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La France en Algérie : de quelques évidences

Une France hystérique a accueilli les propos qu’un candidat à la présidentielle, Emmanuel Macron, a tenus à Alger. La classe politique hexagonale, dont les oreilles sensibles ne pouvaient entendre de telles allégations, écumait de rage, « révulsée » que l’un des siens reconnaisse ce que la France persiste à nier... Qu’a donc dit Macron de si outrageant, jusqu’à réussir l’exploit de réunir contre lui les partis de tout bord ?

Le leader du mouvement En Marche ! a simplement reconnu que la colonisation avait été « un crime contre l’humanité ». En une seule phrase, Macron a cassé ce que les politiciens français, à la mémoire sélective, tenaient pour tabou : la colonisation et ses multiples crimes. Oubliés les enfumages du Dahra ; les spoliations des terres algériennes ; les déportations à Cayenne et en Nouvelle-Calédonie ; le Code de l’indigénat (précurseur de l’apartheid) ; les conscriptions forcées des Algériens, chair à canon des guerres mondiales de 14-18 et de 39-45 ; les crimes de l’armée française et des colons en mai 1945, au moment où le monde entier célébrait la victoire contre le nazisme à laquelle les Algériens contribuèrent grandement. En récompense de ce sacrifice des Algériens, la France a permis les carnages à Sétif, à Guelma, à Kherrata...

On n’oublie pas ces crimes, on ne peut les oublier. Nous les rappellerons en toute circonstance à la France. Emmanuel Macron a aussi dit (en référence sans doute à la loi controversée du 23 février 2005, glorifiant ladite colonisation) : « Nous avons amené la civilisation par effraction. » Encore un euphémisme ! La colonisation œuvre civilisatrice en Algérie ? Parlons-en ! Quelle civilisation la France a-t-elle apportée à l’Algérie ? En 1830 – arrivée des Français – la population de l’Algérie était estimée, selon diverses données de l’époque entre 9 et 10 millions d’habitants. Le Bulletin des Lois de 1856, avançait le chiffre de 2330 000 « indigènes » (Algériens). En prenant uniquement l’estimation la plus basse en 1830, selon d’autres sources, de trois millions d’Algériens, et celui de 1856, 2 330 000 « indigènes », nous avons donc 670 000 personnes manquantes. Où sont-elles passées ? En 1962 la population totale de l’Algérie était de 1 1690 000 habitants (dont un million d’Européens). En janvier 2016, la population algérienne a dépassé les 41 millions d’habitants. Ce qui veut dire que la population algérienne avait stagné durant 132 ans, alors qu’elle a plus que quadruplé en 54 ans. A l’indépendance, l’espérance de vie des Algériens était de 47,04 ans. Elle est évaluée à 75,34 ans en 2016. Entre 1900 et 1960 la peste, le choléra, la gale, les poux, induits par l’extrême pauvreté de la population, tuaient en masse les Algériens. Ces pandémies ont totalement disparu d’Algérie dès les années 1970. Ce sont celles-là les réalités des bienfaits de la colonisation : jusqu’à 1882 (52 ans après l’arrivée des Français) la scolarisation des musulmans était nulle, en 1921 on ne comptait que 84 garçons, d’âge scolaire, sur 1000 à être inscrits dans une école. Ce chiffre tombait à 7 sur 1000 pour les filles. De fait, des colons s’opposaient à la scolarisation des Algériens, le gouvernement français d’occupation n’a fait aucun effort sérieux pour réellement scolariser les Algériens. Une seule petite université de 500 places pour les seuls colons. Pour faire des études supérieures, les Algériens étaient contraints d’aller à l’étranger. En 2016, il y a plus de 50 universités et une trentaine de grandes écoles en Algérie avec plus de 2 millions d’étudiantes et d’étudiants. Des centaines de lycées, des milliers d’écoles ont été construits. Ce n’est pas la France civilisatrice qui nous a attribué cet héritage.

En 1962 l’Algérie était dépourvue de tout, il lui a fallu tout construire et tout inventer. Notons ce paradoxe : l’Algérie exporte aujourd’hui son élite intellectuelle, notamment en France. Selon les chiffres publiés le 27 juillet 2015 par le Conseil national de l’Ordre des médecins [Cnom, France] plus de 10 000 médecins algériens exercent dans les hôpitaux de France. Ce qui représente, selon la même source, 25% du nombre total (40 354) des médecins étrangers en activité en France. Combien de médecins la France civilisatrice a laissé derrière elle ? Elle nous a octroyé la pauvreté, les pandémies, l’analphabétisme (95% d’analphabètes en Algérie en 1962), très peu d’hôpitaux, pas d’universités. La France ne nous a même pas légué, en partant, sa langue. La langue française, nous l’avons conquise. En 1962 moins de 20 000 Algériens sur 10 millions parlaient le français. En 2017 ils sont entre 25 et 30 millions à s’exprimer dans la langue de Voltaire allant de l’excellence au passable en passant par le moyen et le parfait. Sans être membre de l’OIF (francophonie), l’Algérie est, hors la France, le premier pays locuteur du français dans le monde. Une autre extravagance. Où est donc l’oeuvre civilisatrice de la colonisation qui aurait été faite par effraction, en Algérie, dont se gargarise tant la France ?

N. KRIM

21 Fevrier 2017

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