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L’homme en marche, ou l’illusionniste

Socrate. - Alors, mon cher Glaucon, tu me sembles perdu dans tes pensées.

G. - Oui, je me sens parfois comme un prisonnier du doute...

S. - Si tu te sens comme tel, tu es déjà en voie de guérison, rappelle-toi...

G. - … l’étrange tableau et les étranges prisonniers dans la caverne (1), je m’en souviens.

S. - L’allégorie est là pour frapper les esprits.

G. - Je pense ne plus être ce prisonnier, ce jouet des apparences, mais...

S. - Ne serais-tu pas sur ce point présomptueux ?

G. - Je ne suis plus enchaîné, j’ai regagné la lumière, et grâce à toi, je vois les choses maintenant avec plus d’acuité.

S.- Tu ne vois plus les ombres qui défilent, mais tu vois les objets se mouvoir. Alors tu penses comprendre le Monde.

G. - Philosopher, c’est comprendre celui-ci.

S. - Il y a loin de la coupe aux lèvres.

G. - Disons, philosopher, c’est tenter de comprendre le Monde.

S. - C’est déjà mieux. Tu vois la course du soleil qui dispense ses rayons et réchauffe nos corps ?

G. - Bien sûr que je la vois, depuis... depuis...

S. - Et cette course te dit quoi ? Est-ce le soleil qui tourne ou bien la terre ?

G. - La terre bien sûr !

S. - Pourtant, c’est le soleil que tu vois ainsi parcourir le ciel, comme s’il était mû par les coursiers de Phébus.

G. - Je comprends...

S. - Dis-moi ce qui trouble ton âme.

G. - Il y a cette échéance électorale et je ne voudrais pas encore succomber aux illusions.

S. - Ce serait faire preuve de sagesse. Celle-ci n’attend pas le nombre des années. Mais elle demande un effort permanent.

G. - J’ai écouté les différents prétendants, et je serais bien tenté par la nouveauté.

S. - La jeunesse a besoin de trouver sa place, il lui faut...

G. - J’ai besoin de changement. Je serais tenté par ’’l’homme en marche !’’.

S. - Et tu ne veux pas être dupe ?

G. - Tout le monde semble avide de le voir, s’empresse autour de lui.

S. - Ne penses-tu pas qu’il faille s’intéresser aux choses elles-mêmes plutôt qu’au bruit qui les entoure ? (2)

G. - Certainement. J’ai bien écouté, et ce choix me semble être celui de la raison.

S. - As-tu bien questionné ta raison ?

G. - Un peu. Je crois mon candidat sincère car il parle de philosophie, d’un philosophe qui lui sert encore de guide.

S. - Interroge ton libre arbitre. Que retient-il de son maître à penser ?

G. - Beau... Beaucoup. C’est difficile... à dire... il lui a... permis de lire la philosophie (3).

S. - As-tu confronté les idées et les actes de ton candidat ?

G. - Il a parlé de la valeur travail et c’est un bosseur. Il dit que c’est le meilleur moyen pour sortir de la prédestination sociale (4).

S. - Quel est le secret de sa naissance, de son parcours dans l’existence ?

G. - Il reconnaît avoir eu la chance de naître dans une famille aisée (4).

S. - Il ne s’est donc donné que la peine de naître (5). Il n’est pas le meilleur exemple pour illustrer son propos. Rappelle-toi, il a même écrit que, comme il croyait à cette valeur, il s’était inscrit en khâgne (4). N’oublie pas, il a même traité certains d’illettrés. Ainsi exprime-t-il et son immodestie et son mépris. Tu devrais, alors, comprendre qu’il n’est que le chérubin de l’élite.

G. - Certes. Mais il est nouveau.

S. - Il est nouveau par rapport à d’autres. Mais ses idées le sont-elles ?

G. - Il parle de réformes, de révolution...

S. - Les mots te suffisent. Les mots ne sont que des ombres mouvantes. Cesse de te prendre à celles-ci. Quel est son idéal ? S’exprime-t-il sur la liberté, l’égalité, la fraternité, l’humanité, ...

G. - L’autre jour, il a beaucoup parlé de coût, de charges sociales...

S. - Et alors ?

G. - C’est vrai qu’elles sont lourdes...

S. - Sais-tu au moins de quoi tu parles ? Ce que tu appelles charges sociales ne sont que des salaires différés : quand tu es malade, ou quand sonne, pour toi, l’heure de la retraite. Apprends déjà à utiliser les bons mots, et arrête de psalmodier les mots des autres. Les mots qu’il utilise révèlent ses affinités avec ceux restés dans l’ombre.

G. - D’accord. Mais, il me ressemble, il est jeune, il a le regard vif.

S. - Son regard t’a-t-il permis de scruter son âme ? Il me semble pour l’avoir vu qu’il a le regard plutôt fuyant. Ne serait-il pas, comme les autres, d’abord ambitieux ?

G. - Il le faut pour être un prétendant.

S. - As-tu remarqué que son mouvement a les mêmes initiales que lui ? Il signe ainsi son unique ambition. Crois-tu que cette fusion le dispense d’avoir un projet ? Qu’en est-il de son programme ?

G. - Il est en cours d’écriture.

S. - Ne crois-tu pas que la réflexion doit précéder l’action ? Dans quelle direction, dans quel sens veut-il aller ?

G. - Dans le sens de la marche, c’est évident. La cité est tellement sclérosée.

S. - Mon bon Glaucon, tout paraît évident avec toi.

G. - Il me semble être le meilleur pour le poste, son cursus parle pour lui.

S. - Tu serais donc pour le gouvernement des meilleurs, pour l’aristocratie. Quels sont ses soutiens ?

G. - Il y a le premier magistrat de Lugdunum...

S. - Comme preuve de nouveauté, on pourrait trouver mieux, n’est-ce pas ?

G.- Assurément.

S. - As-tu observé ton prétendant ?

G. - Il est fort dynamique.

S. - Fais abstraction des paroles, d’une communication bien préparée, et tu verras ce dynamisme fort différemment. Pris par l’élan, les gestes ne peuvent que trahir le secret de son for intérieur.

G. - Sans contredit.

S. - Analyse son verbe, scrute ses mains, ses gestes, capte son regard. Interroge son passé, ses fréquentations. Alors, tu verras qu’il n’est pas celui que l’on nous donne à voir.

G. - Cela semble salutaire.

S. - Parle-t-il de noûs ? ( Noûs, en philosophie grecque = intellect, raison, esprit)

G. - J’ai surtout retenu : « Ce que je veux.... c’est que vous.... partout...vous alliez le faire gagner... parce que c’est notre projet ».

S. - Tu ne me sembles pas avoir vu son attitude quasi mystique qui succéda à cette exhortation... Il voulait dire : « Entrez en espérance. Suivez-moi ! »... Mon pauvre Glaucon, tu succombes toujours aussi facilement aux apparences, ton esprit me semble bien mal entraîné dans un mouvement rétrograde... Te rappelles-tu le mime Marceau ?

G. - Je suis jeune, mais il m’en souvient.

S. - Figure toi celui-ci effectuer sa « marche contre le vent ».

G. - Je vois l’image.

S. - C’est l’illusion du mouvement...

G. - … dans l’immobilité.

S. - Et si notre homme effectue des pas glissés vers l’arrière...

G. - Je comprends l’illusion ainsi créée.

S. - Ton ’’homme en marche !’’ ne serait-il pas cet illusionniste ?

G. - Ses idées sont donc celles du passé.

« Personne »

Notes :

1 – Allégorie de la caverne, Platon, Livre VII de La République, dialogue entre Socrate et Glaucon.

2 – « Ayez surtout le souci de séparer les choses du bruit qu’elles font », Sénèque.

3 – Écouter https://www.franceculture.fr/emissions/linvite-des-matins/emmanuel-macron-mes-propositions-pour-la-culture vers 2’40’’, première vidéo.

4 – Lire https://en-marche.fr/emmanuel-macron/

5 – « Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus », Beaumarchais dans Figaro (V,3).

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