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Cuba

Combines ? Réponse à chaud et au journaliste François Sergent (Libération) qui vient d’inventer l’eau tiède.

à Monsieur le Libérateur François Sergent, énième de sa lignée rose-démocratique

http://www.liberation.fr/monde/01012332744-combines

Prenons l’exemple exemplaire, et le jeu de mots vaut bien ici car il ne s’agit que de mots en jeu - prenons l’exemple, disais-je, sur le décorticage fabuleux des manipulations, mensonges et accusations portées contre le Grand Soir et démontées par le même Grand Soir par un geste démocratique qui a consisté à publier l’acte d’accusation sur leur propre site. J’ai adoré.

C’est une manière limpide et d’une efficacité redoutable pour faire éclater la vérité qui, comme dit le chanteur cubain Carlos Varela, n’est ni la vérité de leur vérité, ni ta vérité à toi, ni la mienne, mais la vérité... Soyons naïfs et imaginons qu’elle existe.

Nous avons pour tâche d’examiner ici l’article d’un journaliste qui a tout compris sur la vérité, notamment celle de son nombril à ce petit soldat de Libération, à ce bon Sergent des lieux communs. Bon, je me livre à l’exercice avec joie ! (Svp, soyez indulgents, j’aspire à une moyenne pas trop indécente).

D’abord, l’intitulé de son torchon : « Combines »

C’est joli. Et en plus, c’est vrai. « Maraudages », j’aime bien aussi... Nous les Cubains, nous sommes probablement en pointe en matière d’inventions pour combiner, mélanger, convoyer, troquer... à tous les niveaux. Nous nous sommes tenus debout, avec dignité, en tant que peuple, grâce à notre capacité à combiner rêves et volontés, lucidités et passions. Nous combinons aussi des vélos chinois avec des moteurs de lave-linge russes, du fromage avec de la pâte de goyave, nous mélangeons aussi le riz blanc et les haricots noirs. Nous essayons même de combiner des frigos usagés et l’Art. Et nous essayons aussi de combiner une politique aussi vieille que la guerre froide (celle d’une ingérence constante dans la souveraineté de notre pays et dans les prises des décisions internes) et notre désir d’exister en tant que nation libre.

Alors, oui, joli titre. Bravo sergent ! Sauf que ce ne sont pas les mille et une combines dont nous sommes les rois qui font l’objet de mon "décorticage", mais votre article lui-même.

Premières lignes : "Dans son extraordinaire Trilogie sale de La Havane, Pedro Juan Gutiérrez faisait découvrir le naufrage poétique d’un système éculé."

Ah merde ! Zoé Valdés n’est plus dans le top stars ! C’est vrai que la pauvre, elle s’est un peu cramée avec ses coups de rage, ses ratages éditoriaux, ses folies publiques. Alors on commence en citant Pedro Juan, qui vit, écrit et publie à La Havane. Animal Tropical, El Rey en La Habana, et bien d’autres de ses oeuvres, se trouvent dans toutes les librairies officielles et bibliothèques publiques de Cuba. On cite "le regard âpre et dur" d’un écrivain sur la société cubaine à partir d’une oeuvre de fiction !

Car là -bas, voyez-vous, ce bon Pedro Juan vit lui-aussi de ses combines, comme tout le monde, et plutôt bien grâce aux droits d’auteurs et à son succès intègre auquel le "dinosaure post communiste" - je cite - contribue par ailleurs. Et le tout sans être importuné, censuré ou maltraité, à ce que je sache.

Alors voici la Première vérité : Depuis quand est-ce qu’un monde décrit dans un roman est-il considéré comme une vérité en béton ? Ce n’est pas la vie qui copie la littérature mais la littérature qui s’inspire de la vie. Point. Sergent, ce n’est pas un documentaire, mais un bouquin de pure fiction et toute ressemblance avec des personnages existants ou ayant existé... tu connais la suite.

Deuxième phrase :

Passons sur le monde fait de "privations, de désespérances et de répressions" qui dans le cas des cubains (comme disait Galeano) est profondément esperanzada ! ("esperancée", chargée d’espoir, NdR)

Ensuite : "Au moment où le monde arabe s’invente un printemps de libertés, alors que depuis vingt ans tout le reste de l’Amérique est devenu démocratique, Raúl Castro autorise les pizzerias et les réparateurs de bicyclettes. "

Ah bon ? Ils ont gagné les arabes ? Un printemps avec des gay-prides et des prières dans le même quartier ? Avec les femmes au pouvoir et les hommes aux tâches ménagères ? Ca y’est, ils sont sortis des griffes des protectorats néocolonialistes et des "combines" entre politiciens et intérêts purement et simplement commerciaux ?
Quand ça ? J’ai du rater une émission de Jean-Pierre Pernaud. J’ai bien vu arriver un printemps sur le monde arabe, mais le souffle de la liberté... là , franchement, je crois que je vais plutôt attendre l’été indien... dans quelques années.

Et là , soudain, Sergent nous annonce le gros scoop : l’Amérique toute entière est devenue démocratique ! Quand est-ce qu’on commence à juger les anciens dictateurs, avant qu’ils ne nous claquent entre les doigts ? Et les escadrons de la mort ? Quelqu’un a des nouvelles des disparus ? Les mères de la Place de Mai ont-elles obtenu gain de cause ? Fais-moi rire, camarade...

Quant aux autorisations d’ouvrir des petits commerces pour résoudre un certain nombre des difficultés dans les secteurs du service aux personnes, je suis formelle : c’est n’est pas Raul, non m’sieur, qui les a "autorisés" mais des mois de débats à l’Assemblée Nationale, cher monsieur. Et il n’y a pas que les pizzerias et les réparateurs de vélos, mais aussi 147 propositions pour cette immense ouverture dans un système jusqu’ici centralisé.

Et personne n’a été contraint à l’exil, contrairement à ce que vous insinuez en référence à une dizaine d’opposants. Il aurait fallu lire les scandales qu’ils ont provoqués en Espagne, les dits "opposants", dés leur arrivée : ils avaient cru qu’ils allaient vivre de l’argent du chômeur espagnol, être accueillis en héros avec des villas toutes prêtes et des salaires de dissidents à vie... Raté !

Petite phrase chopée en passant : "Il ne fait pas bon être opposant ou homosexuel à Cuba, écrivain ou avocat."

Personnellement, Monsieur Sergent, je vous assure posséder parmi mes nombreux amis : des homosexuels écrivains et assez durs dans leurs critiques sur la société cubaine ; des avocats décomplexés et épicuriens aussi gays qu’on puisse l’être dans une phallocratie, machiste par tradition et non par décret d’état.

Monsieur Sergent, vous feuilletez de vieux journaux. A Cuba, les couples gay commencent à réclamer les mêmes droits et ont les mêmes revendications autour du mariage que dans votre (aussi vieille que vos journaux) société démocrate-chrétienne (et parfois laïque à ses heures perdues...). Cette petite révolution de la mentalité cubaine est menée par la fille de Raul Castro, Mariela Castro.

Allez donc faire en tour dans les bas-fonds prieurs de ce monde-ci, ou même pas très loin, dans les villages isolés de votre belle campagne, pour récolter l’opinion de vos chers Bidochons sur la question de l’homosexualité.

Demandez à Ena Lucia Portela, dont la plume acide et percutante a marqué toute ma génération par ses critiques sociales et la vitalité de ses opinions, si elle n’est pas l’exemple parfait de cette combinaison : homo + écrivain + un peu opposant - ou du moins râleuse comme nous le sommes tous par exigence envers un système qui nous a permis de croire que nous étions ses enfants.

Un autre question : Si le Blocus est depuis si longtemps "une mesure obsolète", est-ce que de manière primaire, scolaire et bien conne, vous ne vous êtes jamais demandé, comme le font ces 12 millions de cubains que vous prétendez tellement prendre au sérieux, pourquoi aucune administration étatsunienne n’a, depuis 50 ans, pris la peine de le lever une bonne fois pour toutes ?! Et le ponpon : le blocus servirait de justification !

La politique américaine envers CUBA "remonte à la préhistoire de la guerre froide et les sanctions commerciales devraient être levées". Oui. C’est cela. Nous y arriverons, monsieur. Lorsque ce sera fait, Cuba pourra démontrer sa capacité d’assumer seule et de façon souveraine son propre avenir, sans aucune « combine » de la part du pouvoir étasunien. Et nous savons que le blocus n’est pas la source de tous les maux de l’économie cubaine ou le seul frein aux défis de société que le pays doit affronter. Cependant, le blocus est une véritable « combine ». Une magouille qu’il faudrait pouvoir chiffrer en termes d’énergies et de forces intellectuelles dépensées, en pertes commerciales, en pertes en tous genres.

Si le communisme est une créature datant de l’ère paléolithique politique du XXème siècle, le capitalisme lui est un fossile parasitaire qui date de bien plus vieux, du commencement de l’inégalité entre humains. Aujourd’hui encore, on se bat pour le partage de la pomme sur le pommier de la Genèse, n’est-ce pas ?

Allez, luttez avec nous, les Cubains, Monsieur Sergent, pour la levée réelle du blocus. Et lorsque votre démocratie monarchisante vous entendra, et qu’elle ne fera plus la sourde oreille devant les votes à l’ONU qui demandent sa suppression (la suppression du blocus, pas du bouchon dans l’oreille), venez nous retrouver, et nous aiderons notre pays à construire un avenir plus radieux.

Yvette Guevara

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