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Don de Bernard Arnault : Merci no’t Maî’t vous êtes trop bon...

Nous devrions être fiers. Nous français, nous avons l’homme le plus riche du monde en la personne de Bernard Arnault. C’est ce que nous racontent les gazettes qui pensent amuser le bon peuple en relayant avec gourmandise les classements de la presse spécialisée américaine. Vous n’entendrez jamais quiconque le qualifier « d’oligarque », vilaine expression réservée à la Russie et à l’Ukraine. Pas de ça chez nous ! En France ce sont des « capitaines d’industrie », et même un ruffian du calibre de Bernard Tapie n’a jamais subi cette insulte. Comme les autres oligarques, ses confrères qui dominent l’économie française, sa fortune est le fruit du fonctionnement du capitalisme français d’aujourd’hui, complaisance de l’État et de la haute fonction publique. De ce point de vue, la trajectoire de Bernard Arnault est une caricature. C’est Laurent Fabius alors premier ministre qui lui a donné le premier coup de pouce (il n’a pas eu affaire à un ingrat), et la suite n’a été que la mise en œuvre d’une stratégie financière de prédation soutenue par l’État et par les banques. Bernard Arnault n’a rien créé, il a tout acheté à crédit. Et bénéficié quand c’était nécessaire de subventions publiques généreuses assorties d’engagements qu’il n’a jamais tenus. Un petit tour sur Internet permet de visualiser cette trajectoire Ce système de connivence endogamique qui projette des semi-gangsters au plus haut niveau de la fortune et de l’influence politique est assez caractéristique du néolibéralisme à la française.

Il n’y a pas qu’en Russie qu’il y a des oligarques

Néolibéralisme. Le mot est lâché, sorte de chiffon rouge pour la droite parce qu’il comporte le mot « libéral ». Et le libéralisme, depuis John Locke, on sait que c’est la liberté et depuis Hanna Arendt, le contraire du totalitarisme. La gauche, tout occupée à ses luttes intersectionnelles, à faire la promotion du genre et à lutter contre la transphobie, se désintéresse de ce néolibéralisme, formidable système de domination et d’exploitation, outil principal de la globalisation comme forme moderne de la domination occidentale.

La polémique du don offert par le multimilliardaire aux Restos du cœur, évidemment à grands sons de trompe, a ceci d’intéressant qu’elle raconte d’abord le goût du système médiatique pour les diversions. Mais à la différence des précédentes qui ont émaillé l’été – Michel Sardou, Médine, l’abaya, etc. – celle-ci qui oppose médiatiquement ceux qui en tiennent pour les gentils riches, et ceux qui vilipendent les méchants riches, révèle quand même cette crise qui travaille le capitalisme néolibéral en tant que système.

Pour la commodité du propos, on se permettra d’en proposer modestement une petite description. Le néolibéralisme c’est d’abord la monopolisation de la propriété des moyens de production, d’échange et de communication. Avec une concentration sans précédent de la richesse du patrimoine social, du capital d’une oligarchie financière mondialisée, qui voit l’intégration de tous les secteurs industriels, commerciaux, bancaires et financiers en une seule et même économie politique globale où les capitaux s’exportent et s’échangent tout autant que les marchandises. Ce système de production produit à son sommet une hyper classe toujours plus riche et à sa base, dans les pays développés, désindustrialisation, tertiarisation d’emplois devenant chaque jour de plus en plus précaires et parasitaires. Ceci peut être considéré comme schématique voire caricatural, mais la personnalité et la trajectoire de Bernard Arnault en fournit une belle illustration. Dans le contexte de ce capitalisme français de connivence entre le secteur privé et la sphère publique, avec sa haute fonction publique pantoufleuse est désormais largement corrompue, il a donc bénéficié de l’appui initial de socialistes, jamais en retard d’une trahison, pour lancer le processus qui l’amènera à la constitution de la première fortune mondiale. Celle-ci est estimée à environ 240 milliards de dollars.

Sur le plan politique, Bernard Arnault est un faiseur de roi, son influence est considérable. Elle lui permettra de profiter de l’appui des dirigeants qu’il a aidés, et au passage de la mansuétude des services fiscaux dans ses montages « d’optimisation » parfois acrobatiques.

Le problème est que ce système qui enrichit vertigineusement le sommet porte en lui l’appauvrissement de la base. Le propos n’est évidemment pas de prétendre que les pauvres seraient moins pauvres si Bernard Arnault était un peu moins riche, mais de regarder en face une organisation économique qui a ses propres dynamiques, ses contradictions et ses crises, et qui produit incontestablement de la pauvreté.

Réel contre polémiques débiles

Alors de temps en temps, lorsque se dissipe le brouillard des polémiques débiles dans lequel notre pays adore actuellement se vautrer, le réel vient frapper à la porte. L’affrontement militaire entre la Russie et l’Amérique ; le déclin rapide de l’Occident ; la dynamique des BRICS ; l’Afrique dont la France est en train d’être chassée ; la crise de l’énergie dans l’UE ; le problème migratoire, etc. : pour le système médiatique, toutes ces choses n’ont pas beaucoup d’importance. Les médias français préfèrent gloser sur l’invitation du rappeur Médine par les Verts, ça c’est intéressant. Mais voilà qu’un lanceur d’alerte, en la personne du directeur des Restos du cœur, vient annoncer sur les plateaux que faute de moyens, il allait devoir fermer. Puis c’est au tour de la Croix-Rouge française et du Secours populaire de nous dire la même chose. Et enfin des spécialistes de la consommation appellent l’attention sur la baisse drastique des achats des ménages sur les produits de première nécessité à cause de l’inflation.

Aïe, est-ce que l’impuissance économique, politique, stratégique d’Emmanuel Macron, et les mensonges de Bruno Le Maire vont enfin provoquer la réaction d’un peuple désespérément passif ? Est-ce que les médias du système vont enfin parler d’autre chose que de l’abbaya ou des échanges d’e-mails entre Michel Sardou et Juliette Armanet ? Vite vite, une diversion ! Parce que si le principal outil de la charité people disparaît, voilà qui pourrait faciliter les prises de conscience. Bernard Arnault a gambergé et il a eu une idée lumineuse : « Je suis l’homme le plus riche du monde. Je ne le suis que grâce à un système qui fait que beaucoup d’autres, énormément d’autres, sont pauvres. Au point que certains n’ont même plus les moyens de s’acheter à manger et doivent s’en remettre à la charité pour ne pas mourir de faim. Mais même cette charité n’a plus les moyens, elle doit fermer. Alors n’écoutant que mon bon cœur j’envoie à toutes les rédactions un communiqué de presse pour bien annoncer à la France entière à quel point je suis généreux, en donnant l’équivalent d’une heure des revenus de mon capital. Et pour faire bon poids, on va organiser une cérémonie de remise du chèque devant les caméras dans un de ces Restos du cœur. On y verra mon fils, accompagné de cette pauvre Aurore Bergé, à qui on a fini par donner un maroquin pour éviter qu’elle ne sanglote devant les caméras. Comme ça les pauvres seront soulagés. Ils ne pourront pas se chauffer cet hiver mais ils pourront aller dîner aux restos du cœur avec les enfants ».

Au XIXe siècle, pour la bourgeoisie triomphante qui s’ébattait « dans les eaux glacées du calcul égoïste », il fallait donner le change par rapport à la férocité de l’exploitation nécessaire à l’accouchement de la société industrielle. C’étaient en général les épouses des nouveaux seigneurs, les « Dames du Capital » qui tricotaient gants et écharpes pour les enfants que leurs maris envoyaient au fond de la mine. Organisant ainsi un peu de charité pingre au nom d’une fausse morale chrétienne, pendant que leurs maris se battaient bec et ongles contre les revendications de ces ouvriers qui avaient l’outrecuidance de vouloir sortir de la misère.

Bernard Arnault s’est inscrit exactement dans la même logique mais a veillé à inscrire son initiative dans la société du spectacle. On aurait pu imaginer que l’obscénité de la séquence aurait sauté aux yeux, en particulier la publicité qu’il a voulu donner à son geste. Pas du tout : enfermé dans les mâchoires du piège à con, chacun s’est conformé au rôle qui lui est assigné dans ce jeu médiatique délétère. À droite, avec le slogan « les riches sont gentils » on a salué la grandeur d’âme du « grand industriel ». En dénonçant la mesquinerie du camp d’en face incapable de la mesurer, et en faisant fi de l’importance d’un cadeau qui allait permettre de donner à manger à des milliers de pauvres. À gauche, ou à ce qui en tient lieu, ce sera « les riches sont méchants ». Alors a vitupéré l’oligarque, en se gardant de souligner que la richesse de Bernard Arnault et les difficultés du peuple d’en bas étaient en fait les deux faces de la même pièce, du même système. Parce que ça les obligerait à vouloir vraiment le mettre en cause, en devenant sérieux et en renonçant aux pantalonnades. Rappelons qu’ils ont voté au Parlement européen le texte de Thierry Breton qui interdit d’appeler à la révolte. Ce qui en dit long sur les rodomontades de Jean-Luc Mélenchon.

Ne nous trompons pas, la charité est quelque chose de tout à fait honorable dès lors qu’elle est le fruit de l’expression de la solidarité humaine. Et non pas, comme en la circonstance, celui d’un calcul politique cynique, dont la publicité qui lui a été donnée est la preuve.

Et pour terminer, donnons la parole à un spécialiste reconnu de ce domaine : « la vraie charité ne consiste pas à pleurer ou simplement à donner, mais à agir contre l’injustice » (Abbé Pierre).

 https://www.vududroit.com/2023/09/don-de-bernard-arnault-merci-not-mait-vous-etes-trop-bon/
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COMMENTAIRES  

10/09/2023 11:05 par Xiao Pignouf

Rappelons qu’ils ont voté au Parlement européen le texte de Thierry Breton qui interdit d’appeler à la révolte.

Il s’agit du Digital Services Act, voté par le PE en octobre 2022, visant à un plus grand contrôle des GAFAM. Dans le détail, je n’ai pas lu le contenu du texte sur la fermeture des réseaux sociaux en cas d’appel à la révolte et je n’ai pas trouvé non plus la liste des votes.

Mélenchon est constamment la cible de Castelnau qui préfère Michel Onfray pour qui MLP n’est pas d’extrême-droite.

C’est tout de même rigolo de voir que des gens qui, comme Castelnau, s’indignent d’une loi réprimant les appels à la révolte mais qui condamnent les émeutiers de juillet et la FI pour les avoir défendus en les accusant d’être des pyromanes...

Pour Castenau comme pour Onfray, le droit à la révolte n’est certainement réservé qu’aux bons Français de souche...

Deux beaux spécimens de contorsionnistes.

10/09/2023 14:13 par François Jacques

JLM, combien de divisions aujourd’hui ? Qui viendra encore défendre une image hologramme qui a fait long feu et pétard mouillé ?

11/09/2023 12:20 par françois gerard

J’aime bien régis de Castelnau, je regarde parfois ses vidéos sur you tube avec Hervé Carresse.Même s’il serait plutôt classé à "droite" aujourd’hui, on sent le reste de culture marxiste qu’il avait au temps ou il était sympathisant communiste et avocat de Georges Marchais.

11/09/2023 16:25 par Danael

Je reconnais cette colère de Régis de Castelnau qui est celle aussi de beaucoup de Français mais j’apporterai quelques ajustements cependant.
Il y de Il y a certes des critiques à faire sur cette gauche composée d’électrons libres et disparates comme on peut le constater malheureusement, offrant un triste spectacle d’incohérence par ailleurs face à l’urgence de la situation sociale, politique et économique du pays ainsi que sur le plan géopolitique. Courir au moindre appel de Macron pour parfaire son image de responsables politiques n’est justement pas raisonnable. Macron qui n’a rien proposé comme il fallait s’y attendre d’un défenseur du système mais il est ressorti de cette consultation comme le démocrate sans reproche.
De même j’interroge la position de l’organisation des restos du cœur qui a fait appel à des capitalistes, responsables de toute cette misère, pour faire la charité et permettre leur trompette de bienfaiteurs, sans plus de critique. Alors mettre ce triste spectacle politique sur le dos encore une fois de JLM, , me paraît partir d’un point de vue très biaisé et étroit de la part de Régis de Castelnau qui par ailleurs souligne que nous avons affaire à une France intégrée dans un système néolibéral mondialisé ce qui fait qu’une sortie de l’UE pourtant nécessaire ne sera pas suffisante de mon point de vue, si on reste sur cette solution magique sans s’assurer que les travailleurs dirigent politiquement cette lutte contre le système, visant des victoires stratégiques . Bien comprendre aussi que ce capitalisme totalitaire est défendu bec et ongles par les plus belliqueux de cette terre à savoir l’impérialisme anglo-saxon et européen. Rien à voir avec les ambitions de sécurité mondiale de la Chine et de la Russie . Sortir de la propagande ambiante du côté aussi des amis de Castelnau comme Onfray.

12/09/2023 15:41 par carlito

Je ne peu pas pifrer Onfray...... mais j"apprecie beaucoup vue du droit et encore plus le blog de réinformation de Régis de Castelnau.
Bien solitaire en France où il n’y a rien à regarder, écouter ou lire dans les media de grands chemin
mais pas dans l’anglosphère Internationale des dissidents .

Quant aux groupuscules de "gauches" unis dans la soumission culturelle àux USA, aux injonctions de l’Otan et au parti de la guerre en Ukraine ils me répugnent absolument... JLM compris.
L’UE grande mutilée écomique et financièrede cette boucherie nous conduit à son corollaire ; Total Controle par la pensée unique.

Régis de Castelnau est un fier dissident.

12/09/2023 15:45 par D.Vanhove

Mon propos ne sera pas de chercher à savoir qui est R. de Castelnau... mais de traduire en langage coutumier des chiffres auxquels le commun des mortels n’aura jamais accès et dès lors de lui donner un point de comparaison pour dire combien ce geste de B.Arnault salué par tous les connards de service, est à la limite de la décence (rien d’étonnant au vu du personnage) :

si selon l’article, la fortune de ce Mr se monte à 240 milliards de $, un don de 10 millions revient au même que si vous et/ou moi avons 24.000 €... et en donnions 1 !

CQFD !!!

il n’y a aucune considération à avoir pour un tel geste, c’est tout le contraire... et il faut dénoncer le manque de volonté politique dès lors que ce genre de chose est possible, pcq’en économie, on nous dit que quand l’un gagne, c’est qu’un autre perd... en arriver à une telle fortune passe donc obligatoirement par l’écrasement d’innombrables vies sur son parcours

(et pour le fun, si vous et/ou moi devions commencer à compter mentalement jsq’à 1 milliard 24h/24 sans sommeil... il faudrait env. 32 ans pour atteindre ce chiffre... c’est dire combien de tels montant sont justes triviaux et d’un immoralité sans nom au regard de l’ensemble de la population mondiale dont un grand nombre lutte simplement pour survivre)

12/09/2023 18:14 par barbe

La simple lecture de l’élément de langage ’capitalisme de connivence’ sème le doute dans mon esprit ; cet élément fabriqué dans une énième officine libérale de la pensée suggère : la connivence c’est mal mais le capitalisme c’est bien...
Encore un effort MM les idiots utiles, pour vous réconcilier avec l’esprit de la révolution.

12/09/2023 18:21 par robess73

Je suis les émissions et les analyses de Castelnau depuis longtemps.je pense qu il est honnête et de gauche .mais pour des raisons inconnues il ne peut souffrir jlm et ne manque jamais de l aligner .il confond quand même la gauche avec la sociale démocratie.quand a copier avec l imposteur Onfray c est incompréhensible .sauf amitié de jeunesse .

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