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À propos du « label rouge » attribué à Ruptures par Twitter

Entre indifférence et complicité, les médias « alternatifs » favorisent le néo-maccarthysme

Depuis que Ruptures a cherché à alerter sur le label mensonger que lui a attribué subitement Twitter le 7 septembre dernier – « Média affilié à un État, Russie » –, moins d’une heure après la mise en ligne d’une analyse montrant que 98 % des médias français de premier plan ont relayé la théorie conspirationniste du « Russiagate », le nombre d’articles consacrés à l’action arbitraire du réseau social états-unien se compte sur les doigts d’une main.

En effet, quatre médias seulement ont rendu compte de ce procédé néo-maccarthyste sur lequel Twitter refuse obstinément de s’expliquer ; non seulement la firme à l’oiseau bleu ne répond pas à nos sollicitations, y compris par lettre recommandée, mais elle fait de même avec les rares journalistes qui l’ont contactée à notre sujet.

Les médias francophones qui ont couvert l’histoire sont, par ordre chronologique : RT France, BFM-TV, Presse-citron, Causeur. Et c’est tout pour le moment. Quelques valeureux blogs communistes en ont également parlé.

Comme nous l’avons écrit dans notre dernier communiqué, cette labellisation erronée de Ruptures constitue un précédent en France. Le « mensuel progressiste radicalement eurocritique » est bel et bien le premier média hexagonal à subir cela (précisons que les répercussions ne se limitent pas à Twitter – avec un étouffement algorithmique de notre présence sur la plateforme –, elles concernent avant tout la réputation du journal).

Nous ne pouvons que constater la large indifférence que cette évolution inédite suscite parmi les médias dits « alternatifs » ou « indépendants », en particulier ceux qui se réclament de la gauche. Nos alertes sont jusque-là totalement ignorées, en tout cas elles ne se traduisent pas par des actions publiques. Pas même un petit tweet...

Le silence des médias dominants était attendu, et il est effectivement quasi total. Force est cependant de noter que le chef du service « BFM Tech », Raphaël Grably, a suivi l’affaire depuis le début – interpellant Twitter France à plusieurs reprises – et en a fait un article. Le Canard enchaîné, Mediapart et Arrêt sur images, pour ne citer que des titres bien installés, n’en ont toujours pas dit un mot, alors qu’ils traitent régulièrement de l’actualité et des enjeux relatifs au pouvoir des réseaux sociaux.

Comment expliquer cette occultation ? Nous en sommes réduits à des hypothèses. Quatre principalement.

Ignorent-ils la décision de Twitter de nous déclarer en intelligence avec Moscou ? Nous ne pouvons croire que leurs antennes soient déficientes à ce point.

Estiment-ils que l’affaire est anecdotique ou anodine ? Alors c’est qu’ils acceptent tacitement que des plateformes privées puissent pratiquer une forme d’arbitrage et de censure politiques (c’est une tendance croissante, à la fois sur Facebook, Twitter et YouTube, avec la bénédiction et même l’incitation des autorités).

Considèrent-ils que Ruptures mérite son « label rouge » ? Nous ne demandons pas mieux qu’ils enquêtent pour vérifier leur intuition. Ils verront bien si notre indépendance est une fiction.

Sont-ils en désaccord avec la ligne éditoriale de notre mensuel ? C’est fort probable, mais leur silence signifierait qu’ils s’assoient sur les principes – liberté d’expression et de la presse en tête – et ne comptent informer que sur les injustices que subissent des personnes ou des organisations qui trouvent grâce à leurs yeux.

Mais après tout faut-il être surpris de l’indifférence au tort qui nous est fait quand on constate l’attitude de la vaste majorité des médias – petits et grands – dans un cas autrement plus grave, je veux bien sûr parler du calvaire interminable de Julian Assange ? L’ignoble abandon dont est victime ce journaliste persécuté repousse les limites de la veulerie journalistique, que l’on savait pourtant généreuses.

À partir du moment où le sort de Julian Assange – un prisonnier politique dont la vie est en danger – ne suscite pas une mobilisation massive, on peut se dire que la faillite intellectuelle et morale de la presse est actée (Mediapart et Edwy Plenel, après avoir ignoré ou calomnié le fondateur de WikiLeaks, se sont tardivement réveillés quant à l’importance de la cause). Le concours de lâcheté est ouvert en permanence et les concurrents sont pléthoriques.

Au-delà du cas de Ruptures, il y a une liste de positions qui valent une marginalisation automatique aux médias, organisations et personnalités qui les adoptent.

En voici quelques exemples : plaider en faveur de la sortie de l’Union européenne et/ou de l’Otan ; relativiser voire réfuter la « menace » russe, chinoise ou iranienne (l’énumération peut continuer en fonction des circonstances et des objectifs géostratégiques des puissances occidentales) ; dénoncer la politique d’apartheid de l’État israélien et pratiquer une solidarité conséquente à l’égard du peuple palestinien ; s’opposer à l’interventionnisme « humanitaire » en Afghanistan, en Libye ou en Syrie (à propos de ce dernier dossier, le blackout médiatique total sur les lanceurs d’alerte de l’OIAC est éloquent) ; soutenir le pouvoir légitime au Venezuela ou en Bolivie ; défendre la liberté d’expression sans aucun deux poids, deux mesures...

La marginalisation médiatique et professionnelle s’accompagne maintenant de plus en plus d’actes de censure, celle-ci étant sous-traitée par les États aux plateformes privées californiennes en situation de quasi-monopole. Il est déjà bien tard pour s’inquiéter de ce phénomène qui a pris beaucoup d’ampleur ces derniers mois.

Twitter serait-il spécifiquement allergique à la critique de la nouvelle guerre froide que les impérialistes cherchent à nous imposer et dont les multiples accusations d’« ingérence russe » constituent un vecteur essentiel ?… Que la firme états-unienne ait Ruptures dans le collimateur est une sorte de médaille honorifique pour notre petite équipe (elle nous a d’ailleurs apporté de nouveaux abonnements). Mais nous exigeons malgré tout le retrait du label fantaisiste. Il nous faudra peut-être malheureusement en passer par une action en justice pour l’obtenir.

À bas l’e-impérialisme ! Vive WikiLeaks !

Laurent Dauré

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