Serge Halimi analyse le combat de Washington contre Pékin : « Les États-Unis semblent désormais estimer qu’ils ne peuvent pas affronter la Chine et la Russie à la fois. Dans les décennies qui viennent, leur principal rival géopolitique sera Pékin. Sur ce sujet, un consensus existe même entre l’administration républicaine de M. Donald Trump et les démocrates, que l’élection présidentielle de l’année prochaine oppose pourtant avec vigueur. La Chine succède ainsi à l’« empire du Mal » soviétique et au « terrorisme islamique » comme adversaire prioritaire de Washington. Mais, à la différence de l’Union soviétique, elle dispose d’une économie dynamique, avec laquelle les États-Unis enregistrent un déficit commercial abyssal. Et sa puissance est singulièrement plus impressionnante que celle de quelques dizaines de milliers de combattants intégristes errant entre les déserts de l’ancienne Mésopotamie et les montagnes d’Afghanistan. »
Frédéric Pierru décrit le cauchemar de « l’hôpital du futur » : « « Du vent ». C’est ainsi que les urgentistes en grève ont qualifié le plan présenté par la ministre de la santé le 9 septembre. À des services au bord de l’implosion elle propose une enveloppe rachitique, ponctionnée sur d’autres secteurs, eux-mêmes en difficulté. Faut-il dès lors parler de « crise » de l’hôpital ou de « casse » — un projet de longue haleine visant à livrer une institution emblématique au privé ? »
Renaud Lambert dénonce ceux qui font main basse sur l’Amazonie : « Même dans le camp des adversaires du président brésilien, la passe d’armes très médiatisée qui l’a opposé à son homologue français suscite des sentiments partagés. Pour empêcher M. Jair Bolsonaro de livrer l’Amazonie à l’agrobusiness, faut-il remettre en cause le principe de la souveraineté territoriale des États, comme le suggère M. Emmanuel Macron ? »
Frédéric Lordon imagine quelle ZAD sauvera le monde : « Pour en finir avec l’ordre capitaliste, certains se proposent de généraliser les défections individuelles et locales, du type des communautés autogérées ou des zones à défendre. Un tel remède menace ceux qui le prônent de rester minoritaires et isolés. Toutefois, une multitude de décrochages individuels pourrait aussi diffuser l’envie d’un renversement de masse — en employant d’autres moyens… »
Allan Papelard est allé à la rencontre de ces Français qui militent pour le « Frexit » : « À la veille des élections européennes de mai 2019, il n’était pas rare d’entendre évoquer le nom d’une formation politique lors des réunions des « gilets jaunes » : l’Union populaire républicaine (UPR), connue pour défendre une sortie brutale de l’Union européenne, ou « Frexit ». Fort d’une base militante dévouée et efficace, le parti prétend dépasser le clivage droite-gauche. Vraiment ? »
Richard Seymour détaille le joker des europhiles britanniques : « Au Royaume-Uni, les libéraux proeuropéens se trouvent dans une situation inhabituelle : aucun des deux grands partis n’endosse l’ensemble de leurs préférences. Les conservateurs de M. Boris Johnson souhaitent quitter l’Europe ; les travaillistes de M. Jeremy Corbyn défendent les droits des salariés. D’où l’intérêt renouvelé de certains médias pour un parti un peu oublié : les Libéraux-démocrates. »
Qu’en est-il, selon Sonia Combe, de l’Allemagne de l’Est après l’exil : « Pour les artistes et les intellectuels qui, après 1945, choisissent de revenir vivre dans ce qui sera la République démocratique allemande (RDA), l’impératif est de contribuer à bâtir le socialisme. La loyauté envers leurs convictions les conduira le plus souvent à accepter de se taire, malgré leurs désaccords avec le régime. Parmi eux, l’emblématique Anna Seghers, auteure du bouleversant roman « Transit ». »
Philip S. Golub estime qu’entre les États-Unis et la Chine la guerre est moins commerciale que géopolitique : « Une fois convertie à l’économie de marché, la Chine devait ne constituer qu’un maillon dans les chaînes de production d’une économie mondiale pilotée par les États-Unis et leurs multinationales. Mais la rapidité de son développement inquiète désormais les dirigeants américains. Ils s’emploient donc à écraser une concurrence surgie plus vite que prévu et qui menace leur position de superpuissance hégémonique. »
Francis Pryernous dit ce querévèle l’affaire Epstein : « Dans nombre de pays, Jeffrey Epstein se serait retrouvé derrière les barreaux dès 2007, quand son implication dans un système de trafic de mineures fut mise au jour. Pas aux États-Unis. D’arrangements en connivences, l’homme d’affaires new-yorkais n’a alors écopé que d’une peine dérisoire. Son cas révèle les failles d’une justice pénale américaine souvent encline à la clémence envers les puissants. »
David Carment et Richard Nimijean expliquent comment Justin Trudeau étale sa vertu : « Pour les grands médias, la duplicité du premier ministre canadien Justin Trudeau serait apparue lorsque ont été révélées des images le montrant maquillé en noir. Le dirigeant libéral ne s’était-il pas présenté en défenseur de la diversité ? Il existe un autre domaine, beaucoup moins commenté, dans lequel le fossé béant entre ses discours et ses actes se manifeste : la politique étrangère. »
José Natanson estime que l’Argentine montre que la gauche n’est pas morte : « L’homme qui avait promis de tourner la page du « populisme » a précipité l’Argentine dans une crise économique. L’échec de M. Mauricio Macri devrait faciliter le retour aux affaires des péronistes lors de la présidentielle du 27 octobre 2019. Héritant d’un pays dévasté, le tandem singulier qui prendrait alors la tête du pays aurait à unir son camp, traversé de divisions. »
En Afrique du Sud, la terre n’éponge pas le sang, selon Cédric Gouverneur : « Une vague de violence xénophobe a causé la mort de dix travailleurs immigrés en Afrique du Sud, début septembre. Géant économique continental, le pays est rongé par les inégalités. Le chômage touche 40 % de la population active et frappe surtout les Noirs. Parmi les sujets de tension sociale, l’insoluble équation agraire. Trois quarts des terres privées appartiennent toujours à de riches fermiers blancs. »
Pour Didier Billion, la Turquie est un allié capricieux et un ennemi impossible : « Cible privilégiée du pouvoir turc, les réseaux gülénistes tentent de se réorganiser en Europe (lire l’article d’Ariane Bozon). De son côté, Ankara est confronté à une crise ouverte avec les États-Unis après avoir acquis des missiles russes et esquissé un rapprochement avec Moscou. Malgré les tensions, une sortie de la Turquie de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) est peu probable. »
Ariane Bonzon décrit la Turquie comme un refuge européen pour les réseaux gülénistes : « Limits (anneaux de pain au sésame), concombres, olives noires et menemen (œufs brouillés aux tomates) : le petit déjeuner est turc, mais nous sommes dans une de ces maisons bourgeoises à fenêtre en saillie de la banlieue nord de Londres. Notre hôte, M. Mustafa Yeşil, la cinquantaine, fait l’objet d’une demande d’extradition de la part de la Turquie. C’est l’une des quatre personnalités en fuite que le premier ministre turc Binali Yıldırım, en visite au Royaume-Uni en 2017, a demandé à Mme Theresa May, alors cheffe du gouvernement britannique, de lui remettre. Le pouvoir islamo-nationaliste d’Ankara le rattache à l’« organisation terroriste des partisans de Fethullah Gülen », ou FETÖ. C’est ainsi qu’il a qualifié le mouvement qui s’est constitué autour de l’imam autoexilé en Pennsylvanie (États-Unis), qu’il accuse d’avoir fomenté le putsch militaire raté du 15 juillet 2016. Or M. Yeşil est de ceux, rares, qui sont en lien direct avec Hoca efendi, (« le Maître »), titre très respectueux accordé à M. Gülen, au nom duquel il est habilité à parler. »
Au Cachemire, l’hindouisme charge sabre au clair, selon Vaiju Naravane : « Depuis sa réélection, le premier ministre indien Narendra Modi multiplie les attaques contre les musulmans. Dans l’Assam, le 31 août dernier, il a retiré leur nationalité à 1,9 million d’entre eux. Trois semaines plus tôt, il avait mis fin au statut spécial de l’État du Jammu-et-Cachemire, qu’il a divisé en deux « territoires de l’Union » plus facilement contrôlables. »
Pour Richard Sakwa, la Russie cherche sa voie : « Des deux côtés de l’Atlantique, des voix s’opposent à tout apaisement avec Moscou, arguant que le Kremlin sape le droit international. Favorable à un monde multipolaire, ce dernier rétorque que Washington doit partager le pouvoir et respecter le principe de souveraineté des États. Entre l’Europe, dont elle se sent culturellement proche, et Pékin, qui partage ses thèses, la Russie cherche sa voie. »
Margot Hemmerich et Clémentine Méténierdénoncent la Solidarité à but hautement lucratif : « Le gouvernement français souhaite donner un second souffle aux contrats à impact social, introduits en France en 2016, lorsque M. Emmanuel Macron était ministre de l’économie. L’astuce de ce dispositif consiste à transférer le risque de l’action sociale, normalement assurée par l’État, à des investisseurs privés. En principe, tout le monde serait gagnant… »
Marion Leclair traque les fantômes de Peterloo : « Manchester, 1819. Des milliers d’ouvriers manifestent pour obtenir le suffrage universel masculin. La répression est meurtrière. Cet événement-clé de l’histoire de la gauche anglaise, baptisé « massacre de Peterloo » par la presse de l’époque, reste l’objet d’interprétations divergentes : moment décisif de la démocratie, ou moteur du développement d’une conscience de classe ? »
Thibault Hanneton nous explique ce que fait un troll : « Et le Yémen ? »Le tweet du Monde diplomatique disait : « L’Amazonie peut encore être sauvée », titre d’un article de 1989 qui renvoyait à des préoccupations actuelles. « Et le Yémen ? »,rebondit un lecteur, plongeant l’animateur du compte Twitter du mensuel dans la perplexité.
Ceux qui les fréquentent l’ont sans doute remarqué : pour commenter un message sur les réseaux sociaux, inutile de l’avoir lu. Un clavier et une connexion suffisent à tout internaute pour imposer sa petite obsession. On appelle « trolls » les plus radicaux d’entre eux. Par leurs provocations, ils peuvent faire déraper un fil Twitter, une page Facebook, un blog. Ce qui complique singulièrement la tâche des marques et des médias sur Internet, puisque n’importe quel contenu partagé en ligne — une phrase, une photographie, un mot-clic — est susceptible, passé un certain seuil de viralité, de faire ou défaire leur réputation. Certains ont trouvé la parade : recruter... des trolls. »
Qu’est devenu l’héritage de Léo Lagrange, demande François Borel-Hänni ? : « On le sait peu, mais le premier ministère « officiel » de la jeunesse et des sports date seulement de 1966. Il a fait suite à quantité de secrétariats et autres hauts-commissariats ballottés de tutelle en tutelle (santé, éducation nationale) selon les intérêts du moment. Certes, dès le lendemain de la première guerre mondiale, l’État français a senti la nécessité d’intégrer l’éducation physique à ses prérogatives. Cependant, entre hygiénisme, encadrement de la jeunesse et militarisme, les nombreux gouvernements de la IIIe République ont peiné à lui donner une direction. Le premier à y parvenir fut le Front populaire en 1936. Il inventa un maroquin inédit, « l’organisation des loisirs et des sports », qu’il confia à Léo Lagrange (1900-1940). Celui-ci fixa le « sport pour tous » comme mission première de ce qu’on appellerait plus tard « jeunesse et sports ». Son héritage s’est quelque peu dilué dans l’intitulé. Paradoxalement, le régime de Vichy, qui accusa ouvertement le « Front popu » d’avoir favorisé l’oisiveté des citoyens en consacrant ainsi les loisirs, poursuivit partiellement sa politique en la matière, l’éducation physique devenant une discipline à part entière – construction de l’« homme nouveau » oblige. »