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Petite et mortelle, voici l’arme testée à Gaza, par Annalena Di Giovanni - il manifesto.





Voici deux articles d’Annalena Di Giovanni, correspondante de il manifesto, sur les Small diameter bomb au Dime (Dense inert metal explosive) fabriquées par Boeing à la demande du Département de la défense étasunien, qui sont peut-être les armes utilisées depuis cet été à Gaza, pendant que les médias regardaient ailleurs (au Liban).

L’enquêtes de la chaîne Rainews24 en Palestine, diffusées avant-hier soir en Italie et disponibles sur le site de Rainews24.

Annalena Di Giovanni avait déjà rencontré les médecins de Gaza cet été, et rencontré des victimes ; voir aussi sur Le grand Soir l’article de la biologiste Monica Zoppé, qui a lancé avec deux collègues scientifiques italiens, l’appel pour une commission d’enquête de l’Onu sur la nature des armes utilisées.
M.A.P




Il manifesto, jeudi 12 octobre 2006.


Plus petites, plus mortelles et plus précises. Les arsenaux vidés de leurs bombes à fragmentation, controversées, on en serait maintenant au tournant des « armes à mortalité concentrée » ou « munitions à dommages collatéraux réduits », dans la soi-disant « guerre au terrorisme » .Une nouvelle génération d’engins aux dimensions réduites à effet circonscrit, qu’on puisse utiliser dans les zones à forte densité de population : en Afghanistan, en Irak, dans les Territoires occupés palestiniens, et au Liban. Pour s’opposer moins à une armée régulière qu’à de petits groupes de guerriers souvent camouflés (selon les versions officielles) à l’intérieur des centres habités. Un type d’intervention, le bombardement, jusque là limité par les dommages très larges qu’il comporte : des dizaines de civils tués, des protestations de l’opinion publique.

Le problème pourrait maintenant être résolu. Partant des requêtes de la marine et de l’aviation étasuniennes, avec une plausible coopération israélienne, la firme Boeing a remporté en 2003 l’appel d’offre pour le projet des Small diameter bomb (bombes à petit diamètre), des engins qui ne dépassent pas les 90 kilos de poids et la taille d’un mètre et demi. Grâce aux énormes crédits alloués par le Département étasunien de la défense (investissements redoublés en 2004) les premiers prototypes ont été disponibles pour l’expérimentation sur le terrain à partir de mai 2006, et ils seraient déjà disponibles dans les arsenaux militaires depuis septembre dernier. Avec une variante par rapport aux munitions traditionnelles : le Dense insert metal explosive, soit la dernière trouvaille en matière de létalité concentrée.

Le Dime est formé d’une charge interne en alliage de tungstène (celui des ampoules électriques, pour avoir une idée de la conduction et de la réactivité). Elle libère dans l’air une poudre incandescente qui, en tombant sur son poids spécifique (traductrice pas sûre des termes, au plus près du texte original donc...NDT), attaque l’objectif sous un angle qui provoque d’innombrables coupures et blessures sans dépasser les 4 mètres de portée. A la charge inerte est associée une enveloppe externe en fibre de carbone, plus légere et plus économique que le métal, invisible aux rayons X. Une fois explosée, elle se pulvérise en micro particules au lieu des éclats. Bien qu’étant capable de pénétrer le béton armé, la fibre de carbone n’offre pas de résistance excessive à la détonation de l’explosif contenu, augmentant de ce fait son efficacité, au point que les premiers prototypes ont détruit les instruments de mesure des laboratoires militaires. Un Dime serait en outre capable de suivre son propre objectif mobile grâce à sa légèreté et à un système de contrôle Gps.

Donc : haute précision, explosion circonscrite, aucun éclat. Mais le tournant semble peu positif. Des tests réalisés jusqu’à présent dans les laboratoires militaires du Maryland auraient mis en évidence, selon le New Scientist de février 2005, une mortalité de 100 % sur les cobayes : exposés à des fragments de tungstène, en l’espace de 5 mois, ils développent tous la même forme rare de cancer, le rabdo sarcome. Mais si on laisse de côté les hypothèses sur la toxicité du tungstène, des préoccupations plus urgentes demeurent. Si ce qui a été testé à Gaza étaient des Dime, comme cela semble très probable, les effets produits semblent plus graves que ceux des anciennes bombes en acier. Quelques centaines d’éclats sont remplacés par une nuée déchirante de particules incandescentes qui pénètrent, coupent et brûlent leurs victimes jusqu’aux os. En l’espace de quelques minutes, elles provoquent la nécrose de membres entiers, et se déposent, à la fin, à l’intérieur du corps sans possibilité d’extraction. Le tout dans un scénario asymétrique où d’un côté il y a un être humain, et de l’autre une bombe lancée par un drone piloté à distance, et où augmente le nombre des victimes invisibles : les invalides permanents. Obtenir le maximum de résultats et le minimum de pertes, voilà l’impératif. Et, étant données les dimensions réduites des Dime, les munitions transportables par tout engin volant quadruplent automatiquement.

En conclusion, la différence des munitions à létalité concentrée pourrait résider justement dans la justification morale suggérée par les commanditaires eux même : l’intérêt présumé de limiter les dommages collatéraux. Difficile, sur la base du droit humanitaire, d’interdire l’usage de ces munitions, dévastatrices dans les faits mais présentées comme réduites, circonscrites aux seuls « terroristes ».Le Dime, économique et léger, pourrait être largué dans des zones à forte densité de population, en des quantités quatre fois supérieures, provoquant les effets rencontrés à Gaza (ni les civils, ni les femmes, ni les enfants n’ont été épargnés). Et ce sera alors sa définition même d’arme à faible dommage collatéral qui fournira un alibi à quiconque l’utilisera, beaucoup plus justifiable que les « vieilles » armes utilisées jusqu’à présent.

Annalena Di Giovanni

- Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio (Palestine13)



Ces blessures mystérieuses que personne n’expliquait



Il manifesto, jeudi 12 octobre 2006.


Général Abou Houli a 43 ans et a été brancardier pendant des années à Deir Al Balah, au volant des ambulances pendant les incursions militaires. Mais le matin de ce 19 juillet, alors qu’il porte secours aux victimes d’une explosion dans le dédale des ruelles étroites de Mughazi Camp, survient quelque chose : un engin tombe du ciel, probablement lancé par un drone israélien. Il plane devant lui avec un léger sifflement, il ne fait aucun bruit même quand il touche terre. Tout d’un coup la détonation : Anwar se retrouve par terre, une jambe coupée à la hauteur du tibia, le corps lacéré par des coupures microscopiques et par une poudre qui semble rester sous la peau, en le brûlant. Pendant le transport à l’hôpital, la poudre lui ronge la peau, coagule les vaisseaux sanguins, nécrose les tissus, comme si elle les « vieillissait ». Les médecins se retrouvent impuissants face à la nécrose rapide et ne peuvent qu’amputer, sans trouver d’éclats qui expliquent les coupures et les brûlures.

Anwar Abou Houli est un des rares survivants palestiniens disponibles pour être interviewés. Son cas n’est pas isolé : le même jour on a enregistré à l’hôpital de Deir Al Balah cinq autres cas, et à Gaza City, le 26 juillet, on comptait 19 mutilés sur 50 blessés et 27 morts : un rapport entre victimes et invalides quasiment égal. Des pourcentages et des symptômes sans précédents : en août, l’alarme disant qu’on était en train de tester à Gaza une arme totalement nouvelle arrive à la presse internationale ; il manifesto aussi la traite largement. Mais l’électricité dans la Bande de Gaza va et vient, compromettant les contacts avec l’extérieur, les autopsies sont impossibles, le blocus aux frontières empêche d’envoyer des prélèvements à analyser.

Aujourd’hui les « nouvelles armes » expérimentées sur les Palestiniens pendant l’opération militaire israélienne « Pluie d’été » pourrait avoir un nom. Le noyau d’enquêtes réalisées par Rainews24, qui s’est rendu à Gaza, a identifié, dans un projet étasunien de bombes à diamètre réduit associées au Dime, le Dense inert metal explosive, l’explication plausible des mystérieuses blessures rencontrées. Le Dime serait une typologie de munitions dites à létalité concentrée, un produit des exigences de la « guerre au terrorisme ».Les premiers prototypes devaient être disponibles entre juin et juillet exactement. Il est probable que Gaza ait fourni le meilleur scénario pour une expérimentation sur le champ de bataille, pendant des semaines de relative inattention médiatique à cause des bombardements du Liban.

Des analyses scientifiques indépendantes commanditées aux laboratoires de l’université de Parme par Rainews24 sur des fragments et des poussières fournies par les médecins de Gaza ont confirmé la présence de carbofibre et de tungstène, les deux éléments caractéristiques du Dime. L’ancien major général de l’aviation israélienne (et directeur du programme israélien pour le développement des armes) Itzhak Ben Israël, a déclaré à la Rai : « quelque chose d’assez petit et précis pour ne toucher que l’objectif identifié, sans autres victimes involontaires, à des milliers de mètres de distance, changerait la guerre comme nous voulons ». Sur le quotidien Haaretz, hier, le journaliste Meron Rappaport a déclanché l’alarme, immédiatement renvoyée à l’expéditeur par le porte parole de l’armée israélienne qui a démenti l’utilisation d’armes Dime, ajoutant cependant que « pour des raisons évidentes, Tsahal n’entre pas dans les détails en ce qui concerne ses propres armements et l’utilisation qu’elle en fait ».

Annalena Di Giovanni


- Le film de l’enquête de Rainews24 est disponible depuis aujourd’hui (12 octobre, NDT) sur le site de Rainews24, www.rainews24.rai.it

- Des photos sont disponiles ici (attention images dures) www.rainews24.rai.it/ran24



- Source : il manifesto www.ilmanifesto.it

- Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio (Palestine13)




Liban, Palestine : Israël est accusé d’ utiliser des armes interdites - il manifesto.




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