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Une France qui n’a pas toujours aimé la guerre

Depuis les règnes de Sarkozy et de Hollande, la France est vouée à la guerre, à toutes les guerres, et peut-être à celle qui sera décidément belle et massacrante : elle ferait repartir le taux de croissance vers les sommets anciens... Qu'espérer d'autre de la vie en société capitaliste, colonialiste et impérialiste ?

La guerre sera donc fraîche, et belle à voir... à la télévision. Déjà que celle de 1914-1918 l’est bien devenue, à son tour, en cette année du centenaire de son déclenchement.

Dans son ouvrage, remarquable de finesse et de lucidité : Héroïsme politique et désir de pouvoir, publié en 2013 chez Colonna Edition, Francis Arzalier nous offre, par son travail d’analyse de sept destins militants parallèles et contrastés qui ont pour élément commun d’entretenir un rapport plus ou moins affirmé avec la diaspora corse, et de se déployer, pour l’essentiel, dans la première moitié du XXème siècle, une occasion rare de faire le point sur certaines des raisons qui ont conduit le peuple de France au marasme politique actuel.

Dans ce livre, tout se joue en liaison étroite avec l’histoire même du Parti communiste français... Or, nous allons découvrir, grâce à Francis Arzalier, ce que nous avions peut-être totalement perdu de vue, à moins que nous ne l’ayons jamais su.

Évoquant l’image de la révolution russe dans l’opinion française deux ans après la fin de la première guerre mondiale, Francis Arzalier écrit :

"Elle se résume aux quelques proclamations de Lénine qui entraînèrent indubitablement l’adhésion de la majorité des peuples de Russie en 1917 : « La terre aux paysans, les usines aux ouvriers, et la paix immédiate ». De ces trois annonces léninistes, mises en oeuvre sur le champ de bataille même à l’est, la dernière est la plus importante." (page 30)

Sans qu’il soit besoin de s’étendre longuement ici sur cette question, nous voyons que les deux premiers thèmes renvoient au travail de production et à l’appropriation collective ou privée des moyens de production. C’est donc la sphère de l’exploitation en temps de paix.

Le troisième thème réduit la même thématique de domination au seul temps de guerre.

En conséquence, voici, pour 1920, une phrase essentielle :

"Le PCF naît donc à Tours, de diverses mouvances, sur une base pacifiste plus que d’une adhésion absolue à toutes les thèses léninistes, comme la suite le prouvera." (page 31)

D’où il nous faut déduire que l’exploitation de l’être humain par l’être humain dans sa version "pacifiée" ne se présentait pas comme un problème à résoudre d’urgence et en y mettant les moyens.

Certains diraient qu’il s’agissait ici de la "douce France"... C’est sur ce terrain qu’est né le futur PCF. Qui oserait en vouloir à ses militantes et militants ?

Or, voici justement l’un de ces militants. Il est lycéen à Marseille et il participe, au tout début des années 20, à une distribution de tracts qui appellent les conscrits à ne jamais tirer sur les travailleurs en lutte pour leur pain. Il va être condamné à un mois de prison avec sursis... après avoir passé quarante jours à la prison Chave.

Francis Arzalier nous livre ce que pouvait être le contenu de la protestation répandue dans les rues par ce jeune homme qui devait être fusillé par les Allemands le 15 décembre 1941 au Mont Valérien, après avoir été remis à ceux-ci par les autorités françaises : il était communiste et s’appelait Gabriel Péri.

Lisons :

« Camarade conscrit ! Ouvrier ! Paysan !

Tu vas être appelé sous les drapeaux tricolores. Tu es un homme aujourd’hui. Demain tu seras une machine, un jouet entre les mains d’un chef, ton ennemi ! Après-demain, on te fera tuer sans que tu saches pourquoi. On t’a dit que c’était pour accomplir ton devoir envers la Patrie.

On t’a menti !

Pour défendre la Patrie, il te faudrait commencer par en avoir une. Les hommes qui volent le travail des autres leur ont volé leur Patrie. Par suite, sous le régime capitaliste, il n’y a pas de défense nationale pour les travailleurs.

Dans une nation de 37 millions d’hommes, la Patrie est la propriété exclusive de 200 000 privilégiés tout au plus. Ils la font défendre ou ils la trahissent, selon leur intérêt du moment. Banquiers, chefs d’industrie, actionnaires du rail, de la mine, se sont achetés des ministres, un Parlement et une diplomatie à eux. Maîtres de la paix ou de la guerre, trafiquants de la vie et de la mort des autres, ce sont eux qui, dans tous les pays du monde, ont été les vainqueurs de la grande guerre. » (pages 38-39)

Songeons à la France d’aujourd’hui, et encore à elle pour ce qui suit :

« Camarade de la classe 21 !

Au Maroc, en Syrie, une guerre de rapine t’appelle. » (page 39)

Quelques mois plus tard, Gabriel Péri prend lui-même la plume... Francis Arzalier nous raconte de quelle façon :

"Il publie dans le no 22 du Conscrit, un texte ravageur titré sans ambiguïté « Nous sommes antimilitaristes », qui lui vaut une inculpation devant la 2e chambre correctionnelle de Paris, avec Paul Vaillant-Couturier. Parallèlement, puisqu’il ne s’agit en rien d’un geste isolé, il multiplie les interventions à des meetings, à Montmartre, avec d’autres orateurs des JC [Jeunesses communistes], avec des dirigeants du PCF, Treint et Frossard, Pioch et Méric, et lors de manifestations dans les rues de Paris." (pages 42-43)

La France était-elle donc particulièrement accueillante à cette jeunesse frondeuse des lendemains de la grande boucherie qui avait fauché ses aînés à peine plus âgés qu’elle ? Ici Francis Arzelier nous dit le prix que la bourgeoisie sait faire payer au lendemain de folies meurtrières qui sont pourtant bien le fruit de son règne sur la population travailleuse :

"Son emprisonnement, le deuxième, à Paris, sera plus éprouvant que le séjour carcéral marseillais. Le 11 mai 1923, il entame une grève de la faim, avec ses co-détenus, l’Allemand Hoellein et cinq anarchistes accusés des mêmes méfaits antimilitaristes. Le dixième jour, il est transporté exsangue, à l’hôpital Cochin, et réalimenté de force. L’instruction se poursuit malgré la campagne de L’Humanité, et finalement Péri est condamné en correctionnelle, le 3 décembre 1923, à six mois de prison, dont il a fait une bonne partie en préventive." (page 43)

Et pourtant, rien, là, ne venait remettre en cause la domination économique de la bourgeoise.

De même qu’aujourd’hui, intervenir pour mettre un terme aux agissements criminels des présidents de la république française, ce ne serait pas toucher un cheveu du système capitaliste. Essayez donc, pour voir...

Le livre de Francis Arzalier peut être trouvé et acquis ici.

A lire également sur Gabriel Péri, dans Le Grand Soir [LGS]

»» http://www.cunypetitdemange.sitew.com
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