien commun, un service public. Le "sommet" de Cochabamba s’est dressé comme le « tata Inti », le sommet qui domine La Paz, pour crier : « les temps on changé ; désormais, la Bolivie, cela se respecte !! ». Et le gouvernement français en a été pour ses frais. Un ami du Syndicat des mineurs plaisante : « Hollande : zéro, Bolivie : un million ». L’affaire s’est retournée comme un boomerang contre ceux qui croient que vassalité et indépendance nationale peuvent se conjuguer.

Que quatre pays « occidentaux » aient, comme l’on dit ici, « séquestré » l’avion de Evo Morales ; et refusé le survol de leur territoire, ceci en violation de toutes les lois et normes du trafic aérien, a été ressenti par la majorité des Boliviens comme une humiliation, un geste d’hostilité (sur ordre de Washington), commis par la France, l’Italie, l’Espagne, le Portugal.

Le Falcon 900 Ex Easy a dû atterrir en catastrophe à Vienne. En Bolivie, on ne croit pas à une « maladresse » de la France comme l’écrit la presse bien pensante ; mais à une décision aux relents de colonialisme et de soumission à « l’empire ». Les autorités, les mouvements sociaux, ne l’ont pas entendu d’une oreille servile. La révolution a rendu au pays sa dignité, sa souveraineté, et à La Paz comme à Cochabamba, on ne badine pas avec l’indépendance enfin conquise, avec la fierté nationale. Et même si l’agent américain Snowden, qui a eu le courage de dénoncer les pratiques d’espionnage de son pays, avait été dans l’avion, cela n’aurait rien changé à « l’inviolabilité » d’un appareil présidentiel. Combien de dictateurs africains ont survolé la France (et même atterri, vécu), avec la bienveillance de la « Françafrique » ?

Le nouvel abandon de souveraineté de François Hollande a dégradé encore plus l’image de la France en Amérique latine, jadis lumineuse et aujourd’hui « contre-modèle », exemple de ce qui ne faut pas faire en matière d’intégration.

Modesto Condori parle français et pour lui, « La France, historiquement, ce n’est pas le « perrito » (petit chien) de Washington ». Il est très en colère : « Aujourd’hui, l’arrière cour de Washington, ce n’est plus nous, c’est vous, l’Union Européenne, inféodée aux Etats-Unis ». Cela, on nous l’a répété des centaines de fois... C’est qu’à Cochabamba, le 28 septembre 1964, le général de Gaulle, du haut du balcon de la préfecture, exalta l’indépendance et la souveraineté nationales.

« Le Premier sommet anticapitaliste, antiimpérialiste et anticolonialiste de Cochabamba », accueille plus de 1200 délégués venus d’une vingtaine de pays, qui se répartiront en six tables-rondes. Des six forums émergera la condamnation unanime de l’inféodation de l’Union européenne, de la contre-offensive de Washington par la mise en place des redoutables « Alliance du Pacifique »et de la Zone de libre-échange transatlantique pour tenter de conter et diviser l’Alba, le Mercosur, la Celac... Le gouvernement nord-américain veut relancer de nouveaux traité géants de libre-commerce, conquérir des marchés et « recoloniser » un contient qui lui échappa. D’où également l’affaire de l’avion considérée comme un avertissement, une mise en garde, aux processus d’émancipation sociale en Amérique du sud. « Dehors les yanquis et l’Otan de l’Amérique latine ! », s’égosillent les jeunes argentins. La rencontre se prononce pour une « refondation » des droits de l’homme, le contrôle des marchés par l’Etat, la socialisation des secteurs clés de l’économie, la mise au pas des multinationales... et la nécessité, réitérée par Evo Morales, de mettre en place un « instrument politique » de coordination des luttes.

Florencio Espinoza et Moisés Sequeiros, mineurs du wolfram à la coopérative du Kami, tout comme Juan de la Cruz Vilea, assesseur du « Front des organisations sociales » à la présidence, Suzana Aramayo, de la puissante Fédération des Femmes Bartolina Sisa, Silvia Lasarte Flores, petit producteur et qui fut présidente de l’Assemblée constituante, nous étreignent après notre intervention à la tribune du forum, où nous « demandâmes pardon au nom de la France des Lumières, de la Révolution, de la Commune de Paris, du Libertador Miranda qui combattit à Valmy aux côtés de Napoléon, de Victor Hugo, du Front populaire, des résistants... » Rodrigo Calle, secrétaire de la Confédération unique des travailleurs paysans, est ému. L’intervention fut très largement répercutée par les médias du continent. Pour le « ministre de la présidence » Juan Ramon Quitana, « La décolonisation intérieure et extérieure n’est pas terminée ».

Nous les retrouvons tous au rassemblement géant du vendredi 2 août. Symboliquement, on nous propose de prendre la parole et d’intervenir avant le président Morales. Nous répétâmes que le gouvernement français s’était non seulement discrédité auprès des peuples latino-américains mais aussi auprès du sien, en capitulant face à Washington, et plus largement en trahissant ses engagements électoraux. La France « aurait un autre rôle à jouer que d’être le vassal de Washington ». La « révolution bolivienne » n’est pas « le » modèle, mais un laboratoire, un référent. Ici commencent à se concrétiser les rêves des révolutionnaires du monde".

Evo Morales intervient ensuite et nous remercie de notre présence. Il avoue ne pas comprendre qu’il puisse y avoir des « secteurs pro-impérialistes » au sein des forces de gauche et appelle à l’union pour constituer « un instrument politique mondial » qui puise aider à la libération des peuples.

Nous avons tous été frappés par le charisme et la dimension prise par le président bolivien. Le continent a perdu Chavez. Evo Morales est désormais investi d’un leadership continental.

Jean Ortiz

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