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De quoi les primaires sont elles le nom ?

Brecht disait : « Puisque le peuple vote contre le Gouvernement, il faut dissoudre le peuple. »

Tel est le but caché des Primaires.

Mais, allez-vous dire, c’est exactement le contraire que proclament les initiateurs des ces primaires !

Ce serait oublier la grande leçon de ce début de siècle : dans la novlangue néolibérale actuelle, les mots veulent dire le contraire de ce qu’il sont censés signifier. Réforme veut dire régression. Courage politique veut dire lâcheté face aux lobbies du grand capital. Gouvernance (entrepreneuriale, gestionnaire et apolitique...) prend la place de gouvernement du peuple. Pédagogie nécessaire pour montrer que le peuple, ignorant et fruste, doit être éduqué par ses bons maîtres. Syndicat réformiste veut dire « jaune » comme Berger qui soutient des CONTRE-réformes. Coût du travail pour faire oublier que le travail produit et que le capital prélève. La dette (affreuse) qu’il faut rembourser s’élève à 70 milliards d’euros en 2015 et le montant de la fraude fiscale s’élève à 80 milliards d’euros* auxquels aucun gouvernement ne touchera sérieusement puisque ces gouvernements truffés de Cameron et de Cahuzac sont des gouvernements des riches par les riches et pour les riches.

Mais revenons aux Primaires.

SUFFRAGE CENSITAIRE, LE RETOUR

La première question que l’on doit se poser est qui vote aux primaires ?

L’Institut CSA nous donne la réponse (tous les sondages sont unanimes) : » Les primaires n’ont pas permis d’atténuer les discriminations à l’œuvre dans le processus électoral. La mise en correspondance des taux de participation avec les caractéristiques sociologiques atteste que la participation aux primaires est d’autant plus élevée que le niveau social est élevé. Plus il y a concentration de catégories populaires, plus le taux de participation est faible. Il y a une relation évidente entre le poids des ménages issus des catégories populaires et la non-participation aux primaires. Cela confirme l’éloignement entre le PS (pour les primaires du parti socialiste) et les catégories populaires. » Quand on sait que 64% des militants du PS sont diplômés de l’enseignement supérieur (contre 14% dans la société dans son ensemble), on comprend où est la cible du PS. Et l’on voit bien en effet que les primaires non seulement n’amènent pas les abstentionnistes ou les déçus de la politique des gouvernements, c’est-à-dire les classes populaires, à réintégrer le jeu politique mais au contraire les en éloignent de fait.

C’est là une donnée que les états-majors des partis bourgeois (LR et PS) n’ignorent pas.

Au lieu de regretter ce fait, ils en sont fort satisfaits : le peuple, les ouvriers, les couches populaires sont hors-jeu et cela est conforme aux intérêts de classe des ces mêmes états-majors et de ceux qu’ils servent.

Le bobo, en tant que concept idéologico-social, devient l’arbitre des élégances. Même si les « nuits debout » ont le mérite de fixer les mobilisations et d’ouvrir des espaces non institutionnels de discussion politique,les centres-villes de Lyon, Paris, Bordeaux, Dijon, Grenoble ou Nantes deviennent l’épicentre de la recomposition politique et les primaires en sont un moment important.

ILLUSION DÉMOCRATIQUE

Cette illusion démocratique est en fait la mise en place d’une forme nouvelle et plus sournoise de vote censitaire : seuls les plus riches, qui sont souvent, comme par hasard, ceux qui portent le plus haut capital culturel, votent. Au lendemain de la Révolution française, la bourgeoisie thermidorienne avait choisi le vote censitaire puisque seul celui qui a une propriété et des biens est « citoyen actif » : car lui seul est motivé pour défendre son bien et dispose du capital matériel et culturel suffisant pour être un citoyen éclairé. Les pauvres étaient des « citoyens passifs » sans droit de vote ? Après avoir proclamé la propriété « droit sacré » et interdit la grève, la revendication et les syndicats (Loi Le Chapelier), il était logique de ne pas donner la parole aux perturbateurs, à ceux qui ont toujours été « les classes dangereuses » pour l’ordre établi et qui furent pourtant, sous le nom de Sans-culottes, les inventeurs de la première République démocratique de notre histoire.

Aujourd’hui que le suffrage universel semble un acquis intouchable de façon formelle l’oligarchie met en place des dispositifs politiques et institutionnels visant à contourner voire à éradiquer la participation ouvrière et populaire au débat politique. L’UE en est évidemment une arme antidémocratique massive et centrale. Mais les primaires sont aussi des outils efficaces : en Italie, la trahison des chefs du PCI combinée à cette offensive bourgeoise et grâce aux primaires, la gauche, même réformiste, ont permis que la gauche disparaisse du Parlement. C’est aujourd’hui le parti unique de la bourgeoisie dirigée par Mattéo Renzi qui impose sa politique et matraque le peuple italien hébété, défait, démoralisé en mettant en place le Job Act, la version italienne (et néanmoins anglicisée...) de la circulaire européenne sur la dérégulation du marché du travail que la loi dite El Khomri traduit en français bureaucratique.

PRIMARY CLINTON !

De même il ne faut pas oublier qu’historiquement les primaires ont été inventées aux États-Unis pour justement maîtriser le peuple : en effet le Président n’est pas élu au suffrage universel mais par les « grands électeurs » élus par les primaires si bien que George W. Bush a pu être élu président alors qu’il avait obtenu moins de voix qu’Al Gore. De plus, la proportionnelle n’existe pas (sauf dans deux Etats) et le candidat arrivé en tête rafle tous les grands électeurs. Si l’on ajoute à cela le rôle de l’argent dans les campagnes électorales étasuniennes, on voit bien que le système n’a rien de démocratique : résultat le peuple, couches populaires en tête s’abstiennent, environ un citoyen sur deux déserte les urnes. Là encore le vote censitaire triomphe. Quand les citoyens ont le choix entre la droite et le droite pourquoi se dérangeraient-ils ? En outre, comme l’avait déjà montré une étude de Condorcet, les primaires anticipent et amplifient au sein de chaque camp l’effet « vote utile », les électeurs de gauche choisissant le candidat, non pas qu’ils préfèrent, mais qu’ils pensent capable de battre la droite, donc de « rassembler au centre », bref le plus social-libéral de la bande (Royal, puis DSK ou à défaut, Hollande) comme les démocrates étasuniens pourraient, bon gré mal gré, choisir Clinton, qu’ils croient plus capables de battre Trump que le « socialiste » (sic !) Bernie Sanders... Bref, bien plus « secondaires » qu’il n’y paraît ces primaires puisque dans nos « démocraties », le choix du second tour tend à éliminer celui du premier qui est encore plus « écrasé » par le processus des primaires, sans parler de la nouvelle législation qui prive les « petits candidats » de l’égalité des temps de parole avant la dernière ligne droite précédant l’élection.

Il est tout de même significatif que la droite décide de s’appeler parti Les Républicains et que nombreux sont au PS qui proposent (Valls,Macron, Mignard...) de changer le nom de leur parti en Parti Démocrate. L’américanisation va de pair avec la liquidation de la gauche et du vote populaire. Il ne manque plus « en direct », que le Super-Tuesday. Au fait, comment dit-on « Independence Day » en français ?

EXPROPRIATION DES MILITANTS, PRIME A LA DÉSORGANISATION POLITIQUE

Notons aussi combien les primaires sont insultantes pour les militants politiques.
Ceux-ci se dépensent sans compter pour leurs convictions, ils sont les meilleurs des citoyens puisqu’ils s’engagent, sacrifient beaucoup pour leurs idées, comprennent la nécessité de l’action collective, font vivre la vraie fraternité qui est celle du combat partagé et voilà que les primaires et leurs partisans – ah ! Cohn-Bendit !.... – expliquent que les militants sont des primates bons à coller des affiches mais incapables de saisir, prisonniers qu’ils sont de leurs convictions, quel est le candidat le mieux placé pour gagner et surtout, pour faire gagner des idées. Cette vision de course hippique vulgaire et stupide est en plus totalement fausse : preuve en est, les deux primaires de la gauche : la mieux placée, Ségolène Royal a perdu. Quand à Hollande il est la démonstration du caractère modérateur et « droitisant » des primaires : le bobo, ce petit-bourgeois moderne qui « Bat des mains, foule aux pieds, bâille, dit oui, dit non, N’a jamais de figure et n’a jamais de nom « (Victor Hugo), choisit ou croit choisir le plus lisse, le plus incolore et le plus dépourvu de saveur pour....gagner ! Il suit ce faisant comme un mouton... les chiens de garde médiatiques du capital qui lui désignent par avance, sondages et unes inspirées à l’appui, le « bon » candidat. Avec le résultat que nous voyons depuis quatre ans : un président qui nous amène au fascisme dur ou au fascisme mou.

Et comme par hasard, c’est au moment même où se déploie un grand mouvement ouvrier (Goodyear, Air France...), paysan, artisan (lutte contre l’uberisation néolibérale) et étudiant, porteur de démocratie réelle, que certains ténors nocturnes prônent la « non revendication », l’apolitisme organisationnel, pendant que certains « communistes » déclament contre l’organisation et contre le centralisme démocratique. Comme si les sympathiques occupations de Place ne pouvaient pas se penser comme un moyen de plus au service du combat de classe anticapitaliste, au lieu de se présenter en alternative, encensée par les médias, à cette « archaïque » lutte des classes menée à l’entreprise et dans la rue, porteuse de cahiers de revendication fédérateurs, menaçante pour la « construction » européenne capitaliste et objectivement porteuse d’un changement politique que la vraie gauche militante et communiste se doit de proposer, le peuple restant juge en dernière instance... Faut-il d’ailleurs s’étonner que Pierre Laurent, le patron à la fois du PCF muté et du Parti de la Gauche Européenne, se fasse désormais le champion de la « primaire à gauche »... histoire d’éliminer avant le 1er tour (en échange de quelques strapontins parlementaires concédés par le PS ?) toute forme de candidature susceptible de nuire au monopole présidentiel du PS ?

POLITIQUE MODERNE : RETOUR A L’ÈRE QUATERNAIRE SVP !

Bref les primaires prétendent

* donner la parole aux citoyens : faux.
* Vaincre l’abstention : faux.
* Combattre le FN : faux.

C’est une manœuvre idéologique de grande ampleur pour déposséder le peuple de sa voix et pour parachever la dissolution de la France républicaine issue de 1789 et du CNR dans l’Empire euro-atlantique. Pour renforcer la dictature médico-pédagogique. Et, en liquidant la vraie gauche, pour ouvrir un boulevard au FN.

Est-ce prendre le risque de passer soi-même pour un primaire, voire pour un primitif, que de rappeler aux militants du mouvement populaire que le véritable engagement civique a aujourd’hui pour théâtre principal les mobilisations populaires, les manifs de lutte, les grèves, le blocage des profits capitalistes, la contestation radicale de la « construction » européenne néolibérale, de l’OTAN belliciste et du capitalisme prédateur ? Comme le clame un slogan des manifestations lilloises qu’ont lancé des militants du PRCF lors des luttes de 2003, « c’est pas au patronat de faire la loi / la vraie démocratie, elle est ici ! » ?

Antoine Manessis,
secrétaire du PRCF pour www.initiative-communiste.fr

* Selon Monique Pinçon-Charlot, 280 selon Élise Lucet....

»» http://www.initiative-communiste.fr/articles/prcf/de-quoi-primaires-nom/
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