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Du français (II)

Au IIIe siècle, la Gaule se germanise, tant au niveau des populations que de la langue. Les Alamans (gens de toutes sortes) pillent le pays, signent un traité avec l’empereur romain et n’acceptent la paix qu’en échange d’un statut de fédérés (foederati). En même temps que les Germains (Francs, Wisigoths, Burgondes dont les dialectes ne se ressemblent pas totalement), d’autres envahisseurs frappent à la porte : des Bretons, des Vikings. Le nord-ouest de ce qui fut la Gaule est conquis par des Saxons et par les Francs dominants qui donneront leur nom au pays (Francia). Les Francs (“ hommes libres ”, peut-être originaires du Danube – mais bon sang de bonsoir, où est donc notre souche ?) sont majoritairement des agriculteurs et non des marchands ou des artisans. Le savant Sidoine Apollinaire, qui les a connus, les décrit ainsi : « Ils ont la taille haute, la peau blanche, les yeux bleus, ils se rasent entièrement le visage, sauf la lèvre supérieure où ils laissent pousser deux petites moustaches ; leurs cheveux, courts derrière et longs devant, sont d’une blondeur admirable ; leur vêtement est si court qu’ils ne leur couvre même pas le genou, et si serré qu’il laisse voir la forme de leur corps ; ils portent une large ceinture où pend une lourde épée, très tranchante ». Chateaubriand, qui ne les a pas connus, les cauchemarde de la sorte : « Parés de la dépouille des ours, des veaux marins, des aurochs et des sangliers, les Francs se montraient au loin comme un troupeau de bêtes féroces. Une tunique courte et serrée laissait entrevoir toute la hauteur de leur taille, et ne leur cachait pas les genoux. Les yeux de ces Barbares ont la couleur d’une mer orageuse ; leur chevelure blonde, ramenée en avant sur leur poitrine, et teinte d’une liqueur rouge, est semblable à du sang et à du feu. La plupart ne laisse croître leur barbe qu’au-dessus de leur bouche, afin de donner à leurs lèvres plus de ressemblance avec le mufle des phoques et des loups » (Chant de guerre des Francs, 1809). Les Francs s’assimilent généralement à la population romane, mais parfois leur langue supplante la langue romaine, comme dans la région rhénane et dans l’actuelle Belgique. S’il est admis que la Gaule compte six millions d’habitants vers l’an 500, les Francs représentent environ 20% de la population. Avec une implantation très inégale. Au nord d’Amiens, l’ancienne Samarobrive, 70% des noms de lieu sont germaniques. Un pourcentage qui chute nettement dès le sud de la Seine.

Hugues Capet, qui régna de 987 à 996 (et qui imposa – le malin – la monarchie héréditaire, mais ceci est une autre histoire) fut le premier roi à s’exprimer en français. Les Francs abandonnèrent progressivement leur langue, estimant, à tort ou à raison, que la culture latine était supérieure à la leur. Néanmoins, le francique perdura dans la vie de tous les jours, ce qui explique que bien des mots du vocabulaire du féodalisme sont d’origine germanique, comme « marquis » ou encore « baron » (homme libre). Sans parler du vocabulaire guerrier (« adouber », « guetter »). La Provence (provincia en latin) fut la dernière province à résister – Arles ayant même été pendant quelques années la résidence de l’empereur de Rome, avant de rendre les armes aux Francs en 536.

Dans le sud de la France, les populations adoptent un latin vernacularisé. Selon un processus lent et complexe, cette langue va s’imposer aux parlers autochtones. La ligne de partage oc/oïl (les premiers emplois des expressions lingua d’oc et lingua d’oïl datent de la fin du XIIIe siècle) ne correspond à aucune frontière politique ou physique. On peut néanmoins considérer que la Méditerranée, l’Atlantique, le Massif Central, les Pyrénées, les Alpes furent des barrières naturelles. Tout comme les “ marches séparantes ” entre les zones sèches et les forêts épaisses du Nord et les marais et les zones moins fertiles du Sud. La zone occitane avait été peu celtisée (selon Pierre Bec, La Langue occitane) mais profondément romanisée. Et puis le pays d’oc connut une réelle unité politique du XIe au XIIIe siècle, les comtes de Barcelone régnant de Barcelone à Rodez.

(à suivre)

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