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Le Monde Diplomatique (janvier 2010)

Dans sa livraison de janvier 2010, Le Monde Diplomatique s’intéresse de près à Obama. Serge Halimi se demande si l’on peut « réformer » les États-Unis :

"Le combat politique fait parfois la part trop belle à des oppositions personnalisées, à des rejets obsessionnels. Les nécessités de la lutte frontale enfantent alors des regroupements hétéroclites motivés par le seul désir de détruire la même cible. Sitôt l’ennemi à terre, les ennuis commencent. Et avec eux la question : que faire à présent ? Au fil des choix politiques, les équivoques qui favorisaient l’ancien cartel des opposants doivent être levées ; le désenchantement s’installe. Avant longtemps, l’adversaire détesté revient au pouvoir. Sa halte dans l’opposition ne l’a pas rendu plus aimable.

Le triptyque coalition de rencontre, proposition politique incertaine, déception programmée renvoie également à l’actualité américaine. Il y a un an, la déroute des républicains et la fin de la présidence de M. George W. Bush ont provoqué un moment de liesse. Même si une partie de l’électorat, dont le sort ne s’est pas amélioré, continue de faire confiance à M. Obama, cet enthousiasme paraît révolu. L’intensification de la guerre en Afghanistan désole les pacifistes, la réforme du système de santé se situe en deçà des espérances raisonnables, tout comme la politique environnementale. Le jugement « moins que bien, mais mieux que rien » se propage et génère un climat maussade. La passion politique change à nouveau de camp."

Patrick Haenni et Samir Amghar analyse « le mythe renaissant de l’islam conquérant :

« Le " non " à la construction de minarets qui l’a largement emporté en Suisse, lors de la votation populaire organisée le 29 novembre dernier, a mis le pays en état de choc en même temps qu’il suscitait consternation et colère tant en Europe que dans le monde musulman. Ni la xénophobie ni la poussée de l’extrême droite n’expliquent un tel résultat (les 57 % de votants anti-minarets dépassent largement la clientèle traditionnelle de la droite dure à l’initiative du référendum). Elles ne permettent pas davantage de comprendre les actuelles crispations organisées par le gouvernement français sur l’identité nationale ou les interminables polémiques autour de la burqa. Au-delà de sa dimension internationale, avec le thème récurrent du « terrorisme islamiste » et du nouveau « péril vert » qui aurait remplacé le « péril communiste », le débat porte aussi sur la place en Europe de la religion musulmane " toujours plus détachée du thème de l’immigration. Il a pour fondement la peur irrationnelle d’un islam conquérant qui s’appuierait sur un projet militant, sur une progression de la foi et sur la démographie. »

Une analyse très innovante (politique, anthropologique) de Lucien Sève sur le " bien vieillir " , à reconsidérer d’urgence :

« En France et en Allemagne, tout comme en Chine et au Japon, on s’inquiète du vieillissement de la population. Il n’y aurait plus assez d’actifs pour payer les retraites. Et si l’on renversait la perspective ? Si l’on brisait les cycles sociaux préétablis où, avant 30 ans, les jeunes ne peuvent pas trouver un emploi stable ; où, après 50 ans, les salariés sont marginalisés, voire expulsés de l’entreprise ; où, entre les deux, l’intensification du travail use les corps et les esprits.

[…] Alors que, depuis les années soixante-dix, ont été gagnées en France dix ans d’espérance moyenne de vie, l’espérance de vie professionnelle a, au contraire, diminué de douze ans.

[…] A étudier de façon un peu étendue la biographie de celles et ceux qui étonnent par leur longévité créatrice, que trouve-t-on à tout coup ? Une formation initiale de haut niveau, un renouvellement jamais longuement interrompu des motivations, capacités et activités - point capital - une progressive conquête d’autonomie par rapport au monde comme à soi-même. […] On mesure donc les ravages de la conception biologisante de l’être humain qui fait corps avec l’idéologie libérale - celle de l’Homo oeconomicus, animal génétiquement programmé pour être un individualiste calculateur - , alors que tout ce qui fait une personnalité (du langage à l’intelligance critique, des savoir-faire à la conscience morale) trouve sa source non dans le génome, mais dans les rapports sociaux que chacun s’approprie à sa façon au cours de sa vie. »

Federico Santopinto nous décrit « l’armée mexicaine de l’Union européenne » :
« Les nominations du Belge Van Rompuy et de la Britannique Ashton confirment que les États membres veulent conserver le contrôle de la politique extérieure commune. En créant des postes sans clarifier les institutions, le traité de Lisbonne, laborieusement ratifié et confus, a transformé la direction de l’Union en armée mexicaine. »

Mathilde Goanec a découvert des « fantômes russes dans l’isoloir ukrainien » :
« Parmi les pays les plus touchés par la crise financière, l’Ukraine a sollicité à la mi-décembre une avance de 2 milliards d’euros auprès du FMI. Elle craint de ne pouvoir verser les retraites et les salaires de la fonction publique, ni régler ses factures énergétiques à la Russie, au risque de relancer la " guerre du gaz " . Les relations avec Moscou sont au coeur des enjeux de l’élection présidentielle du 17 janvier. »

Pour Francis Ghilès, le « non-Maghreb » coûte cher au Maghreb :

« Le conflit du Sahara occidental représente toujours l’un des obstacles majeurs à une coopération indispensable entre le Maroc et l’Algérie, freinant les échanges régionaux qui pourraient se développer conjointement avec la Tunisie. Pourtant, une complémentarité existe entre les trois pays et, si elle était encouragée par l’Union européenne, une collaboration politique et économique aiderait à résoudre bien des problèmes de la rive sud de la Méditerranée. »

Allan Popelard et Paul Vannier expliquent pourquoi Detroit est une « ville afro-américaine qui rétrécie » :

« Ancienne capitale mondiale de l’automobile, Detroit n’a cessé de perdre de sa puissance. Et de sa population. La crise actuelle n’arrange rien. Les emplois industriels se font rares ; les maisons abandonnées à leurs créanciers se multiplient dans certains quartiers. Malgré tout, cette ville à majorité noire continue de faire confiance au président pour lequel elle a voté. […] Tu sens ? Tu sens cette odeur ? » Dave, la trentaine, habite sur 7 Miles Road, en plein coeur des quartiers pauvres de Detroit, ceinture d’une dizaine de kilomètres de large entre le centre-ville, downtown, identifiable à ses gratte-ciel, et les suburbs, ces banlieues aisées s’étalant à la périphérie de la ville. En face de chez lui, de l’autre côté de la rue, cinq tas de cendres. Autant de maisons qui, il y a deux mois encore, étaient habitées. « Y en a une autre qui a brûlé cette nuit. Toutes les semaines, y en a une de plus qui part en fumée dans le quartier. Les gens font ça pour toucher la prime d’assurance et partent s’installer en banlieue. Plus personne ne veut vivre ici. »

Si 35 % du territoire municipal est inhabité , c’est qu’en un demi-siècle, fait rare dans l’histoire urbaine mondiale, Shrinking City (« la ville qui rétrécit ») a perdu plus de la moitié de sa population, soit près d’un million de personnes . A l’exception des abords de l’université ou de l’heure de la sortie des écoles, seuls quelques piétons errent sur les trottoirs de Woodward, Michigan ou Gratiot, les principales avenues de la ville. Avec la crise des subprimes, son dépeuplement s’est encore aggravé.

" Inde et Pakistan se mesurent en Afghanistan " (Isabelle Saint-Médard) :

« Plus de cent fonctionnaires américains (diplomates et techniciens) ont dû attendre leur cvisa pour le Pakistan. En effet, une partie des dirigeants d’Islamabad - notamment au sein de l’armée - multipliu’ent les obstacles, jugeant excessive la présence croissante des États-Unis et insupportable leur pression sur le pouvoir. Le chaos afghan menace de s’étendre au Pakistan - lequel s’inquiète de l’influence grandissante de l’Inde auprès de Kaboul. »

Clément Ruffier compare l’organisation du travail en France et en Chine (" Un ouvrier en France, un ouvrier en Chine " ) :

On oppose souvent la production industrielle en France et en Chine : il y aurait, d’un côté, un " modèle chinois " caractérisé par la copie des savoir-faire, une main-d’oeuvre peu qualifiée et des produits de faible qualité ; de l’autre un " modèle français " plus innovant, avec une maîtrise supérieure de la fabrication et des productions de meilleure tenue. L’étude comparative de l’organisation du travail chez Renault trucks et son partenaire Dongfeng met à mal ces idées reçues. »

Un article surprenant de Maggie Black sur le caca mondial : " Le tabou des excréments, péril sanitaire et écologique " :

« Chacun " y va " [l’expression « comment allez-vous ? » trouve là son origine : comment allez-vous à la selle, idem pour l’anglais « How do you do ? » BG], mais on n’en parle pas. Ce tabou lié à la bienséance recouvre pourtant des millions de morts évitables chaque année. Avec une population urbaine croissante, la gestion des excréments est devenue une question vitale, aussi bien pour la santé que pour la dignité humaine.

[…] Dans notre monde préoccupé tant par les émissions de carbone que par les polluants chimiques et nucléaires, la pollution de base que constituent les excréments pathogènes ne suscite aucun émoi. Depuis la Grande Puanteur de Londres (lire « En 1858, la Grande Puanteur de Londres »), les pays industrialisés ont consacré d’importantes ressources à nettoyer et à assainir l’environnement urbain. Dans les pays en développement, une meilleure compréhension des causes des maladies a réduit la peur des « airs mauvais » (mala aria), que l’on jugeait depuis des siècles responsables de diverses contaminations.

[…] Mais l’urbanisation toujours plus rapide fait naître une nouvelle inquiétude. Une grande partie de la population des villes vit dans des taudis : townships, baraques, bidonvilles, favelas... Un milliard de citadins souffrent du manque d’installations sanitaires, et de ses conséquences en termes de misère, de dignité et de santé. »

Anne Vigna explique comment, au Honduras, les forces réactionnaires ont « blanchi » un coup d’État :

« Tenues en dehors du cadre constitutionnel par les autorités issues du coup d’État du 28 juin 2009 contre le président Zelaya, les élections du 29 novembre ont porté au pouvoir le candidat du Parti national, Monsieur Porfirio Lobo. Dès le lendemain, ignorant la violence de la répression déchaînée contre l’opposition, les Etats-Unis se sont empressés de reconnaître la validité du scrutin. »

SelonLamia Oualalou, Brasilia oublie le « complexe du chien bâtard » :
« Longtemps affligé du complexe du chien bâtard - propre à celui qui pense ne pas avoir droit au chapître -, le Brésil devient une puissance économique et politique avec laquelle il faut compter. Maintenant des liens étroits avec les présidents radicaux d’Amérique latine et défendant l’Iran, M. Lula n’en conserve pas moins de bonnes relations avec les Etats-Unis. »

Joan Baxter décrit la récente « ruée » sur les terres africaines :

« Après les minerais ou le pétrole, les terres africaines suscitent les convoitises étrangères. Des millions d’hectares cultivables ont déjà été cédés dans la plus grande opacité, par les dirigeants du continent. [… ] De nombreux projets sont à l’étude qui, s’ils vont à leur terme, mettront en danger les sociétés, les équilibres naturels et l’agriculture locale. »

Le Burkina Faso de Compaoré est désormais un pilier de la Françafrique (Bruno Jaffré) :

[Malgré son image d’homme de paix], M. Compaoré est impliqué dans la plupart des guerres et des crises régionales des 20 dernières années. Des témoignages récents révèlent le trouble passé de celui qui accéda au pouvoir à la faveur de l’assassinat du leader panafricaniste Thomas Sankara. »

Paradoxalement, peut-être, la taxe carbone « favorise le tout-électrique » (Paola Orozco-Souël et Constant Delatte) :

« En raison de la vague de froid, et neuf centrales nucléaires vieillissantes étant à l’arrêt sur un total de cinquante-huit, la France doit faire appel à des installations classiques au gaz, au fioul ou au charbon, ou encore importer massivement de l’électricité. C’est néanmoins cette voie que favorise la taxe carbone mise en place par le gouvernement, ignorant délibérément les énergies renouvelables. »
Un magnifique article de Jacques Roubaud : " Obstination de la poésie " :
« La poésie est un genre que l’on s’évertue à voir là où il n’est pas - dans un coucher de soleil, dans le slam, dans les convulsions scéniques d’un artiste - et à ne pas voir là où il se trouve : dans un tête-à -tête du poète avec la langue. Son insignifiance économique la condamne à l’obscurité ; pourtant, les recueils, les revues, les sites qui lui sont dédiés continuent de fleurir. Et réservent de belles découvertes à ceux qui prennent la peine d’y accoutumer leur oeil et leur oreille.
Le siècle présent (le XXIe) maintenant fermement installé, la poésie continue à perdre du terrain dans les journaux : Le Monde des livres peut laisser passer une année entière sans rendre compte d’un seul livre nouveau de poésie française contemporaine ; les librairies, dont la majorité n’a même plus de rayon consacré à ce genre d’ouvrages, et la télévision (mais cela allait déjà de soi au siècle précédent) ne s’y intéressent pas. Une sorte de gêne empêchait jusqu’à récemment les autorités culturelles de tirer les conséquences de ce fait de société. Mais elles s’y sont finalement laissé aller, sans peut-être s’en rendre compte. »

Xavier Guilbert dénonce quelques idées reçues sur la bande dessinée, un neuvième art qui suscite le consensus.

Enfin, c’était facile mais il fallait quand même le faire, Pierre Rimbert taille quelques croupières à B-H L ; qui, de Kaboul à Saint-germain des Prés, « ne s’est jamais trompé »…

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