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Violence sexuelle : et maintenant ?

Je veux vivre.

Ces derniers temps, les médias sociaux et les médias traditionnels me donnent froid au dos. En fait, leur pouvoir, lorsqu’il est mal contrôlé, m’effraie. Contrôler, ne veut pas dire censurer. Rédacteurs, animateurs, journalistes, lecteurs et auditeurs, nous avons tous une responsabilité dans les dérapages médiatiques. Toute médaille a son revers et celui des médias sociaux, c’est de permettre à chacun et à chacune de laisser libre cours à sa furie. Je vais me faire haïr et je l’assume entièrement.

Mon agresseur n’est pas un porc et je ne souffre pas du syndrome de Stockholm.

J’ai immédiatement réagi de façon épidermique à la campagne « Balance ton porc ». Je n’aimais ni le nom qui lui a été donné, ni le but. Une chasse aux sorcières qui permet de mettre au banc, de régler des comptes et de « mettre à mort ». Je ne nie pas la souffrance des victimes, mais je pense que la solution n’est pas dans la mise à mort publique des agresseurs. Agresser, harceler, violer sont des actes condamnables et elles doivent être soutenues et encouragées dans leur démarche pour obtenir justice. L’être humain est capable du meilleur et du pire. Les victimes ne font pas exception à la règle.

Elles devront vivre toute leur vie avec l’acte qu’elles ont subi. Les années pourront passer, mais elles auront toujours en elles le souvenir vivace du jour où leur vie a basculé. Ce drame a été magnifiquement traité dans le film Festen de Thomas Vinterberg. Une réunion de famille pour les soixante ans du père prend une tournure inattendue. Terrible secret de famille révélé par Christian, abusé ainsi que sa sœur jumelle par son père quand ils étaient enfants. Cette dernière s’est suicidée, seule issue possible pour elle.

Écrire, c’est s’exposer. Enfant et adolescente, j’ai moi-même été victime d’agressions sexuelles. Une enfance noire, les souvenirs effraient, la vie semble interminable. La peur est omniprésente. La honte, le silence puis la fuite à l’autre bout du monde. Mais le monde ne sera jamais assez grand pour échapper à ce passé. La solution est en nous et en nous seuls (hommes et femmes abusés).

Les cauchemars, la colère, la rage et l’impuissance sont nos compagnons. Un traumatisme qui gangrène impitoyablement notre existence. L’important est de pouvoir, tout d’abord, en parler. Le silence est le plus grand obstacle à la guérison. Le briser est le premier pas vers la libération. Cela se fait souvent dans un état de crise. Un flash-back alors qu’on fait la vaisselle. La mémoire de ce corps qui fait mal. La difficulté, voire l’impossibilité, d’aller au bout de ses rêves, d’aimer et de se laisser aimer. Parler est un acte de bravoure. Malheureusement, trop souvent, l’entourage et la famille vont préférer le déni. Quand j’ai parlé, trente plus tard, on m’a dit « Nous avons le choix de te croire ou non. » On a décidé de ne pas me croire. Les séances de thérapie ont suivi, durant des années. Les lectures et les groupes de soutien m’ont ouvert les yeux. Ce n’est pas en haïssant mon agresseur que j’allais aller mieux. Bien au contraire, cela ne contribuait qu’à infecter une plaie déjà purulente. Le salut résidait dans la parole et le partage de mon expérience.

La prise de parole est indispensable, mais ne doit pas se faire n’importe comment. Et surtout pas sur des sites dans le cadre de campagne de dénonciation qui deviennent du lynchage. Elle est privée, avant de pouvoir devenir publique. Elle commence avec soi-même, elle favorise la prise de conscience de l’ampleur de ce qui est arrivé. Ce processus relève uniquement du domaine personnel. Un enfant parle à son toutou, un adulte se parle avant de pouvoir parler à quelqu’un d’autre. Après la prise de parole, la victime peut passer aux actes. Dénoncer le coupable, aller chercher de l’aide, peut-être le confronter. Accepter ce qui est arrivé et consacrer toute son énergie à prendre soin d’elle afin de se reconstruire et de se construire une vie heureuse. Chaque histoire de violence sexuelle est unique. Chaque victime est un être précieux. Un trésor qui ne demande qu’à vivre. Des décennies après l’irrémédiable, j’ai confronté mon agresseur, je lui ai offert mon pardon. Il n’a pas su l’accepter. Tant pis, je me suis libérée et là est l’important. Ce n’est pas un porc, c’est un homme, un être humain.

Pendant cette traversée qui ressemblait à une course d’obstacles, j’ai ragé, hurlé, je lui ai souhaité mille maux. Heureusement, j’ai rencontré des hommes et des femmes qui m’ont écoutée, consolée et guidée. Un jour, j’ai assisté à une formation de résolution de conflit très particulière. Plutôt que d’isoler et d’ostraciser l’agresseur, on y apprenait à l’intégrer et à l’inviter à faire partie de la solution. Une approche humaine pour la victime et l’agresseur. J’avoue avoir été dubitative au début. Cela exige d’aller contre soi pour communiquer avec l’autre, le violeur. Un geste libérateur, même si ce dernier refuse la main tendue. En considérant cet autre comme un être humain, la victime se réhumanise. Un transfert du fardeau s’opère et elle peut récupérer son énergie pour s’aimer et aimer la vie.

Je vais me faire haïr, mais ce ne sont pas les groupes féministes qui m’ont aidée, ni les campagnes de dénonciation. Ce sont les groupes de soutien animés par des pairs. Le partage basé sur des expériences communes permet d’aller au-delà d’une approche fondée sur de simples croyances. Aussi bonnes soient les intentions, il est dangereux dans ce domaine de prendre des positions pour des motifs intellectuels ou militants. La vision est forcément limitée, voire biaisée. Il manque l’amour d’autrui. L’ouverture sur une problématique qui va au-delà du porc et de la victime. Pour aider, il faut aimer. Je ne pense pas que ce soit le cas des campagnes de dénonciation dont le but est de conduire les présumés agresseurs à l’abattoir. La haine n’a jamais rien guéri. Elle ne fait que maintenir la victime dans un rôle de victime et lui refuse tout droit à la guérison. C’est comme si, tous les jours, quelqu’un venait lacérer une plaie en voie de cicatrisation. Rien n’est simple : j’ai connu une femme qui, jeune enfant, avait été agressée par sa mère et son père.

J’aime les hommes.

J’ai haï des hommes qui m’ont fait souffrir, mais j’aime les hommes.

Claude Jacqueline Herdhuin

Auteure, réalisatrice

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