Le grand historien et militant Pierre Broué nous a quittés ce mardi 26 juillet 2005, par Gérard Filoche.
L M A, 20 mars 2004.
Martine Silber, correspondante du Monde à Madrid, signe le 19 mars 2004 un article intitulé « Les dérapages de Pedro Almodovar » qu’elle qualifie de manifestations d’ « hystérie »
Que nous vaut cette sévérité, cette condamnation méprisante qui, en réalité s’abat sur des dizaines de milliers d’internautes et de manifestants espagnols ? D’une déclaration du cinéaste lors de la présentation de son dernier film, parlant d’une « rumeur »circulant sur internet au sujet d’une tentative de coup d’Etat, qui se dessinait, a-t-il dit, à travers la demande adressée au roi Juan Carlos par Aznar de reporter les élections et de prononcer l’état d’exception à cause des manifestations de rue. La rumeur indique qu’on avait cherché à provoquer la rupture au sein des manifestations en appelant « contre le terrorisme et pour la constitution » une manoeuvre qui a échoué et que le conseil électoral avait été convoqué le samedi à minuit pour reporter les élections et instaurer pour trois mois un « état d’exception » Mais le roi refusa de signer.
A partir de dimanche, une heure du matin, c’était la débâcle pour la droite. Le gouvernement reculait en désordre. Le ,contenu de l’intervention du roi, le fait même qu’il soit intervenu à la télévision, et sur une ligne opposée à celle d’Aznar montre le bien-fondé de la rumeur. Si de telles demandes ont été faites, l’intervention du roi à la télévision peut parfaitement constituer une fin de non-recevoir puisqu’il n’y est pas question du rôle terroriste d’ETA,
Il est permis de s’étonner que la correspondante du Monde réduise au strict minimum son information sur cette déclaration qu’elle cherche à discréditer sans la citer . Il est permis aussi de constater qu’elle écrit comme si un coup d’Etat était en Espagne un événement exceptionnel. Elle n’a apparemment pas entendu parler ni de 1936 et du pronunciamiento de Franco, début de la Guerre d’Espagne, ni de 1981 et du pronunciamiento de Tejero, arrêté par une intervention du roi qui n’a pas eu l’éclat de la dernière en date.
On aurait aimé un peu d’information dans Le Monde car l’attitude méprisante de sa correspondante est une transposition dans la presse française de l’agressivité provocante du gouvernement Aznar à la veille des élections : des injures au lieu d’éléments d’information et d’explication.
D’autres organes de presse ont souligné l’attitude suspecte du Monde qui s’est cramponné au-delà du raisonnable à la thèse de la culpabilité de l’ETA et n’a pas révélé la conspiration du silence qui la frappait à Madrid... Mais cette attitude perdure : la presse catholique que Le Monde a rejointe est-elle liée par une discipline religieuse à la défense du parti populaire qui a de nouveau livré les écoles aux prêtres catholiques et préparait d’autres mauvais coups ? Un peu de franchise, s.v.p. Le grand nettoyage est commencé et Aznar a ouvert lui-même les robinets.
Pierre Broué est historien.
Article écrit pour Le Marxisme Aujourd’hui (Revue papier) N° 54 : BP 276 - F 38407 Saint-Martin d’Hères
– Du même auteur :
Exclusions du P.T. brésilien
Aznar, un modèle défraîchi