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Chroniques depuis le trottoir d’en face

La vie en pire...

Tandis que TNS-Sofres fait un sondage crucial sur l’utilisation des petits noms par les couples français, et que le monde souffre et se décompose, moi, petite étrangère aux prétentions pompeuses d’intello du dimanche, j’ai détourne dangereusement mon intérêt de cette enquête de la plus haute importance et par la même des autres affaires capiteux du moment : le yo-yo boursier, l’imminente arrivée du bébé Elysée, l’attentat du jour, les financements occultes, la taxe sodas, la Grèce, la famille de gauche dans son combat de séduction, la Libye, la colonisation de la Palestine, et même parfois, de mes propres enfants... Sotte, je tombe dans la vacuité et je m’adonne, flâneuse et inconsciente, au plaisir de la lecture - autre que celle du Monde Diplo, du Grand Soir ou même de Paris Match...

Les livres ! L’odeur de l’encre "spécial rentrée" ! Une panacée pour des espèces menacées : les rats de bibliothèque et les profs’ de l’éducation nationale.

Septembre est là avec sa sortie littéraire. Vendange exceptionnelle de romans, d’essais et autres crus. Au total (approximatif) : 654 livres qui arrivent cette année sur les présentoirs. Un océan de choix au milieu de la gaîté estivale qui réchauffe les rues de la crise, je veux dire de la ville, dans un mois aux températures exceptionnelles. J’abandonne donc les larmes de Mlle Banon pour chercher de la joie ! Un peu. Sans tomber sur Marc Lévy ou sur des escroqueries fleur bleu pour secrétaires à mi-temps.

Chercher parmi cet éventail de titres alléchants est un véritable exploit. Mais les pauvres -on peut être pauvre et cultivé - ceux que le besoin oblige, ont le coup d’oeil. Ces redoutables de la farfouille, toujours à la recherche de la perle rare et pas chère (parfois tellement rare que personne n’oser la porter) savent comment s’y prendre face aux ruses du marketing : il faut creuser dans le tas. Tas de recalés de la mode, pour y trouver le soutien gorge de Loulou Ferrari, facilement confondu avec une double tente, ou tas de livres tout en bas des étagères pour y trouver les nouveautés des petites maisons d’éditions, les premiers romans ou les inconnus et autre perle rare (parfois tellement rare que personne n’ose la lire).

Je savoure cet instant d’exploratrice hors royaume du chômage. Je m’oblige à mesurer ma frisson devant les alléchantes propositions éditoriales car je sais, les temps sont durs... mais quand même, il fait beau ! En attendant l’hiver et les résultats des primaires, je profite du large éventail de bouquins à croustiller et des bienfaits de cette luminothérapie gratuite qui nous met du baume au coeur. Je fouine, donc.

Premiers constats : cette rentrée 2011 revient avec quelques irréductibles : Amélie et un père à tuer, aussi mauvais qu’un rêve sur commande à grand tirage, Michel Schneider « comme un ombre » dans les étals, Emmanuel Carrère avec le portrait d’un méchant rouge-brun du XXème siècle, Caroline Martinez avec un murmure moins lyrique et bien plus fade que le coeur qu’elle nous a cossu au bonheur de sa première incursion dans la terre des mots. Les attendus, après le succès : David Foenkinos, Les souvenirs, Delphine de Vigan, Rien ne s’oppose à la nuit… et une ribambelle d’autres qui mériteraient dans doute d’être cités, ou pas. Je ne pourrai pas, hélas, dédier aux méritants l’avis qu’ils méritent. Mais je vous livre une impression sincère, quoique générale, du monde de la fiction tout génie et genre confondu.

La première chose : pour le bonheur c’est loupé. Pour la joie, c’est encore pire. Le glauque est chic. Le sobre a l’odeur de la mort, de la guerre, du désastre. Les plumes grincent pour pondre une écriture rêche, âpre, aux mélodies funéraires. Des fardeaux lugubres. Nous sommes en plein dans le désenchantement. Il fait noir, maussade et décadent. Le parfum est à l’effondrement. A l’honneur : des catastrophes intimes et sociales noyées dans une mare de larmes, dignes et bien décrites parfois et d’autres sans une once de pudeur. Je m’en souviens de la phrase de Chateaubriand : « tout est usé, même le malheur ». Alors c’est du vintage de chagrin. Le misérabilisme sublimé, les traumatismes arrosés des paroles bien enlacées. Le siècle est malade, même dans ses souvenirs, dans son écriture, dans ses métaphores…

La rentrée littéraire est-elle au reflet de l’humeur de notre époque ? Sommes-nous aussi désespérés, blasés, désarçonnés et tristes ? Sommes-nous aussi moribonds, aussi persécutés ?

Je me suis sentie surtout en décalage. Suis-je désuète parce que gaie malgré ma vie sous le seuil de pauvreté ? Vis-je dans la négation, dans le déni, sans déceler autour de moi la pointe d’une détresse incurable ?

Je suis ringarde, c’est certain. Je me refuse à accepter un tel tableau. J’aime des mots et des concepts, même des sensations, que n’ont pas la cote : se battre, se réjouir, rire, arracher au quotidien un regard clément et lucide sur soi et sur les autres. J’aime le bonheur simple, invisible presque, si difficile mais si extraordinaire. Cette fonte profonde, cette niaque qui apporte parfois un frêle brin d’espoir et fait du jour un moment solidaire, une main tendue, une quête.

Nous sommes fin septembre et la feuille d’impôts nous effraie. Mais les thermomètres remontent et sous d’autres feuilles, celles des platanes, nous revoilà comme les oiseaux, de retour sous leur caca, assis aux terrasses à la recherche de ces instant simples. Quelques couches de vêtements en moins, sirotant un café hors de prix et un bouquin idem. Nous revoilà contents d’un brin de soleil et d’un peu de chaleur. Nous revoilà dans une espèce de résurrection hormonale, d’un dégel des coeurs et des décolletés qui nous transporte. Nous sommes gais et tant pis pour tout ce malheur imprimé. Merde.

Alors, avis aux lecteurs : je sais que pas mal de monde se bouscule au portillon des psys pour traiter les déprimes en tout genre. J’ignore, hélas, combien d’entre nous consultent un médecin pour se faire soigner les excès d’enthousiasme, un signe de marginalisation intellectuel de toute évidence. Par les temps qui courent, l’euphorie est plus dangereuse que les coups de cafard. Si vous êtes de ceux qui rient sans raison apparente, même quand l’histoire de votre bouquin à 25 euros est désespérante, si votre espoir est résistant aux dégâts de la crise et aux émissions de TF1 et aux cataclysmes thématiques de la rentrée, si vous avez de la bouteille, et qu’en plus elle est encore à moitié pleine, si vous croyez qu’un autre monde est possible car « nothing is impossible », vous êtes dingue ou - ce qui est pire - un illettré que n’a rien compris de la vie ni sur la rentrée littéraire. Je suis dans cette catégorie.

Yvette Guevara

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