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Deux analyses chiffrées sur l’enfumage par les instituts de sondage

La première par Jean-Luc Mélenchon sur son blog.

L’autre par le NPA dans sa revue « Tout est à nous ».

LGS.

1-J-L Mélenchon.

Peut-être avez-vous entendu parler de cette solennelle remontrance du CSA aux télévisions et radios à propos de l’abus d’antenne par le PS à l’occasion de ses primaires ? La conférence de presse fut magnifique dans la mesure où le public invité, dont nous, avons eu la parole. A vrai dire c’est Lutte ouvrière qui a ouvert les interventions politiques [Note du GS. Nous ne trouvons aucun compte-rendu sur le site de Lutte ouvrière et c’est dommage] et nous à sa suite. Il faut dire que mon conseiller spécial sur les domaines institutionnels de la campagne, Eric Coquerel avait eu un rendez-vous juste après avec la commission. Avant et après, acte nous fut donné qu’en effet nous étions doublement victimes de la situation. D’abord en ayant eu un temps d’antenne spécialement bas. Et depuis le constat des abus en faveur du PS, cela continue. En effet le CSA n’a pas décidé de rattrapage pour les perdants de la période précédente. A présent donc nous restons toujours à la portion congrue. Et nous ne pouvons faire mieux que protester.

En fait, les règles garantissant le pluralisme d’opinion sur les chaînes de télévision et de radio sont très floues. La seule règle stricte est que les temps d’intervention de l’opposition parlementaire ne peuvent être inférieurs à la moitié des temps de parole cumulés du chef de l’Etat et de la majorité présidentielle. En dehors de cette règle, le CSA est chargé de garantir le pluralisme de l’expression des courants de pensée et d’opinion à la bonne franquette.

Force est de constater que depuis des mois, ce pluralisme n’est pas assuré. Le Front de Gauche est clairement victime d’un ostracisme audiovisuel. Nous l’avons établi, chiffre en mains. Mais ce n’a pas été simple. Le CSA devrait nous adresser un relevé de situation mensuel. Il ne le fait pas. Certes, le CSA publie sur son site internet l’ensemble des relevés des temps d’antennes des différentes composantes politiques. Mais aucune consolidation des données n’est effectuée. Aucune moyenne n’est calculée. Aucune synthèse n’est réalisée. La publication de ces données a donc une portée très limitée. Est-ce volontaire ?

Nous avons donc réalisé nous-mêmes le travail d’agrégation de la myriade de petits chiffres fournis par les relevés du CSA. Nos amis ont comparé les temps d’expression des trois forces de gauche représentée au Parlement pour les deux premiers trimestres de l’année 2011. Au-delà nous n’avons pas de chiffres disponibles. Donc pour faire le bilan de toute la période de la primaire : rien n’est utilisable pour mesurer nous-mêmes la situation. On en reste donc à la période immédiatement avant. Comment le temps de parole a-t-il été réparti entre le Parti Socialiste, Europe-Ecologie-Les Verts et le Front de Gauche de janvier jusqu’en juin 2011 ?

Au premier trimestre, le Front de Gauche a eu le droit à 17 heures et 35 minutes d’expression sur les chaînes de télévision et 7 heures à la radio. Cela correspond à 3,15% du temps d’antenne politique des chaînes de télévision et 2,88% pour les radios. Pas davantage. En pleine cantonale ! En comparaison, Europe-Ecologie a eu plus de 5% de temps d’antenne avec un temps global d’expression de 41 heures et 50 minutes. Le Parti Socialiste a lui disposé de près de 25% du temps d’antenne politique avec 200 heures de présence audiovisuelle. Le Parti Socialiste a donc été 8 fois plus présent dans les médias audiovisuels que le Front de Gauche au premier trimestre 2011. Ce n’est pas la proportion entre son résultat électoral et le nôtre loin de là  ! Nous faisons 10%, il fait 28 % !

Au deuxième trimestre la situation s’aggrave. Cela veut dire que l’écart se creuse. Le temps d’antenne du Front de Gauche reste stable. Pour être précis, il a même eu 5 minutes de moins. C’est le trimestre de l’investiture de notre candidat commun ! Sur la même période, Europe-Ecologie a vu son temps de parole augmenter de 25 heures et le Parti Socialiste de plus … 50 heures.

Cette répartition respecte-t-elle les rapports de force qui existent aujourd’hui au sein de la gauche ? Non. Pourtant, les résultats des élections sont certainement le meilleur moyen de connaître l’état des rapports de force politique à un « instant T ». Et précisément, si l’on fait la comparaison des temps d’antenne avec les résultats des scrutins électoraux précédents les relevés du CSA mettent en lumière de très grands déséquilibres. Voyons : lors des élections régionales de 2010, la répartition des voix de gauche s’est faite de la manière suivante : environ 55% des voix de gauche sont allés au PS, environ 30% à Europe-Ecologie et 15 % pour le Front de Gauche. La répartition du temps d’antenne entre ces trois forces au premier trimestre 2011 est, elle, vraiment très différente. Les voici, mois par mois. 75% du temps pour le PS, 15% pour Europe-Ecologie et moins de 10% pour le Front de Gauche. Puis le mois suivant, la répartition est la suivante : 55 % ; 30% ; 15%. Et enfin, le troisième mois : 75% ; 15% ; 10% ! Les différences, on le voit, sont écrasantes !

Cette même comparaison peut être effectuée pour le deuxième trimestre, en comparant cette fois ci les temps d’antenne avec les résultats des élections cantonales de mars 2011. Cette comparaison nous intéresse car elle rapproche la part que nous reconnaissent les médias et celle que nous donnent les électeurs. Une bonne mesure de ce que vaut la démocratie médiatique ! La répartition des voix à l’intérieur de la gauche aux cantonales est la suivante : PS 60% ; EELV 19 % ; FDG 21 %. La répartition du temps d’antenne en est très éloignée : PS 72 % ; EELV 20% ; Front de Gauche 8%. Au sortir des élections cantonales, le Front de Gauche devient la 2e force politique de Gauche. Il a réalisé plus de voix qu’Europe-Ecologie et pourtant il a deux fois moins de temps d’antenne que ces derniers. Le Front de Gauche a donc été privé de dizaines d’heures d’expression. Si la répartition du temps de parole avait été en adéquation avec les résultats électoraux, nous aurions dû avoir près de 60 heures supplémentaires. Le temps d’antenne du Front de Gauche a donc tout simplement été divisé par deux. La situation s’est dégradée entre les deux premiers trimestres de l’année. Elle est devenue caricaturale en juillet. 80% du temps de parole de gauche pour le Parti socialiste et seulement 2% pour le Front de Gauche. Voilà le paysage médiatique. En réalité la répartition du temps d’antenne entre forces de gauche ne reflète pas le vote des électeurs mais la répartition des opinions de gauche à l’intérieur des comités de rédaction.

Cette situation n’est que le résultat des choix politiques effectués par les chaînes de télévision et les radios. Au premier trimestre : France Inter se retrouve aux côtés de RTL et Europe 1 parmi les radios qui accordent le moins de temps d’antenne au Front de Gauche. Au second trimestre, France Inter, France Info et RTL sont les trois radios qui accordent le moins de temps au Front de Gauche. A la télévision, le service public assume un peu mieux son rôle tandis que TF1, M6 et LCI continuent d’écarter le Front de Gauche de leurs programmes.

Encore une fois j’ai pris ma plume. J’ai adressé un courrier argumenté au président du CSA, Michel Boyon, le 23 septembre dernier. Celui-ci m’a répondu assez rapidement, le 14 octobre. Pour lui, le temps d’antenne dont a bénéficié le Front de Gauche au premier semestre « constitue un volume significatif ». Comme c’est une appréciation purement subjective, que dire de plus ? Puis Michel Boyon déclare : « le traitement éditorial accordé au Front de Gauche [ne] porte [pas] atteinte aux règles fixées [par le CSA] ». Vous avez vu plus haut quelles sont ces règles très générales. Il ne ment donc pas. Il se moque seulement de nous. Puis Michel Boyon rappelle que le CSA « n’établit pas de lien automatique entre le poids électoral de chaque composante de l’opposition parlementaire et son exposition médiatique ». Nous admettons qu’il ne peut exister un tel lien automatique. Mais, tout de même, comment expliquer des écarts si importants ? Des écarts qui vont du simple au double ?

Ce mercredi 20 octobre, Eric Coquerel, mon délégué auprès du CSA pour la campagne présidentielle, rencontrait le groupe de travail pour le « pluralisme et campagnes électorales ». Hasard du calendrier, comme je l’ai dit, le CSA organisait le même jour une conférence de presse sur l’application du principe du pluralisme politique. Cette conférence de presse est une première dans l’histoire du CSA. Le Conseil a ainsi tenu à envoyer un message fort en direction des chaînes de télévision et des radios après les importants déséquilibres de temps de parole constatés. Le Front de Gauche a été explicitement cité par le CSA comme faisant partie des forces politiques qui ont le plus souffert de ces déséquilibres. Hum ! C’est mieux que ce que disait le courrier. C’est même tout autre chose ! La première bonne nouvelle est donc que le constat que nous faisons est partagé par le CSA.

Après la conférence de presse, Eric Coquerel a donc rencontré le groupe de travail sur le pluralisme. Il a montré, avec les chiffres que je viens de vous donner et que je tire de la fiche de mon équipe, l’éviction médiatique dont nous avons été victimes. Que répond le CSA ? Même s’il partage globalement notre constat, celui-ci s’avoue impuissant juridiquement. « Même s’il y a des manquements manifestes pour les temps de parole politique, il n’y aura pas de compensation automatique » nous dit Michel Boyon.

Pourtant, Michel Boyon a rappelé lors de la conférence de presse l’importance du pluralisme et la valeur constitutionnelle de ce principe. La bataille contre les déséquilibres des temps de parole n’est donc pas à prendre à la légère. Ce n’est pas une manie de râleurs jamais contents ! Nous demandons que soit respecté l’article 4 de notre Constitution. Il indique que « la loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation ». Certains pays fonctionnent sur le mode du bipartisme. Mais la France n’est pas les Etats-Unis d’Amérique, même si nombre de nos élites sont gravement infestées d’américanisme primaire. Il n’y a pas chez nous un grand parti républicain face à un grand parti démocrate. Même si le PS et l’UMP en rêvent ! Le CSA a reconnu que l’opposition ne pouvait être résumée au Parti socialiste. Il faut donc maintenant que cela se voie sur nos écrans.

"Cet été, nous avions alerté les chaînes ou les radios d’un grave déséquilibre, a rappelé Michel Boyon. Mais les dépassements ont continué. Il est donc temps de remettre les pendules à l’heure, pour le dernier trimestre, sans pour autant pratiquer du "rattrapage", comme certains l’ont annoncé." Les chaînes avaient donc été prévenues d’un risque de dérapage. Mais elles ne sont pas sanctionnées. Elles reçoivent seulement un simple avertissement. Le CSA semble se comporter comme si cette situation était un accident de parcours qui s’expliquerait seulement par l’organisation de la primaire socialiste et l’Affaire DSK. En fait le bipartisme est un confort pour les organisateurs du spectacle politique. C’est une question qui touche au modèle économique de la production de la politique dans les médias. Là aussi règne la logique du moindre coût. Deux forces coûtent moins à « couvrir » que quatre ou cinq. Cela ne devient un choix politique que par défaut. Il n’en reste pas moins que lorsque certaines chaînes résument l’opposition au Parti Socialiste et refusent de prendre en compte la deuxième force de gauche qu’est le Front de Gauche, voire lorsqu’elles lui substituent par préférence amicale les Verts-Europe-Ecologie, elles font clairement un choix politique. Elles imposent ainsi aux téléspectateurs une certaine orientation de la gauche. Celle qui s’écarte le moins du modèle dominant. Il en existe pourtant une autre et c’est aux électeurs de choisir entre les deux. Quand ils le font il n’est pas acceptable que les chaînes de télévision le nient.

Et maintenant un coup de bâton pour les sondages. Là encore on connaît la puissance d’injonction normative de ces productions. Elles façonnent l’opinion, nul ne peut le nier. C’est pourquoi il est important à chaque étape d’en désinfecter l’esprit public. Et d’abord de nos propres amis et même des ennemis intimes qui en font des arguments de raisonnements. Les sondages ne sont pas une science mais une affabulation à vocation auto-réalisatrice. Cela vient encore une fois d’être prouvé à l’occasion des primaires socialistes. L’amusant de l’affaire est que les sondeurs prétendent cette fois ci « ne pas s’être trompés ». Un comble. Selon les directeurs des instituts de sondage, il serait « malhonnête intellectuellement » de dénoncer une fois de plus leur activités. Brice Teinturier dirigeant d’« Ipsos » va plus loin. Invité lundi matin 10 octobre de Patrick Cohen sur « France Inter » il nous fait la leçon avec une bonhommie tranquille qui est l’élégance de ceux qui se sentent inexpugnables : « C’est un reflexe pavlovien, de dire que les sondages se trompent. Les sondages ont bien fonctionné. Dieu sait si nous avons été prudents. Les enquêtes ont dit que les deux qualifiés seraient Hollande et Aubry. Et que l’écart serait fort. L’écart entre Hollande et Aubry n’est pas serré. La montée en puissance de Montebourg a été pointée. La seule petite correction, c’est l’effondrement de Royal que nous n’avons pas mesuré. ». Ce que Dieu sait selon Brice Teinturier, nous n’avons pas le moyen de le savoir car nous avons vu tout autre chose. Amis pavloviens, bonjour !

Les chiffres des sondages concernant les positions respectives des candidats tout au long de cette campagne interne du PS ne sont pas vraiment réalisés le jour du vote. Certes Hollande a toujours été donné favori. D’ailleurs ça l’a bien aidé à l’être ! Après l’évaporation de DSK, le miracle sondagier qui lui a permis d’endosser au mois de mai, en cinq petits jours, la position de favori, n’a pas été démenti. Mais, par contre, l’écart annoncé entre Hollande et Aubry a très largement fluctué. Selon les instituts, selon les périodes, selon les échantillons, selon que l’on a testé "les sympathisants de gauche" ou "les certains d’y aller", l’écart en faveur de Hollande avec Aubry va de +7% à +25% . Ces écarts ont été mesurés entre le 18 septembre et le 6 octobre 2011. Pour BVA le 18 septembre, c’est Hollande à 44%, Aubry à 28%. Pour CSA deux jours plus tard, c’est Hollande à 34%, Aubry à 27%. Pour l’Ifop le 30 septembre, Hollande 51%, Aubry 26%. Pour Opinion Way le 6 octobre, Hollande 49%, Aubry 24%. Pour Harris interactive, Hollande 50%, Aubry 28%. Certains sondeurs ont donc vu Hollande désigné candidat socialiste dès le premier tour ! Le résultat final donne Hollande 39%, Aubry 31%. Les faits s’avèrent donc plus prêts de Pavlov que de Dieu.

Prenons maintenant le cas de Montebourg. Ca nous concerne. Il termine à 17%. Qui l’a annoncé ? Personne. Les entreprises sondagières ont-elles noté son ascension fulgurante ? Non. Pas du tout. Montebourg a été « vu » chez « les sympathisants socialistes » à 5% par l’Ifop le 30 septembre, à 7% par Opinion Way le 6 octobre, et à 8% par Harris Interactive le 6 octobre. Le score de 17% n’a donc été « vu » par aucune officine. Les sondeurs se défendent en disant qu’ils avaient noté la possibilité pour Montebourg de dépasser Royal dans les derniers jours de la campagne. Brillant subterfuge ! Car ce n’est pas le sujet ! La question est celle du niveau auquel ils ont déclaré trouver son score. Car si avait été annoncé le bon niveau et la vraie percée, un nombre plus important de gens aurait alors décidé de l’aider par leur vote. Au contraire, pensant « voter utile à gauche », nombre ont préféré voter Aubry. De sorte qu’eut lieu un second tour dans lequel ne se reconnaissait plus autant la mouvance de gauche du PS qui s’est alors abstenue. Et au même moment se mobilisaient au contraire, pour les mêmes raisons de « vote utile » de nouveaux électeurs pour Hollande. Tout ceci n’est pas du tout un jeu sans conséquences dont les électeurs seraient pour finir les seuls juges. C’est au contraire une composante essentielle des événements. De tout cela tirons une leçon. Les sondeurs ne donnent pas des gagnants certains mais ils fabriquent des perdants probables. Et cela de la façon la plus simple qui soit : ils orientent vers un « vote utile », réflexe pavlovien s’il en est un puisqu’il est dénué de toute conviction construite. Il est totalement aveugle sur toute réalité politique autre que la logique du PMU : il faut jouer gagnant ou placé !

Pour finir de dire les faits, voyons à présent les prévisions sur la participation aux primaires. Encore une fois, nous, les pavloviens, nous découvrons un plantage de belle ampleur. Car beaucoup de chiffres annonçaient une participation record. Un sondage « Ifop » pour le « JDD » du 11 septembre avançait que « 23% des français » iront voter « certainement » ou « probablement » à la primaire PS. L’échantillon sondé était de 967 personnes, âgées de 18 ans et plus, choisies selon la méthode des quotas. « 23% des français » en âge de voter, cela fait 10 millions de français. Un sondage « Ipsos-Logica Business Consulting pour Le Monde-France Inter-France Info-France 2-France 3 », réalisé par téléphone du 16 au 22 août auprès de 3.677 personnes constituant un échantillon représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, donnait lui près de 4 millions de personnes « susceptibles » de se déplacer. Pendant que les sondages annonçaient des chiffres compris entre 4 et 10 millions de personnes, le PS affirmait qu’au-delà du million ce serait un succès. Au final 2,66 millions de personnes se sont déplacées au premier tour et 2 ,86 millions au second tour. Cela représente 6,5% des français inscrits sur les listes électorales. Le record est de 14% dans le seul cas de Paris. Où sont passés les 23 % annoncés ?
« Les Français préfèrent… », « les Français se déplaceront pour voter… », « les Français pensent… », « les Français veulent… », etc. Mais combien sont-ils ces Français dont l’opinion permet de donner des résultats qui font ensuite la une des journaux ? Denis Pingaud, vice-président d’« Opinion Way », est catégorique : « Les instituts interrogent plusieurs milliers de personnes et selon les cas travaillent sur des populations de 800 à 1300 sympathisants de gauche ». L’Observatoire des sondages donne d’autres renseignements. Les effectifs des personnes sondées ont été particulièrement faibles pour la « primaire 2012 » du PS. L’Observatoire des sondages note que plusieurs instituts (Ipsos, CSA, Harris et Ifop dans certains cas) ne révèlent pas le nombre des « sympathisants socialistes » dans les panels interrogés. Quand ils existent, les chiffrent oscillent entre 200 et 800 « sympathisants socialistes » interrogés. Pareil pour le panel des sondés « certains d’aller voter » au premier tour. Un sondage « Ipsos » du 29 septembre pour « Le Monde » a réussi à en dénicher 574. Mais le sondage « Opinion Way » du 6 octobre pour « Le Figaro » n’en trouve que 293 qui répondent. C’est bien maigre. La motivation manquait pour répondre ? En tous cas voici le type de proposition que les sondeurs font pour attirer les sondés : « En répondant à cette étude vous pouvez soit recevoir 20 Maximiles qui seront ajoutés à votre compte d’ici deux semaines, soit choisir l’une de nos trois associations partenaires à laquelle nous versons 1,50 euro ». Quelles dépenses ! Mais n’ayons pas de soucis pour l’équilibre budgétaire des entreprises de sondages. La « primaire 2012 » du PS leur a permis de bien travailler. Depuis le 22 août jusqu’au 6 octobre, trois jours avant le vote du premier tour, on ne dénombre pas moins de treize sondages. Pendant les quinze derniers jours précédant le vote, on compte un sondage publié tous les deux jours. Tous les instituts ont reçu des commandes : « Opinion way », « Harris interactive », « Ifop », « Ipsos », « CSA », « BVA », « Via Voice ». Quand on connaît le coût facturé par ces instituts, 1000 euros pour une seule question « omnibus », des dizaines de milliers d’euros pour des études « qualitatives », cela fait beaucoup d’argent déboursé par les médias qui les publient. Mais ça fait quand même bien moins que s’il avait fallu consacrer le même temps d’antenne à des reportages ou des créations ! Bref une bonne affaire pour le business en général.

Jean-Luc Mélenchon.

http://www.jean-luc-melenchon.fr/2011/10/21/antenne-et-consort/


2- Le NPA.

SONDAGES : QUE DISENT-ILS VRAIMENT ?

Publié dans : Revue Tout est à nous ! 22 (juin 2011)

Cote de popularité, intentions de vote, les résultats de différents sondages tombent régulièrement et cela s’accélère en période pré-électorale. Faut-il les croire ? Encore faut-il faire la différence entre sondages électoraux et enquêtes d’opinion et prendre en compte la marge d’erreur liée à l’exercice. Mais dans tous les cas, les sondages ne sauraient être une boussole pour définir une orientation politique.

En 1995, six mois avant le scrutin présidentiel, les sondages ne donnaient pas cher de la peau de Jacques Chirac. Il fut pourtant élu, et à la fin de son septennat, en 2002, rares étaient les commentateurs à avoir envisagé (dans la semaine précédant le 21 avril) le scénario d’un Le Pen qualifié pour le second tour.

Depuis maintenant plusieurs mois, pas une semaine ne passe sans qu’un ou plusieurs sondages soient publiés concernant le scrutin de 2012. Quel crédit apporter à ces enquêtes ? Comment s’y retrouver ?

Retour sur les scrutins de 1995 et 2002

En 1995, après une course en tête de plusieurs mois dans les sondages, Balladur cède du terrain et laisse la place à Chirac, qui devance également Jospin désigné sur le tard candidat d’un PS en crise. A la surprise générale Jospin arrive pourtant en tête au soir du 1er tour.

Les tableaux suivants présentent les valeurs extrêmes des résultats des derniers sondages publiés par les différents instituts.

En 2002, Jospin mène la course dans les sondages pendant un bon moment avant de se retrouver éliminé dés le 1er tour.

Une fois les résultats définitifs connus, la plupart des commentateurs se sont indignés des erreurs des instituts de sondages. Dans les deux cas, les sondages ne dataient que de quelques jours précédant le scrutin. Les instituts de sondage eux-mêmes ne se sont pas défendus.

Il leur était pourtant facile d’expliquer que l’extrapolation à l’ensemble du corps électoral des réponses fournies par un échantillon de 1 000 personnes comportant mathématiquement une marge d’erreur de plus ou moins trois points de pourcentage, on constate que le score final est inclus dans la fourchette pour presque tous les sondages (à l’exception notable des prévisions les plus basses concernant Le Pen).

Avec une telle lecture scientifiquement juste des derniers sondages, le scénario de Le Pen au second tour devenait parfaitement envisageable.

Et 2009

De la même manière, à une échelle plus modeste (celle du NPA), les instituts de sondages nous ont crédités pour les élections européennes d’un potentiel plus élevé que le résultat final. Nombre de commentateurs ont parlé de notre effondrement et cela a alimenté quelques polémiques internes. Le graphique ci-contre, en présentant les marges d’erreur, relativise cet « effondrement », surtout si l’on a en tête que plusieurs mois avant le scrutin, il ne s’agit pas de sondages électoraux, mais de sondages d’opinion. La règle des 3 % en ce qui concerne le résultat électoral n’a donc de sens qu’à un moment très rapproché du scrutin.

Questions de méthode...

Les bases mathématiques des études d’opinion reposent sur une loi statistique bien établie depuis 300 ans, « la loi des grands nombres ». Chacun peut la vérifier avec une pièce de monnaie et beaucoup de patience. Cette loi dit en gros que, s’il est impossible de prédire sur quelle face une pièce lancée en l’air va retomber, on peut cependant prédire qu’il y aura à long terme à peu près autant de « face » que de « pile ». Le pourcentage de « pile » s’approche donc de 50% avec une marge d’erreur qui diminue avec le nombre n de lancers et qui tombe à +/-3 points de pourcentage (47 % - 53 %) au bout de 1 000 essais (l’erreur suit une loi en 1/√n).

Dans le cas d’un sondage, ce n’est pas l’opinion qui est tirée au hasard, mais l’individu interrogé. C’est ce qui permet aux sondages de sortie des urnes de prévoir le résultat avant la fin du vote.

Les résultats d’un sondage peuvent donc être fiables (à la marge d’erreur près) à condition de prendre suffisamment de précautions pour que la situation étudiée se rapproche du cas idéal de la pièce de monnaie.
Les instituts de sondage précisent maintenant la taille de leur échantillon (souvent autour de 1 000 personnes) et la manière de le constituer (en général par la méthode des quotas, qui sélectionne un échantillon ayant les mêmes caractéristiques que la population totale suivant certains critères comme le sexe, l’âge, la profession du chef de famille, l’origine par région et catégorie d’agglomération). Ils fournissent également un tableau donnant la fourchette prenant en compte la marge d’erreur.

En cherchant à fournir à bon marché de la matière aux commentateurs, certains instituts qui prétendent à la rigueur scientifique n’hésitent pas à présenter des chiffres vides de sens.

Par exemple, pour donner les intentions de vote des électeurs de Besancenot, l’institut extrait d’un échantillon de 1 000 personnes l’ensemble des électeurs de Besancenot de 2007 (une quarantaine ?) et étudie la répartition de leurs intentions de vote en 2012. La taille de l’échantillon devient du coup tellement faible que les résultats sont entachés d’une marge d’erreur considérable (+/- 20 points de pourcentage !) que l’étude ne précise pas.

Certaines études « politiques » comportent des formulations plutôt floues, interrogeant les sondéEs sur « la cote d’avenir » ou « la cote de confiance » de telle personnalité politique, avec à la clé un commentaire du genre « Cécile Holut écrase Nicolas Dofflut ». Ce type de formulation ne renvoie à aucune opinion pré-existante chez les sondéEs, si bien que l’on créé l’opinion en même temps que l’on prétend la mesurer. Il s’agit d’une source d’incertitude (involontaire ?) supplémentaire.

Un autre problème vient de la répugnance de certains sondéEs à admettre de quel côté de la pièce ils vont tomber. Du coup, pour éviter les erreurs, comme la relative sous-estimation du score de Le Pen en 2002, les sondeurs tentent de corriger ce biais en pratiquant des « redressements » en fonction de résultats antérieurs. Ces corrections sont des choix empiriques parfois motivés par des considérations politiques mais sans base scientifique. Ils ont abouti par exemple à une sur-estimation des intentions de vote en faveur de Le Pen en 2007.

Aucun institut ne dévoile les redressements qu’il opère ni les raisons qui les motivent, ce qui ouvre la porte à toutes les manipulations. Il faut noter que les différents instituts montent actuellement au créneau pour protester contre le projet législatif de rendre obligatoire la publication des données brutes avant redressement.

Pour toutes ces raisons, il serait plus honnête que les résultats soient publiés en donnant au moins des intervalles (tel candidat est crédité de telle fourchette) et en faisant une distinction nette entre sondage d’opinion et sondage électoral !

Qui sont les instituts de sondage ?

Historiquement, ils sont apparus dans la première moitié du xxe siècle aux États-Unis, essentiellement utilisés à l’époque pour savoir si les produits fabriqués répondaient aux attentes des consommateurs. En France, le premier sondage électoral prévoit la mise en ballotage inattendue de De Gaulle lors de l’élection présidentielle de 1965. Ce premier succès a mis sur orbite les sondages politiques.
Les instituts de sondage sont en général détenus par de grands groupes financiers ou publicitaires ; ainsi l’Ifop, qui a été dirigé par Laurence Parisot, intervient dans des domaines aussi variés que « l’opinion et les stratégies d’entreprise, la grande consommation, les services, les médias et le numérique, la santé, le luxe » et opère dans une cinquantaine de pays à travers le monde. De la même manière, la Sofres intervient dans des champs multiples (comportements des consommateurs, stratégies et choix industriels...). Les sondages politiques ne représentent qu’une part limitée de leur activité. En sens inverse, des hommes d’affaires proches des dirigeants politiques investissent dans les instituts de sondage : ainsi Vincent Bolloré, ami notoire de Nicolas Sarkozy, détient-il le capital de l’institut CSA-TMO. Certains dirigeants d’institut de sondage ont des parcours politiques éclairants (OpinionWay a été créé par un ancien chargé de mission au cabinet de Gérard Longuet).

Ces grands groupes connaissent aussi des restructurations, fusions et plans sociaux… Le groupe WPP, dont le siège social est à Jersey et qui est coté à la Bourse de Londres, a racheté TNS Sofres en 2008. TNS Sofres et Research International ont depuis fusionné pour devenir numéro 1 dans les études. Ce qui n’a pas empêché la Sofres de supprimer 59 postes sur les 600 de son siège à Montrouge (Hauts-de-Seine).

La formule de Pierre Weill, président directeur général de Sofres France : « Le terme institut est devenu obsolète pour caractériser ce métier, il en rappelle les origines, avec un côté universitaire et sociologique, alors que la réalité actuelle est celle des entreprises et du business » est vraiment pertinente !
Une utilisation politique militante est-elle possible et souhaitable ?
Cette question peut paraître saugrenue quand on milite dans un parti dont le porte-parole se retire de la compétition alors qu’il était crédité d’un score flatteur dans les différentes enquêtes concernant la présidentielle de 2012 (entre 4 et 9 %). C’est peut-être là aussi ce qui nous distingue de beaucoup d’autres partis. Nous n’avons pas les yeux braqués sur les sondages, les cotes de popularité, les indices de confiance ou autres cotes d’avenir pour opérer des choix politiques. La plupart des partis font réaliser des études qui sont rarement publiées. Ainsi dans une ville de la région parisienne, le PCF, inquiet à la suite de la décision du PS de présenter sa propre liste aux dernières municipales avait commandé un sondage sur les intentions de vote dans cette configuration inédite dans cette commune. Beaucoup d’argent a été dépensé pour confirmer ce que notre présence régulière sur le terrain nous avait permis de percevoir : l’opération du PS ne prenait pas trop.
Il y a bien sûr une réserve à avoir sur la manière peu scientifique dont les résultats sont publiés. Il y a aussi un aspect très réducteur des questionnements qui laisse peu de place au débat et à la nuance.

Mais dans certains cas, les sondages peuvent confirmer des tendances que nous pouvons ressentir comme militantEs sur le terrain. Ainsi avions-nous vu venir la remontée du FN et de Marine Le Pen ces derniers temps tout en sous-estimant peut-être son ampleur. Nous aurions eu tort de hurler à la manipulation médiatique des instituts de sondage comme cela a été fait par certains à gauche. D’ailleurs le résultat des élections cantonales est venu confirmer cette tendance qui pour détestable qu’elle soit, ne nous surprend pas dans une contexte de crise et de recul de la conscience de classe. Que les instituts de sondage soient liés aux grands groupes est une certitude, cela ne veut pas dire qu’ils ne racontent que des bêtises.

Depuis des mois, des sondages sortent toutes les semaines sur l’élection présidentielle de 2012.

Beaucoup d’encre a coulé, beaucoup de discussions animées sur le (ou la) meilleurE candidatE du PS et dans une moindre mesure le (ou la) meilleurE candidatE à gauche du PS. DSK éliminé, de nouvelles enquêtes sont immédiatement publiées pour « mesurer l’effet sur l’opinion » et ce qui va « bouleverser » selon certains le paysage politique. A onze mois du scrutin, cela a t-il un sens ? A une échelle beaucoup plus modeste, la non-candidature d’Olivier Besancenot est étudiée au millimètre par certains pour savoir si Mélenchon va en profiter et alors même que le NPA n’a pas encore désigné de candidatE. Des commentateurs indiquent (sondage à l’appui) que sans Olivier Besancenot, c’est difficile pour le NPA (comme s’il y avait besoin de sondages pour faire ce constat !). Les instituts et médias se réjouissent, ils peuvent vendre et la politique à ce niveau devient de plus en plus une marchandise. Il est de la responsabilité des militantes et des militants de ne pas tomber dans ce panneau, d’être très circonspects sur la lecture et l’interprétation des sondages et en tout cas de ne pas en faire un outil pour opérer des choix politiques.

Didier Duffaud, Hugo Harari-Kermadec, Bernard Galin

http://www.npa2009.org/category/tout-est-%C3%A0-nous/revue/revue-tout-...

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