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Interview exclusive de Michel Mujica l’ambassadeur du Venezuela en France

Confronté à la désinformation massive des médias pro-impérialistes sur la situation au Venezuela, la direction politique d’Initiative communiste a pris l’initiative de demander à M. Michel MUJICA, ambassadeur en France de la République bolivarienne, de nous éclairer sur cette question. Nous demandons aux visiteurs d’Initiative Communiste, non seulement de lire cette déclaration, mais de la partager au maximum sur internet et sur les réseaux sociaux. (G. Gastaud, directeur politique d’Initiative Communiste)

Monsieur l’Ambassadeur de la République Bolivarienne du Venezuela en France, Michel Hector Mujica, a expliqué le 2 février 2019 la situation au Venezuela, répondant aux questions suivantes :

  • Le groupe dit de Lima a refusé de reconnaître la réélection pourtant assez large du président Maduro. Comment le peuple vénézuélien réagit-il à cette ingérence peu commune ?
  • En outre, l’oligarchie vénézuélienne semble dopée par l’évolution de la situation brésilienne et par l’appui que lui apporte l’administration Trump. dans ces conditions très délicates, la gauche patriotique vénézuélienne peut-elle tenir et contre-attaquer ?
  • Le président Maduro était l’invité-vedette du dernier congrès du PCV. Où en est l’unité combative des forces patriotiques au Venezuela ? Et qu’en est-il de l’unité des forces progressistes en Amérique latine face à ce qui ressemble à une offensive générale de l’impérialisme et de l’oligarchie contre la gauche populaire et patriotique ?

Nous dénonçons une politique de recolonisation du Venezuela orchestrée par le gouvernement de Trump. Nous assistons à une révolte contre le droit international et contre le principe démocratique et la Charte des Nations Unies. Il est surprenant et effrayant que les Etats-Unis s’arrogent le droit de donner des leçons aux Vénézuéliens sur qui doit être leur président ! et d’imposer un président autoproclamé sans territoire, sans administration, sans armée et parrainé, financé et dirigé depuis Washington, c’est le déni de la souveraineté des nations et peuples.

En outre, le représentant aux Etats-Unis du président autoproclamé, Juan Guaidó, a son bureau à l’ambassade de la Colombie à Washington ...

L’investiture du président Maduro le 10 janvier dernier a lieu dans un contexte complexe déterminé par plusieurs facteurs, mais celui qu’il convient de retenir en priorité est que le Venezuela subit une agression étrangère constante dirigée par les Etats Unis. J’insiste, il ne s’agit plus d’une menace, mon pays actuellement est la cible d’une agression multiforme.

Avec une opposition politique discréditée, affaiblie, divisée, sans crédibilité ni capacité de rassembler ni de mobiliser, l’effort pour renverser le gouvernement révolutionnaire a eu son principal soutien à niveau international aux Etats-Unis qui sont l’hégémon et le meneur de la politique d’agression impériale contre mon pays. Cela est renforcé par un scénario de recul des forces progressistes dans la région latino-américaine et un soutien de l’Union Européenne qui ne peut pas (et ne doit pas) être minimisé.

En particulier le soi-disant Groupe de Lima, avec l’exception honorable du Mexique, prétend s’ériger en mercenaire des Etats Unis pour attaquer le Venezuela, dans un scénario de haute pression sur la Force Armée Nationale Bolivarienne pour qu’elle donne un coup d’Etat. Le tout dans le cadre d’une campagne médiatique qui ne peut être qualifiée autrement que de criminelle, fondée sur des fakes news, des manipulations et des opérations psychologiques à grande échelle, c’est-à-dire, un niveau sophistiqué de guerre de quatrième génération contre laquelle les Commandant Hugo Chávez et Fidel Castro nous avaient mis en garde.

Vous me demandez aussi comment le peuple vénézuélien réagit face à cette ingérence inhabituelle. Permettez-moi de ne pas être d’accord et d’affirmer que cette ingérence n’est pas inhabituelle. Bien au contraire, elle est le comportement normal des forces impérialistes. Pour répondre à votre question, je pense que le peuple doit répondre à ces agressions en se renforçant (ce que nous appelons le pouvoir populaire) et renforçant l’union civico-militaire. C’est la seule façon de garantir la continuité du gouvernement et le respect de l’institutionnalité de l’Etat, la démocratie la souveraineté et ce qui est fondamental pour les forces révolutionnaires : la paix et le bien-être du peuple vénézuélien.

La tradition démocratique et pacifique du peuple vénézuélien a été largement prouvée pendant ce processus révolutionnaire. Plus de 25 scrutins nationaux, régionaux et municipaux, ouverts et fiables en 19 ans (dont nous en avons remporté 23) montrent la volonté obstinée du peuple vénézuélien à s’exprimer de façon démocratique et pacifique. Le système électoral vénézuélien est bien supérieur à celui de la plupart des pays ! Jimmy Carter, dont la fondation a observé plusieurs scrutins, l’a reconnu, estimant infime le risque de fraude. A tort ! Le système est demeuré celui que M. Carter qualifiait de « meilleur du monde ». Mais l’opposition l’a boycotté. Rien que pendant ces 18 derniers mois ont eu lieu 5 processus électoraux (élections pour l’Assemblée nationale constituante, de Gouverneurs, de Maires, de Conseiller municipaux, présidentielle). Ces élections non seulement ont compté avec la garantie du système électoral vénézuélien (un des meilleurs du monde) mais elles ont atteint un objectif prioritaire : la paix. Même si elle est sous la menace constante des facteurs évoqués précédemment.[1]

Ci-joint l’intégralité de l’allocution du président Nicolás MADURO lors de la cérémonie d’investiture :

Il est indéniable que dans la région il y a une nouvelle configuration qui s’est déportée sur la droite et parfois, de façon très préoccupante, sur l’extrême droite la plus rétrograde et la plus conservatrice, dont les expressions misogynes, racistes, xénophobes et homophobes sont absolument condamnables.

Cependant, l’espérance demeure. Je crois, plus spécifiquement, que la gauche latino-américaine se trouve dans une démarche de réflexion qui a donné un premier signe d’espoir : le Mexique. Mais, en outre il y a des mouvements dans des pays du sud de l’Amérique Latine qui refusent la mise en œuvre de mesures néolibérales et fort endettement, mesures qui dans le passé les ont conduits à des crises économiques graves.

J’aimerais m’arrêter sur ce dernier point. Comme vous savez, le Venezuela fait face à une situation économique extrêmement complexe, que nous ne pouvons pas nier. Mais il faut expliquer cette situation. Il faut comprendre que la situation économique au Venezuela est la conséquence d’années de l’application par les Etats Unis et leurs tristes partenaires d’Amérique Latine et d’Europe de mesures coercitives unilatérales et illégales. Actuellement le Venezuela se trouve soumis à un blocus économique, financier et commercial féroce et qui s’intensifie de plus en plus, qui lui interdit d’acheter les biens et les services dont il a besoin ; en outre les actifs vénézuéliens à l’étranger sont menacés et/ou bloqués, etc.

Je vous donne un exemple : le Venezuela pratiquement ne peut plus acheter des médicaments sur le marché international et, quand il trouve un vendeur, celui-ci est soumis à une brutale persécution financière par le département du Trésor (des Etats Unis). Cette situation fait que les entreprises craignent de vendre au Venezuela. Que ce soit clair : avec le Venezuela, non seulement l’Etat vénézuélien, mais toute personne naturelle ou juridique vénézuélienne qui devient ainsi victime de la traque financières impériale.

Permettez-moi de vous donner un autre exemple : on refuse au Venezuela l’accès aux marchés financiers internationaux pour demander des crédits ou refinancer sa dette souveraine, comme tout autre pays le fait. Des ordres exécutifs de l’administration des Etats Unis l’interdisent et sanctionnent toute personne, naturelle ou juridique, qui le fasse.

Toute cette situation est critique et cela d’autant plus que le Venezuela est un pays pétrolier dont les principaux échanges se font dans le contexte financier international. Il faut rappeler que la production pétrolière elle-même a été victime de ce blocus, qui limite l’accès de PDVSA (entreprise pétrolière de l’Etat) aux achats ou aux contrats de services nécessaires pour la maintenance régulière des installations.

Vous pouvez remarquer la détermination et les efforts impériaux pour détruire et porter préjudice au peuple vénézuélien sont absolus. J’insiste, c’est réellement une situation très critique. Personnellement, j’ai même l’impression que le monde ne connaît pas l’ampleur des agressions que confronte le peuple vénézuélien.

En tout ce scénario régional et dans un contexte mondial de plus en plus complexe et volubile à cause précisément de l’attitude impériale, défendre la cause du Venezuela devient une obligation éthique pour tous les révolutionnaires et tous les progressistes.

Je tiens à vous dire une dernière chose, très décisive et importante, mais avec la forte conviction qu’il est de mon devoir de le dire : ce qui se passe au Venezuela et les autres pays progressistes de la région (dont Cuba, le Nicaragua y la Bolivia), marquera le destin des forces progressistes de la région et bien au-delà. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre que la Révolution bolivarienne n’est pas seulement l’affaire des vénézuéliens.

Je reprends les mots du juriste étatsunien Alfred de Zayas à propos du Venezuela :

« Nous assistons à une rébellion contre le droit international et contre le principe démocratique. Il est incroyable que les Etats-Unis s’arrogent le droit de dire aux Vénézuéliens qui doit être leur président ! Il n’y a rien de moins démocratique qu’un coup d’Etat [en français] ! Ou de boycotter des élections. Pourquoi l’opposition l’a-t-elle fait ? Parce qu’elle se savait trop divisée pour les gagner. »

Et encore ...

« Dans tous les Etats de droit, il y a une séparation des pouvoirs. Le parlement est « suspendu » car il a outrepassé ses compétences et désobéi au Tribunal suprême. Le législatif avait accepté que prêtent serment trois députés [sur 167] dont l’élection avait été invalidée par la justice pour fraude. Si la majorité qui tient le parlement avait voulu – ou voulait enfin – revenir sur ces assermentations, la suspension n’aurait pas lieu d’être. Mais dès le départ, l’objectif avoué était de faire tomber le président. Les parlementaires s’étaient explicitement donnés six mois pour y parvenir. Et comme, selon la Constitution, cette prérogative ne leur appartient pas, ils ont misé sur l’agitation de rue et la dénonciation de la prétendue « dictature ».

La stratégie était concertée avec les Etats-Unis. Cela a été patent lorsque – après deux ans de pourparlers avec le gouvernement – le leader de l’opposition, Julio Borges à l’époque, a soudainement refusé de signer l’accord de conciliation obtenu sous l’égide de l’ex-premier ministre espagnol José Luis Rodriguez Zapatero. Les sanctions étasuniennes – interdites par le droit international – vont dans le même sens : susciter la confrontation.

L’ingérence des Etats-Unis dans les affaires du Venezuela me fait penser à la campagne de 2002-2003 contre l’Irak. Pendant des mois des fake news sur des armes de destruction massive avaient préparé l’opinion à un changement de régime en Irak. Ce fut une « révolution » contre le droit international, avec l’appui des quarante-trois Etats de la coalition ! Les Américains se voient comme des missionnaires de la démocratie. Chaque fois, ils sont très étonnés de ne pas être reçus comme des héros... »

* * *

source : https://www.initiative-communiste.fr/articles/international/interview-...

* * *

[1] Réponse de Alfred de Zayas à propos de la question suivante : L’opposition pointe l’absence d’observateurs internationaux. C’est un mensonge. Il y a eu des observateurs, j’ai moi-même été invité mais j’ai décliné, je ne travaille pas pour le compte de gouvernements, uniquement sur mandat de l’ONU. D’autres, comme les observateurs du CEELA [Consejo de Expertos Electorales de América Latina, composé d’ex-magistrats de tribunaux électoraux], y sont allés. Par ailleurs, il faut rappeler que ce sont les Européens qui ont décliné l’invitation à venir observer. Il faut une sacrée dose de mauvaise foi pour ensuite regretter cette absence d’observation étrangère ! Même chose avec l’argument de l’abstention. Malgré l’appel au boycott d’une partie de l’opposition, avec près de 67,84% des voix et 46,1% de participation, Maduro a obtenu davantage que le président français (1) qui aujourd’hui parle d’une « élection illégitime ».

Et la répression des opposants dénoncée par des ONG ? Les leaders de l’opposition arrêtés sont surtout ceux qui ont appelé ou ont été mêlés à la violence. Je connais cette situation. J’ai moi-même intercédé auprès du gouvernement, afin qu’il libère certains prisonniers. Ce qui fut fait au-delà de mes espérances. Cela dit, mon mandat ne couvrait pas les détentions arbitraires, mais « l’ordre international démocratique et équitable ».

La liberté d’expression est largement respectée au Venezuela. Il suffit de lire les journaux ! El Nacional et El Universal sont très critiques envers le gouvernement. De plus, le pays compte 336 chaînes TV et radio, dont 198 privées et 44 communautaires. S’il est clair que le gouvernement, qui compte plus d’idéologues que de technocrates, a fait d’énormes erreurs, je peux vous assurer que les médias ont beaucoup de latitude pour exagérer quotidiennement son incompétence !

Comment sort-on de cette crise ? Il faut dialoguer. Il n’y a pas d’autre issue. Il y a, au Venezuela, 6 à 7 millions de personnes fidèles au « chavisme ». Vous pouvez renverser le gouvernement mais pas les faire disparaître. Elles ne rentreront pas chez elles sans se battre. Un coup d’Etat c’est prendre le risque d’une guerre civile !

Source : https://www.legrandsoir.info/venezuela-un-coup-contre-le-droit-interna...

»» https://www.initiative-communiste.fr/articles/international/interview-...
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