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Le Coronavirus a provisoirement éloigné le poignard du dépeceur, mais...

Histoire de la retraite en France (III)

Le Coronavirus a contraint le gouvernement à mettre en sommeil le démantèlement de notre système de retraite. L’Institut CGT d’histoire sociale (IHS-CGT) a profité du sursis pour écrire, en termes simples, l’Histoire très documentée, de cette réalisation sociale exemplaire.
L’IHS est une société savante créée à Montreuil en 1982. Ayant le statut d’association loi de 1901, elle a pour but de développer la recherche sur le syndicalisme et son histoire.
LGS a le plaisir de vous donner à lire cette étude en trois volets dont voici le dernier.
LGS.

En 1999 mise en place du régime unique ARRCO (Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés)

La même année, Le gouvernement de Lionel Jospin crée le Fonds de réserve des retraites (FRR). Il a pour vocation de faire face au choc démographique lié à l’arrivée à l’âge de la retraite des baby-booms. Il est alimenté par des recettes exceptionnelles (privatisation des entreprises publiques, des recettes fiscales et les excédents éventuels des régimes sociaux).

C’est encore en 1999 que le Conseil d’orientation des retraites (COR) a vu le jour. Cet organisme est chargé de réaliser des projections sur l’équilibre du système de retraite à long et très long terme. La participation des partenaires sociaux permet de disposer d’un diagnostic partagé sur la situation.

Mais en 2003, sous le gouvernement Raffarin, la loi du 21 août 2003, appelé loi Fillon va porter sur l’ensemble des régimes de retraites : régime général, régime de la Fonction publique, régimes des travailleurs non-salariés sauf celles des régimes spéciaux. Elle remet sur la table l’allongement de la durée de cotisations des salariés de la fonction publique de 37,5 à 40 annuités, tout en créant les conditions pour un allongement à 41 annuités voire au-delà. Un dispositif pour les salariés aux carrières longues est prévu, tandis que les salariés sont incités à souscrire des retraites par capitalisation, via les plans d’épargne retraite populaire (PERP) et les plans d’épargne retraite collective (PERCO). La mobilisation, portée par les salariés de l’éducation nationale, ne trouve pas l’écho de l’hiver 1995. Une nouvelle fois, la CFDT se range dans le camp du gouvernement.

En 2007-2008, fort de cette victoire, le gouvernement Sarkozy-Fillon s’attaque alors à la refonte des régimes dits « spéciaux ». Le gouvernement prévoit :

-  l’instauration d’un mécanisme de surcote et de décote,

-  l’indexation sur les prix et non plus sur les salaires pour la revalorisation des pensions.

Une mobilisation est organisée le 18 octobre 2007, avec des grèves illimitées et reconductibles à la SNCF et à la RATP. Mais faute de s’élargir au-delà des salariés concernés, la reprise du travail intervient rapidement.

Le 22 mai 2008, journée d’action à l’appel des syndicats CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, CGT-FO réunis sous le mot d’ordre commun “ pour la défense de la retraite solidaire ”, contre le “ plan retraites ” du gouvernement. Ce plan entérine l’allongement progressif de la durée de cotisation à 41 ans.

En juillet 2008, mise en œuvre de la réforme des régimes spéciaux de retraite des personnels de l’Opéra de Paris, de la Comédie française, des Industries Electriques et Gazières, de la SNCF, de la RATP et des clercs et employés de notaire. Elle prévoit un alignement progressif de la durée de cotisation à 40 ans d’ici à 2012 et une indexation des retraites sur les prix et non plus sur les salaires.

À partir de 2009, le gouvernement décide que la durée de cotisation augmentera pour les salariés du public et du privé d’un trimestre par an jusqu’en 2012. Mais en novembre 2010, l’âge légal de départ en retraite est repoussé de 60 à 62 ans, voire 67 ans pour ceux n’ayant pas un nombre d’annuités suffisant. La retraite à 60 ans ne reste possible que pour les salariés atteints d’une incapacité d’origine professionnelle. Ceux qui ont commencé à travailler entre 14 et 16 ans, à condition d’avoir cotisé suffisamment longtemps auront la possibilité de partir avant 60 ans. En même temps, un système de décote mais également de surcote est mis en place. Le mouvement social, commencé en mars 2010, contre cette nouvelle réforme a mobilisé à huit reprises plusieurs millions de salariés dans les secteurs public et privé. Cette lutte n’a pas abouti au retrait du projet gouvernemental. Cet échec est vite capitalisé par le pouvoir et le patronat.

En effet, en 2013, pendant la mandature de François Hollande, avec la ministre des Affaires sociales et de la Santé Marisol Touraine, les taux de cotisations salariales et patronales vont augmenter chacun de 0,15 point en 2014, puis 0,05 point par an en 2015, 2016 et 2017 (soit au total 0,3 point). L’âge d’annulation de la décote (5 % en moins par annuité manquante), contrairement aux promesses de campagne, reste fixé à 67 ans.

Que pouvons-nous ajouter de plus ?

Toutes ces réformes contre les retraites se sont accompagnées d’une politique de déstabilisation financière de la protection sociale, par le biais des « allègements » et des « exonérations » de cotisations patronales. La première, a été adoptée par le gouvernement Balladur en juillet 1993. Elle exonère totalement les salaires jusqu’à 1,1 SMIC, puis à 50 % jusqu’à 1,2 SMIC, avec extension progressive jusqu’à 1,6 SMIC. Alain Juppé en 1996-1997 continue et est rejoint par le gouvernement Jospin qui, lors du passage aux 35 heures en 1998 et 2000, augmente les allègements. Il exonère alors les salaires jusqu’à 1,7 fois le SMIC. En 2003, le gouvernement Fillon fusionne l’ensemble de ces mesures et en profite pour augmenter les réductions patronales, une première fois, puis une seconde en 2007. Un an plus tard, la loi TEPA (travail, emploi et pouvoir d’achat), permet l’exonération de cotisations sociales des heures supplémentaires. Enfin, le Crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) adopté en 2011 étend les exonérations jusqu’à 2,5 fois le SMIC. L’ensemble de ces mesures, qui représentait près de 30 milliards en 2016, entraîne un déficit dans le budget en raison de leur non-compensation intégrale par l’État. Plus grave, elles signifient un transfert du financement vers l’impôt au lieu d’un prélèvement sur les richesses créées par les travailleurs dans les entreprises.

Aujourd’hui, où en somme nous ?

Avec le gouvernement d’Emmanuel Macron, voici les grandes lignes de la réforme des retraites :

-  Passage au système à points,
-  Abandon du calcul sur les 25 meilleures années,
-  Montant total des pensions de retraite bloqué à 14 % du PIB
-  Institution d’un âge pivot pour le départ à la retraite

Cette réforme prépare une régression historique des droits sociaux, inédite depuis 1945. François Fillon, lui-même, pourtant partisan d’un système par points, disait durant sa campagne électorale : « l’intérêt d’un régime par points permet une chose, qu’aucun politique n’avoue, de baisser chaque année la valeur des points et donc de diminuer le niveau des pensions. »

Pour la première fois, cette réforme crée un système de retraites dans lequel les cotisants, (les salariés, les bénéficiaires) ne pourront pas calculer le montant de leur pension plusieurs années à l’avance.

Pourquoi ?

C’est le principe même du système à points qui nous amène à cette conclusion.
Le montant total des pensions ne doit pas dépasser le maximun de 14 % du PIB et le montant du point n’est pas connu, puisque le gouvernement veut s’en servir comme une variable d’ajustement possible pour l’équilibre du budget. Aujourd’hui, par ailleurs, le gouvernement parle d’un point annexé sur un indice qui en réalité n’existe pas.
De plus, l’abandon du calcul sur les 25 meilleures années pour le privé ou les 6 derniers mois pour la Fonction publique au profit d’un calcul basé sur l’intégralité de la carrière va faire obligatoirement baisser le montant des pensions. Les femmes et les précaires, seront les premières victimes de ce nouveau système.

Pour l’âge de départ à la retraite, la réforme Macron dit qu’elle restera fixé à 62 ans avec la mise en place d’un âge pivot à 64 ans. Un mécanisme de décote ou, de surcote de la pension de retraite est créé. L’âge pivot évoluerait en fonction de l’espérance de vie de la génération à laquelle l’assuré est attaché. Il serait donc amené à être révisé afin de tenir compte des contraintes financières du régime.

Nous ne savons pas encore, quels sont les métiers qui vont profiter de la notion de pénibilité.

Le gouvernement parle d’un système universel, le même pour tout le monde.
 Pourtant le gouvernement a d’ores et déjà assuré les policiers, les douaniers, les pompiers, les pilotes de ligne, les surveillants pénitentiaires ou les contrôleurs aériens qu’ils pourraient conserver des régimes particuliers. Il a fait une proposition similaire aux danseurs de l’opéra de Paris qui a été unanimement rejetée. L’universalité n’était donc qu’un élément de communication pour essayer de faire passer une régression pour une mesure d’égalité.

Donc, pour conclure, on peut dire dire que cette réforme, est une réforme qui vise à comprimer, contenir et réduire le montant des pensions.

Nicole Castéra, Bureau départemental de l’Institut Départemental d’Histoire Social, CGT Gers

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