Le cri de guerre de ces temps bouleversés apparut pour la première fois en Argentine en 2001, « Que se vayan todos ! » (Qu’ils s’en aillent tous !). Devant le vol invraisemblable par la classe dirigeante argentine et le FMI de toutes les économies d’un peuple, devant l’incompétence des gouvernements et les faillites d’un système qui fait de la crise un mode de gouvernement, le peuple argentin dégagea cinq présidents en un an et demi.
Dix ans plus tard, l’écho fut repris du côté de la Méditerranée. « Ben Ali dégage ! », « Moubarak dégage ! ». En l’espace de quelques semaines, de la Tunisie à l’Égypte, les dirigeants corrompus et autoritaires du monde arabe durent affronter la même rage de peuples qui n’en pouvaient plus de tant d’années d’oppression.
Les entartages, les coups, les insultes pleuvent aussi depuis plusieurs années sur les dirigeants du monde occidental, pourtant mieux protégés. Berlusconi frappé au visage, Sarkozy attrapé par le col, des œufs jetés sur la voiture de G.-W. Bush lors de sa prise de fonction...
Le cri de guerre « Qu’ils s’en aillent tous ! » s’arrête pour l’heure dans l’hexagone. En l’espace de quelques semaines, depuis fin novembre, les Français ont dégagé Juppé, Sarkozy, Hollande dans l’incapacité de se représenter, Valls et ils s’apprêtent maintenant à dégager Fillon. Qui sera le prochain sur la liste ? Au suivant... Au suivant...
Ce qui est sûr, c’est qu’il y a sur notre liste, à nous autres révolutionnaires, une étape suivante. « Qu’ils dégagent tous ! » est un bon point de départ. L’autorité légitimée par la démocratie parlementaire des dirigeants usurpateurs est morte depuis déjà longtemps et c’est tant mieux. Néanmoins, nous devons nous organiser pour qu’aucun ne revienne, jamais. Et sans plan stratégique à grande échelle, cette nécessité se transforme rapidement en chimère.
Les ré-sistances, les ré-voltes, les ré-bellions, les re-fus, tous ces « ré » sont importants quand il s’agit d’exprimer son hostilité face aux dirigeants et plus encore face au système qui gouverne nos vies mais ils ne suffisent pas. Il faut un élément affirmatif puissant sur lequel s’appuyer pour entrevoir de quoi sera fait le monde de demain, émancipé de la tyrannie marchande et de ses pantins médiatiques qui prétendent nous gouverner. Cet élément affirmatif puissant ne peut venir que d’un projet révolutionnaire internationaliste qui soit capable de détrôner le système totalitaire marchand tout en proposant en paroles et en actes un projet émancipateur capable de sauver ce qui peut l’être encore. Cela passera nécessairement par l’autogestion et la démocratie directe, la vie, la vie authentiquement vécue contre la survie limitée aux simples impératifs de la marchandise, de la représentation et du travail salarié.
« Soyez résolus de ne servir plus, et vous serez libres. » Cette phrase de La Boétie claque comme un couperet tant elle est d’une évidence presqu’enfantine. Pourtant, il faudra rajouter pour ces temps bouleversés « Construisons en chemin, pour qu’ils ne reviennent jamais. »
Jean-François Brient, Chroniques de la Guerre civile mondiale n° 3.