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Cours payé cours dû

Cet argument dit tout sur l’état de notre société québécoise. Je paie donc j’ai le droit, je peux payer donc je me fous de ceux qui ne peuvent pas payer. Cette notion mercantile, typiquement nord-américaine, fait ressortir la maudite française en moi. Pourtant, après 24 ans au Québec, je me sais totalement « assimilée ». Plus québécoise que française, je n’ai jamais essayé de recréer mes habitudes du vieux continent ici et je me suis toujours gardée de tomber dans le discours du type : « En France, c’est comme ça, en France on a cela et on fait ceci… » Sous-entendu, en France on est meilleur.

Je ne reviendrai pas sur les détails de la grève étudiante qui, malheureusement, n’a pu devenir un réel mouvement social faute d’implication de la part de la société québécoise : retraités, travailleurs et syndicats n’ont pas répondu « présents ». Il y a bien sûr des exceptions ! Il n’y a pas eu de mouvement social parce que notre société n’a tout simplement pas de conscience sociale. L’individualisme l’emporte sur le collectif. Le nombrilisme y est de mise, pour preuve la demande de recours collectif contre 25 établissements d’enseignement et le Procureur général du Québec par deux étudiants.

Kim Laganière, étudiante en techniques infirmières au Collège Montmorency, et Mihai Adrian Draghici, étudiant en histoire de l’Université Laval, réclament des dommages pour avoir été empêchés de suivre leurs cours lors de la session d’hiver 2012, ce qui les a retardés dans leur cheminement scolaire et professionnel. Leur avocat, Michel Savonitto, a expliqué « Ils [mes clients] ont un contrat avec les établissements d’enseignement, et ils sont en droit de demander que les services leur soient fournis conformément au contrat ». Tout se limite donc à la notion d’utilisateur-payeur et au droit individuel de recevoir les services pour lesquels on a payé. En effet, si je paie mon fournisseur Internet, je m’attends à ce qu’il me fournisse le service pour lequel j’ai payé. Il en est de même pour mon service de transport en commun, mes repas au restaurant et, vu la pente que nous prenons au Québec, il en sera bientôt de même pour mes soins de santé.

Mais le véritable débat ne se situe pas à ce niveau, individuel. Il se situe à un niveau collectif, sociétal. Dans quelle société les Québécoises et les Québécois veulent-ils vivre ? Quelles sont leurs priorités ? Quelle société veulent-ils construire pour les futures générations ? Que veulent-ils sauver d’une civilisation occidentale en crise ? Ce n’est qu’en s’efforçant de répondre à ces questions qu’ils pourront situer la grève étudiante dans son véritable contexte.

Bien sûr, des étudiants provocateurs ont dépassé les limites. Les médias et les autorités le leur ont fait payer, cher. Les médias, au service du pouvoir, les ont pointés du doigt, stigmatisant du même coup l’ensemble de la population étudiante. Je ne reviendrai pas sur les propos de M. Martineau ou de Mme Denise Bombardier, pour ne citer qu’eux. La description par ces mêmes médias de la reprise des cours à l’Université de Montréal et à l’UQAM n’a fait qu’enfoncer le clou. A l’UQAM, j’ai assisté comme simple observatrice à une levée de cours. Un peu moins d’une dizaine d’étudiants en grève est entrée dans un amphithéâtre pour lever le cours. Immédiatement, une jeune étudiante non gréviste a déclaré : « Je ne suis pas en grève moi ». Malheureusement, les étudiants carrés rouges qui procédaient à la levée de cours n’ont pas su défendre leur position et, peut-être, faire passer des carrés verts dans leur camp. Ils n’ont su que répondre « Ce n’est pas comme ça que ça marche ».

En effet, ce n’est pas comme ça que ça marche. La grève est un droit constitutionnel. Une grève est votée par des individus dans une perspective collective. Les individus s’expriment par le biais d’un processus démocratique : le vote. C’est la voix de la majorité qui l’emporte. Une fois le décompte effectué, l’individu devient partie intégrante de la volonté collective, exprimée démocratiquement. Un recours collectif basé sur la notion de contrat contredit et met en danger les fondements mêmes de la démocratie et notamment du droit de vote et du droit de grève. La démocratie, c’est permettre aux individus de s’exprimer pour parvenir à un consensus au service de la collectivité.

Où est la maudite française dans tout ça ? Ah oui, en France, la grève est une tradition, un droit incontesté. Tout le monde sait que faire une grève c’est perturber des activités pour attirer l’attention sur un problème, une situation, des abus, une frange de la société défavorisée, etc. Sans les grèves de 1936, les droits des ouvriers n’auraient pas été reconnus… Par essence, une grève veut déranger.

Quand une grève est votée et qu’une étudiante répond aux grévistes « Je ne suis pas en grève moi », cela me donne une idée. Le quatre septembre, si le candidat élu n’est pas celui pour lequel j’aurais voté, je refuserai de le reconnaître comme premier ministre. Tiens… c’est une pratique à laquelle recourent les États policés qui ont pour nom dictature.

Claude Jacqueline Herdhuin

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COMMENTAIRES  

02/09/2012 18:15 par babelouest

En France, pour la précédente législature, j’ai sans cesse exprimé une idée première.

Ce président, qui ne s’est jamais assumé en tant que tel, qui a torpillé toutes nos valeurs, qui à la fois a montré son mépris souverain pour nos compatriotes, et sa défiance à leur égard sous forme de rideaux épais et successifs de policiers, qui a été un foudre de guerre et un piétineur de paix, qui a su allier le mépris envers les petits avec l’abaissement servile envers ceux qu’il considérait comme plus forts que lui, oui, cet homme n’a jamais été mon président.

Il a occupé le fauteuil, mais la fonction ne l’a jamais occupé.

03/09/2012 16:26 par Pierre Girard

« Les médias et les autorités le leur ont fait payer, cher. Les médias, au service du pouvoir, les ont pointés du doigt, stigmatisant du même coup l’ensemble de la population étudiante. Je ne reviendrai pas sur les propos de M. Martineau ou de Mme Denise Bombardier, pour ne citer qu’eux. »

Michel Colon, alors qu’il est venu à Montréal en début juillet comme conférencier avec Michel Chossudovsky et Gabriel Nadeau-Dubois de La Classe, dit clairement dans son allocution qu’il comprend que les médias québécois soient si retenus puisqu’il s’est fait expliquer a qui appartiennent ces médias. On parle ici de la famille Desmarais, naturellement qui possèdent sept des dix journaux francophone du Québec et qui aurait fait que Sarkozy avait été élu Président de la France selon les dires même de Sarko.

De l’article d’Andrew Gavin Marshal :

Meet Canada’s Ruling Oligarchy : Parasites-a-Plenty !
Class War and the College Crisis, Part 7

http://www.mediacoop.ca/fr/sites/mediacoop.ca/files2/mc/imagecache/thumb200/desmarais-sarkozy-photo.jpg
(...)
Quebec author Robin Philpot wrote a scathing critique of the power of the Desmarais family several years ago, suggesting that, "Over the last several years, [Paul Desmarais Sr.] has spun his web to such an extent that it now enables him to call the shots," especially in promoting his right-wing economic vision, with "a disproportionate influence on politics and the economy in Quebec and Canada." Of course, it’s not only Canadian politicians with whom Desmarais is close, but French and American politicians as well, including Sarkozy, George H.W. Bush, and Bill Clinton. Desmarais owns seven of the ten French-language newspapers in Quebec, and has been close to nearly every Quebec premier, apart from Parti Québécois leaders Jacques Parizeau and Bernard Landry. Philpot alleged that Desmarais "has a lot of influence on Premier Jean Charest," who is the current premier imposing tuition increases. When Desmarais received the French Légion d’honneur (Legion of Honour) from Nicolas Sarkozy, Jean Charest was in attendance, of which Philpot stated, "He took him along like a poodle." Philpot added, "It’s a very unhealthy situation for a government to be indebted to a businessman that has his own interest at heart. They get their hands tied." [5]

Jean-François Lisée, the director of the Center for International Studies and Research at the University of Montreal stated that, "They are in a class all by themselves… There’s the Desmaraises, then there’s everyone else." However, as one man close to the family said, in regards to their influence in politics, "We live in a village in Canada, and there are a lot of circumstances which come together which make it appear as if there’s some great manipulation… These are the coincidences of life. It might be more notorious than substantial." [6] Indeed, the elite live in "a village," and that’s the whole point, which is, I might add, "substantial."

In rural Quebec, the Desmarais family has an estate the size of Manhattan, with a private golf course and pheasant shooting range, as well as a music pavilion where opera is performed. This is the home of Paul Desmarais Sr. Guests, such as former U.S. Presidents George H.W. Bush and Bill Clinton, come play golf on this vast estate, and are flown in on helicopters belonging either to Power Corporation or Desmarais personally. As one of Canada’s richest billionaires, this is a simple matter. Power Corporation, which owns a controlling share in Power Financial Corporation, an insurance giant, has established ties with one of Belgium’s richest men, Albert Frere, with whom they have been in business for decades, and together hold significant shares of Total SA (the third largest oil company in Europe), Lafarge SA (the world’s largest cement maker), and GDF Suez SA (the world’s second largest utility company).[7]

Pour ce qui est de Denise Bombardier, il n’y a rien de surprenant dans son attitude haineuse et ciblé envers ce qu’elle est incapable de comprendre puisqu’elle a un ego gros comme la France, et qu’elle s’est assise sur ses succès passés. D’ailleurs, comme je suis un harceleur professionnel de journalistes québécois surtout, Hormis Chantal Hébert, Denise Bombardier est la seule journaliste qui, à plusieurs reprise, a essayé de se débarrassé de recevoir mes ardents courriels dénonciateurs, malheureusement pour elle, sans succès cette foi-ci.
A propos de Bombardier, lisez le blogue de Clément Laberge du 26 mai 2012 intitulé :

L’aveugle mépris de Denise Bombardier sur http://remolino.qc.ca/2012/05/26/laveugle-mepris-de-denise-bombardier/

J’invite ceux et celles qui veulent comprendre les manifs québécoises à écouter la conférence de 22 minutes de Gabriel Nadeau-Dubois, le 4 juillet dernier à Montréal. Il est admirablement simple et convainquant.

Gabriel Nadeau-Dubois : Lutte étudiante et enjeux économiques 1 de 3
Gabriel Nadeau-Dubois : Lutte étudiante et enjeux économiques 2 de 3
Gabriel Nadeau-Dubois : Lutte étudiante et enjeux économiques 3 de 3

J’envoie aux liens Youtube directement parce que les vidéos ne sont pas visible actuellement sur :
http://www.mondialisation.ca/vid-o-gabriel-nadeau-dubois-lutte-tudiante-et-enjeux-conomiques/

Ici il y a ma petite vidéo hommage de la manif du 22 août dernier :
http://www.youtube.com/watch?v=FshT4yazQk4

Pierre Girard
http://horsdutemps.info/

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