Ces bases étasuniennes qui empoisonnent l’Amérique Latine.

Le problème des bases étasuniennes- et des intentions des Etats-Unis - dans la région est au coeur de toutes les discussions et réunions. Témoin, le conseiller d’Obama, Arturo Valenzuala, qui a entamé une tournée en Amérique Latine - n’a pas échappé à la question avec ses interlocuteurs au Brésil - qui ne voient pas dans cette présence massive en Colombie un signe positif- ni sans doute en Argentine hier.

Quant au sommet de l’Alba qui a réuni à la Havane, les Venezuela, Bolivie, Cuba, Nicaragua, Honduras, Equateur, République Dominicaine notamment, le communiqué commun fut très clair : ces bases "constituent un danger pour les pays de la région et une menace grave pour la paix, la sécurité et stabilité de l’Amérique Latine et des Caraïbes" (Agence Pulsar , 14 décembre).

Bref, les 7 bases étasuniennes en Colombie sont un sujet d’inquiétude depuis plusieurs mois. On le comprend d’autant plus que selon La "Comisión de Transparencia y Verdad" (commission de transparence et vérité) créée par le gouvernement équatorien, les Etats-Unis ont appuyé l’armée colombienne quand elle attaqué un campement des FARC en Equateur en mars 2008. Et c’est justement à travers la base militaire de Manta - qui se trouve au Sud Ouest de l’Equateur- que cet appui a été apporté. Selon le rapport, « l’intelligence stratégique mise en place depuis la base de Manta fut fondamentale pour suivre et localiser Raul Reyes… » (Selon l’Agence Pulsar, 11 décembre 2009) ; ce qui ne correspondait pas à la finalité de l’accord initial passé avec l’Equateur.

Les militaires étasuniens utilisaient la base de Manta depuis 1999, quand le président équatorien de l’époque a autorisé l’intervention dans cette région dans le cadre d’un soit-disant plan de lutte antidrogue. Dès sa prise de mandat l’actuel président Rafael Correa s’est opposé à cette base, considérant qu’elle violait la souveraineté équatorienne. Et le 18 septembre dernier, le gouvernement équatorien a repris le contrôle de Manta en ne renouvelant pas l’accord passé avec l’armée étasunienne.

Qu’a cela ne tienne. Non seulement dès avril de cette année, les Etats-Unis annonçaient la réactivation de la 4ème flotte (en sommeil depuis 1948) mais surtout quelques mois après ils faisaient part de leur intention de s’implanter dans 7 nouvelles bases en Colombie. Comme le soulignait Ignacio Ramonet, directeur de l’édition espagnole du Monde diplomatique et président de l’Association Mémoire des Luttes, [récemment dans une conférence [1], les Etats-Unis ont modifié leur politique militaire sur l’Amérique Latine, appliquant la doctrine Rumsfeld qui vise à transformer les lourds bataillons en une force très mobile, souple, réactive, avec des armes ultramodernes.

Il ne s’agit plus d’avoir en main leurs propres bases, lourdes en hommes et en matériel, mais plutôt de s’installer sur des sites opérationnels. Les Etats-Unis parasitent en quelque sorte des bases militaires locales, dans une perspective toutefois de long terme les accords portent par exemple en Colombie sur dix ans. Non seulement cela coûte moins (matériel, hommes) mais cette stratégie leur permet une plus grande dispersion. Dans le cadre de cette politique, il s’agit de mettre en place un maillage qui répond à leurs objectifs. Ainsi les Etats-Unis compteraient quelque 750 bases de cette nouvelle forme dans le monde.

A cela s’ajoute que les conflits contemporains sont des conflits asymétriques. Dans cette région le fait que plusieurs Etats ne s’inscrivent pas dans la logique néolibérale est une préoccupation pour les Etats-Unis ; le fait que d’importantes et stratégiques ressources naturelles y résident -eau, hydrocarbure, biodiversité- est un enjeu. La réponse est deux bases au Pérou, quatre au Panama, 7 en Colombie. Dès lors, il suffit de regarder la carte pour comprendre l’encerclement du Venezuela. Sans oublier que leur intention était d’en avoir une au Paraguay pour surveiller la triple frontière argentino-bresilienne et la Bolivie mais le président Lugo a mis son veto.

Pour mémoire enfin, alors que d’aucuns montrent du doigt les dépenses militaires du Venezuela, dans la région c’est le Brésil qui a le plus gros budget militaire suivi de la Colombie -les Etats-Unis à travers le plan Colombie lui versent 750 millions de dollars par an-, devant le Chili. Il serait temps de mettre fin à certaines idées reçues.

Estelle Leroy-Debiasi
http://www.elcorreo.eu.org/article.php3?id_article=4574

Notes :

[1] le 9 décembre 2009 à la Maison de l’Amérique Latine

COMMENTAIRES  

27/12/2009 22:43 par Bamboo

En 2001, Bjorn Lomborg écrivait ("L’écologiste sceptique") :

« En ce qui concerne l’Europe, l’évolution est encore plus nette. En 1950, elle représentait 22 % de la population mondiale, alors qu’elle en représente seulement 13 % aujourd’hui. En revanche, l’Afrique est passée de 8 à 13 %. L’Europe et l’Afrique représentent chacune un huitième de la population mondiale. Mais, d’ici à 2050, la population de l’Europe sera réduite à moins de 7 %, tandis que celle de l’Afrique passera à 22 %, c’est-à -dire que l’Europe et l’Afrique auront interverti leurs places quant à la taille relative de leur population28. »

Le déclin démographique relatif de l’Europe, comme des Etats-Unis est inscrit dans les projections des évolutions démographiques. L’occident et ses castes ploutocratiques appuyées sur la soumission des classes modestes constituent le "fléau" des peuples par la prédation qu’ils exercent sur le monde. Le déclin démographique relatif annoncé de l’occident est une bonne nouvelle pour les peuples.

Mais la mondialisation est aussi mondialisation de l’alliance des classes ploutocratiques auxquelles l’hyperpuissance impériale apporte un soutien sans faille. Partout, les oligarchies ploutocratiques maintiennet en esclavage les classes productrices. Le déclin des puissances impériales même déchues ne signifie pas leur renoncement : les fauves blessés sont encore plus dangereux...

Les militaires distinguent dans le déploiement des forces armées, les postures défensives et les postures agressives. La réactivation de la IVème flotte, l’installation de bases en Colombie, au coeur de l’Amérique latine et les multiples déploiements sur des bases secondaires dont fait état l’article auxquelles on peut ajouter la plus grande base étatsunienne du monde, Bondsteel, implantée au coeur de l’Europe au Kosovo relèvent manifestement de cette dernière catégorie.

Obama est le grosminet endormant les souris de belles promesses avant de bondir pour les dévorer... Les bobos et les médias admiratifs du fait qu’un métis parvienne à la présidence de l’empire font preuve de la plus grande naïveté à imaginer un seul instant que cela change significativement l’orientation de sa politique prédatrice.

Faire main basse au meilleur prix sur les ressources du monde, soudoyer les collaborateurs nationaux, écarter les plus défavorisés du partage des richesses tout cela reste inscrit à l’agenda. Pour ce faire, la "stratégie du choc" - climatique - tombe à point nommé, parée des vertus de la "sauvegarde de la planète," de "l’avenir de nos descendants," de la "protection de la biodiversité" et autres slogans de propagande manipulés par des chefs d’états dont pas un ne s’est présenté au sommet de la FAO sur l’alimentation à Rome, quelques semaines seulement avant Copenhague.

Il ne faut pas se tromper de lutte, les pattes de velours succèdent aux souliers cloutés mais les crocs sont toujours aussi acérés... Les leaders progressistes d’Amérique latine ne s’y trompent pas...

Delenda capitalismo... mais ce n’est pas une mince affaire...

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