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Israël dissimule des documents capitaux pour empêcher que la lumière soit faite sur les périodes les plus sombres de son histoire, selon des universitaires.

Israël bloque l’accès à ses archives (Al Jazeera)

Jérusalem - Israël bloque l’accès à des millions de documents officiels pour empêcher que la lumière ne soit faite sur les périodes les plus sombres de son histoire, affirment des militants de droits civiques et des universitaires, alors que les archives étatiques du pays sont informatisées.

Ils affirment que des officiels du gouvernement dissimulent au public des documents vitaux, indispensables à la recherche historique, souvent en violation de la loi israélienne, afin de protéger l’image d’Israël.

L’armée israélienne prétend depuis longtemps être l’armée « la plus morale » du monde.

L’accusation d’intensifier la politique du secret est venue ternir la semaine de célébration du 49e anniversaire de la guerre de 1967, grâce à laquelle Israël a pris et occupé la péninsule du Sinaï, la bande de Gaza, la Cisjordanie et le plateau du Golan.

Beaucoup des dossiers dont l’accès est refusé portent sur cette guerre et sur les premières années du régime militaire israélien imposé aux Palestiniens de Jérusalem, de Cisjordanie et de Gaza.

Menachem Klein, professeur de politique à l’université Bar Ilan, près de Tel Aviv, a dit que les chercheurs avaient besoin de ces documents pour se faire une image plus claire des événements survenus il y a 50 ans, des objectifs des décideurs, et des violations des droits de l’homme. « Nous avons progressivement réussi à faire la lumière sur une partie de ce qui est arrivé en 1948 [la guerre qui a créé Israël], mais il y a encore très peu de matière disponible pour nous aider à comprendre la guerre de 1967, » a-t-il déclaré à Al-Jazeera.

« Toute l’histoire de la société israélienne et de son conflit avec les Palestiniens se trouve dans les archives. Il est impossible de comprendre et d’analyser cette histoire sans accès aux documents ». Lior Yavne, co-auteur du rapport Akevot

Dans le cadre des commémorations de cette semaine, les Archives de l’Etat hébreu ont publié des témoignages de commandants militaires de 1967. Cependant, les médias locaux a noté que des pages entières avaient été censurées pour des « raisons de sécurité ».

Néanmoins, des documents déclassifié ont permis des découvertes révélatrices. On y a trouvé des paroles d’Uzi Narkiss, qui dirigeait le commandement central de l’armée à l’époque, suggérant que lui et d’autres commandants espéraient nettoyer ethniquement la plus grande partie du territoire sous couvert des combats. Il a dit à ses collègues officiers : « Dans les trois jours qui viennent, nous allons chasser tous les Arabes de Cisjordanie ».

La campagne pour ouvrir au public les archives d’Israël est dirigée par l’Institut Akevot, un groupe israélien de défense des droits humains, des avocats et des chercheurs qui tentent de documenter l’histoire du conflit israélo-palestinien. Dans leur nouveau rapport, le point sur l’accès aux archives, ils notent que seulement 1 % des 400 millions de pages de documents a été rendu public.

La plupart des fichiers auraient dû être accessible au bout de 15 ans. Dans de nombreux cas, selon Akevot, le statut « classifié » des documents a expiré, mais ils n’ont toujours pas été rendus public. Les motifs du refus d’accès sont rarement donnés.

Dans d’autres cas, des documents qui ont déjà été déclassifiés - certains d’entre eux, il y a des décennies - ont été scellés à nouveau et sont maintenant indisponibles.

En dépit du renforcement du secret, des crimes de guerre historiques sont dévoilés.

En mars, le plus grand massacre connu des Palestiniens par l’armée israélienne pendant la guerre de 1948 qui a fondé Israël, et que les Palestiniens appellent al-Naqba - a été révélé, en dépit des efforts officiels pour cacher cette monstruosité depuis près de 70 ans.

Ce qui a mis fin au secret, c’est la publication de la lettre d’un soldat dans le journal Haaretz, détaillant l’exécution de centaines de Palestiniens, hommes, femmes et enfants dans le village de Dawaymeh, près d’Hébron. « Toute l’histoire de la société israélienne et de son conflit avec les Palestiniens se trouve dans les archives, » a déclaré Lior Yavne, co-auteur du rapport, à Al-Jazeera. « Il est impossible de comprendre et d’analyser cette histoire sans y avoir accès. » Et il a ajouté : « Dans la pratique, la plupart des archives d’Israël sont définitivement fermées. »

Selon Akevot, Israël a mis en place un nouveau programme pour faire des copies numériques des fichiers papier existants pour augmenter leur protection.

Les Archivistes sont actuellement en train de scanner et de télécharger les documents pour créer une base de données complète - un projet qui est susceptible de prendre plus de 25 ans. Le site des Archives est entré en service en avril.

Cependant, le caractère public de la base de données signifie que des centaines de milliers de dossiers de sécurité nationale ont été soumis pour la première fois à un organisme officiel qui joue le rôle de censeur militaire. Jusqu’à présent, ses pouvoirs avaient été principalement limités à la surveillance des médias israéliens, selon Yavne.

Selon le rapport, le censeur refuse d’ouvrir au public un grand nombre de documents, il en caviarde d’autres et il reclasse en documents secrets de nombreux documents qui étaient auparavant accessibles aux chercheurs.

L’accès de dizaines de milliers de fichiers, en attente d’être examinés et dont le nombre ne cesse d’augmenter, a été également interdit aux chercheurs, selon Akevot.

Les demandes d’accès aux documents peuvent se voir refusées si elles risquent de nuire à la sécurité nationale, aux relations internationales ou à la vie privée. Selon Yavne, l’accès aux dossiers dont le délai de protection a expiré est régulièrement refusé sans appui légal. Il semble que des dossiers demeurent inaccessible quand des officiels craignent qu’ils ne « mettent en lumière des violations des droits de l’homme ou ne révèlent des affaires sordides. »

Le rapport note que les dossiers concernant les décisions gouvernementales appartiennent au public, mais sont traités comme « un secret qui doit lui être caché ».

La tendance actuelle à la dissimulation contraste avec l’ouverture d’une partie des archives de la guerre de 1948, à la fin des années 1980.

Une poignée d’historiens israéliens, notamment Benny Morris, Ilan Pappe et Avi Shlaim, avaient alors révélé qu’une grande partie de l’histoire officielle d’Israël de la fondation de l’Etat était fondée sur des informations erronées.

Ces « nouveaux historiens » avaient réuni les preuves de massacres à grande échelle de Palestiniens, de viols et d’expulsions forcées. Ils avaient également montré que des assomptions courantes sur la guerre – comme par exemple que c’étaient leurs dirigeants qui avaient ordonné aux Palestiniens de fuir – avaient été inventées plus tard par Israël pour échapper aux critiques internationales.

Un universitaire israélien, Shay Hazkani, estime qu’au moins un tiers des documents relatifs à la guerre de 1948, qui avaient été déclassifiés, ont été à nouveau scellés. Étant donné le grand nombre de documents, beaucoup d’entre eux n’avaient pas encore êté examinés par les chercheurs.

Nur Masalha, un historien palestinien basé au Royaume-Uni qui a révélé des preuves, puisées dans les archives israéliennes, d’une politique d’expulsion, ou de « transfert », de Palestiniens entre 1948 et 1967, a déclaré à Al Jazeera que l’interdiction d’accéder aux documents faisait partie d’un plus large système de répression en Israël.

Elle reflète, selon lui, l’inquiétude croissante d’Israël qu’on fasse le lien entre son passé et les atrocités dont le pays se rend coupable aujourd’hui. « Israël fait face à une condamnation internationale croissante pour ses crimes de guerre à Gaza, au moment où les Palestiniens, y compris ceux qui vivent en Israël, se montrent de plus en plus déterminés à attirer l’attention sur la Nakba. »

Certains des dossiers les plus classifiés - qui sont sous les verrous depuis 70 ans - devraient normalement être ouverts au public dans moins de deux ans. Cela tournerait les projecteurs vers les événements les plus controversés de la fondation d’Israël. Or, selon Akevot, on ne voit aucun signe que les agences de sécurité les plus secrètes d’Israël, le service de renseignement du Shin Bet et l’agence d’espionnage du Mossad, se préparent à ouvrir leurs archives.

Le rapport indique que l’accès aux archives « sera probablement refusé » dans le proche avenir. Selon Yavne, le Shin Bet a déjà ignoré son engagement à rendre accessibles une partie de ses archives au bout de 50 ans.

Ces documents mettraient en lumière la politique du Shin Bet dans les premières années de l’État, quand un cinquième de la population d’Israël appartenant à la minorité palestinienne a été placée sous un gouvernement militaire.

Des détails sur cette période serait embarrassants à la fois à cause des violences subies par les Palestiniens sous le régime militaire et aussi parce que ce modèle de gouvernement militaire a ensuite été exporté dans les territoires occupés, selon Klein.

Les documents d’archives pourraient mettre en évidence les pratiques de détention et de torture du Shin Bet, la manière dont il piège et fait chanter les Palestiniens pour les contraindre à devenir informateurs, et la manière dont il harcèle les dirigeants palestiniens. « Le Shin Bet a toujours fonctionné en dehors de la loi », a-t-il dit.

Le bureau du premier ministre israélien, qui supervise les archives et le Shin Bet, a refusé de faire un commentaire.

Yavne dit que Akevot, qui a été créé il y a 18 mois, aide les universitaires et les chercheurs qui ont souvent peur de protester contre les restrictions croissantes. Selon lui, « ils craignent de se voir encore plus restreindre l’accès aux archives s’ils critiquent la politique d’archivage ».

Il a ajouté que Akevot était en train de créer une base de données alternative de documents pour aider les chercheurs à comprendre l’histoire du conflit israélo-palestinien.

Parmi les documents top-secrets récemment mis au jour par le groupe il y en a un qui fait état d’un ordre du gouvernement, immédiatement après la guerre de 1967, de supprimer la ligne verte marquant la frontière internationalement reconnue d’Israël de toutes les cartes utilisées dans les écoles israéliennes.

Klein a déclaré que le but était « d’enraciner dans l’esprit des Israéliens l’idée que les territoires palestiniens occupés faisaient partie d’Israël » pour qu’il devienne très difficile de les rendre aux Palestiniens.

D’autres documents classifiés de l’époque montrent que le principal conseiller d’Israël sur le droit international, Theodor Meron, a prévenu les autorités que les Conventions de Genève s’appliquaient au comportement d’Israël dans les territoires occupés. Or Israël a toujours nié publiquement qu’il était lié par ces conventions. Il y a eu une série de révélations similaires sur la guerre de 1948.

En janvier, Haaretz a rapporté que les Archives refusaient toujours l’accès à la transcription d’une réunion du cabinet en 1949 où les ministres avaient discuté de la profanation généralisée des églises de l’année précédente.

La discussion, cependant, a pu être reconstruite à partir d’autres sources.

Il est écrit que le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Moshe Sharett, avait dit que les soldats israéliens s’étaient comporté « comme des sauvages », en déféquant dans les églises et en volant des icônes. Sharett a suggéré de verser une grosse indemnité au Vatican pour « acheter son silence ».

Le correspondant militaire israélien, Amir Oren, a récemment écrit qu’on avait trouvé dans les archives la preuve que la vague actuelle d’exécutions de Palestiniens par des soldats israéliens n’était pas un phénomène nouveau.

Selon Oren, la guerre de 1948, « a présenté le catalogue des assassinats, des viols, des pillages et du mépris de la vie humaine » de l’armée israélienne.

Jonathan Cook

Traduction : Dominique Muselet

»» http://www.aljazeera.com/news/2016/...
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