RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Le Nord a-t-il abandonné le climat ?

En préparant la conférence sur le climat à Cancun, les Etats-Unis et l’Union européenne ont exercé des pressions sur des pays du Sud. Voilà ce qu’on peut lire dans un document révélé par le ministre cubain des Affaires Etrangères et qu’il a dévoilé lors de la conférence.

« Lorsqu’il y avait encore de la neige au Mount Everest,
nous étions tous réduits au silence. » Buurman (Chanteur belge)

Ces dernières semaines la communauté internationale s’est réunie à Cancun pour réfléchir sur son avenir commun. Le temps pressait, la planète ne pouvait et ne peut pas se permettre beaucoup plus après la débâcle de Copenhague. Or, le résultat est maigre, trop maigre.

Pourtant, les pays du Sud insistaient d’avance pour atteindre des accords contraignants. Au moment de la réunion, le Venezuela et la Colombie étaient frappés d’importantes inondations. Mais les Etats-Unis et l’Europe s’étaient efforcés pour que la voix du Sud ne fût pas trop entendue. Cela apparaît dans un document auquel s’est référé Bruno Rodrà­guez, ministre des Affaires Etrangères de Cuba. Ce document révèle comment les EU et l’Union européenne ont tout essayé pour faire passer le nommé ’Accord de Copenhague’, moyennant des accords minimaux. Parallèlement, des pays ’récalcitrants’ du Sud, comme le Venezuela, la Bolivie, l’Equateur, Cuba et le Nicaragua, doivent être « neutralisés, cooptés ou marginalisés », en utilisant, par exemple, l’arme de l’aide au développement. D’après le document, Connie Hedegaard, la commissaire européenne pour le climat, remarque sur un ton d’ironie que « l’Europe est un donateur important de ces pays, alors que Cuba, par exemple, essaie d’une manière active de les convaincre de ne pas signer l’Accord ». [1]

Est-ce que l’élite du Nord a toutefois abandonné les efforts pour sauver le climat ? Il semble que ce soit le cas. The Economist, peut-être le magazine le plus influent du monde et porte-parole de l’élite économique, le dit sans détours : « L’action mondiale n’arrêtera pas le changement climatique. Le combat pour limiter le réchauffement global à des niveaux acceptables est donc révolu. » (sic) Il ne faut pas essayer de stopper le réchauffement climatique, il suffit que le monde s’efforce davantage à comprendre comment « il faudra vivre avec ». Le niveau de la mer augmentera peut-être d’une mètre, voir deux mètres. Il faut l’accepter et s’y préparer en construisant des digues, en évacuant des millions de personnes à des endroits à un niveau plus élevé, il faudra réorienter la médecine vers les maladies tropicales, etc. Tant pis pour les pays du Sud : ils seront les plus touchés et disposent de moindres moyens pour y « faire face ». [2]

« Après nous le déluge », en interprétation très littérale. Cependant, ce raisonnement ne tient pas debout du tout. Le réchauffement climatique n’est pas une fatalité inévitable. Il est bien possible, par l’action mondiale, de restreindre le réchauffement climatique à des niveaux acceptables. Cuba montre qu’un développement social élevé peut être combiné avec une empreinte écologique minimale. (Voir Vanbrabant I. & Demuynck K. Cuba, la révolution au cour vert). Mais pour y arriver, il faut faire des choix de taille. Et c’est ça qui gêne. Evidemment, The Economist ne l’avouera jamais, mais ces choix sont impossibles dans le cadre de la logique du profit propre au capitalisme. Comme disait Susan George lors du Forum Social Mondial en 2001 : « Le capitalisme est comme cette fameuse bicyclette qui doit toujours avancer ou tomber et les entreprises sont en concurrence pour voir qui peut pédaler le plus vite avant de s’écraser contre le mur. » [3]

Dans la logique du profit le réchauffement climatique semble être incontournable, mais au sein de ce réchauffement climatique il y a encore moyen de faire du profit. Les entreprises de construction, par exemple, qui construisent des digues ainsi que les compagnies d’assurances pourront faire de belles affaires. Le commerce des droits d’émission offrent également de belles perspectives en termes de profit. Et, sans nul doute, les secteurs de la technologie et de l’énergie verte ont de nombreuses opportunités. La commissaire européenne pour le climat se trouve totalement sur cette longueur d’onde. Dans le passé, elle parlait encore de la « responsabilité morale » et de la « survie de l’humanité ». Récemment elle a changé le fusil d’épaule. « Finalement, ceux qui vont améliorer l’efficience énergétique ainsi que l’innovation, vont épargner plus d’argent. Ceux qui ne le feront pas vont se faire dépasser par les concurrents chinois. » [4] Pédaler donc, à la plus grande vitesse. Le journal boursier The Financial Times observe à cet égard subtilement que les lobbyistes à Cancun ne seront peut-être pas d’accord sur quelques points avec la commissaire européenne, mais « qu’ils doivent, en tout cas, admettre qu’elle essaie au moins de parler leur langue ». [5]

La volonté de survivre est la plus forte motivation humaine. Comment expliquer que la logique du profit soit capable d’éliminer cet instinct ? Comment expliquer que l’opinion publique se fait moins de soucis alors que la situation ne cesse pas de s’aggraver ? [6] Dans son dernier livre, Erich Fromm donne une explication intéressante. Il raconte une expérience bizarre d’Arthur Koestler, philosophe renommé. Un jour, lors de la guerre civile espagnole, cet homme se trouva dans une villa confortable d’un ami. Les dépêches annoncèrent l’arrivée imminente des troupes de Franco. Il ne faisait aucun doute qu’il aurait été tué dès qu’elles seraient arrivées à la maison. Il fallait fuir pour se sauver la vie, mais la nuit était humide et froide, et à la maison il faisait chaud et confortable. C’est la raison pour laquelle il resta à la maison. Il fut arrêté, et il put se féliciter qu’on lui laissa la vie parce que, après quelques semaines, des journalistes sympathisants le défendirent. C’est la même sorte de comportement démontré par des malades qui préfèrent prendre le risque de mourir que de passer un examen médical montrant qu’une intervention importante serait nécessaire. [7]

Espérons que la collectivité humaine soit capable d’activer son instinct de survie à temps. Il n’y a qu’une seule planète.

Marc Vandepitte
http://cubanismo.net/cms/fr/articles/le-nord-t-il-abandonne-le-climat

Notes

[1] Le document qui vient de Wikileaks se trouve sur le réseau : ’US embassy cables : EU mutes criticism of US climate stance’, The Guardian 3/12/2010, http://www.guardian.co.uk/world/us-embassy-cables-documents/249182.

[1] Financial Times 3 décembre 2010, p. 6.

[2] The Economist 27 novembre 2010, p. 79-82.

[3] http://www.tni.org/es/archives/act/1417.

[4] Financial Times 1 décembre 2010, p. 4.

[5] Ibid.

[6] Une récente enquête à grande échelle dans 26 pays montre que la préoccupation n’a pas augmentée, mais au contraire diminuée. L’année passée, 61% des personnes enquêtées disaient encore que le changement climatique était un problème « très important », contre 53% plus tard. Financial Times 3 décembre 2010, p. 6.

[7] Fromm E., To have or to be ?, Londres 1979, p. 20.

URL de cet article 12288
  

Même Thème
Le Climat otage de la finance
Aurélien BERNIER
Pour la première fois dans son histoire, le système économique est confronté à une crise environnementale qui, par son ampleur, pourrait menacer sa survie. Le changement climatique, présent dans presque tous les médias, est maintenant à l’ordre du jour de la plupart des rencontres internationales, des Nations unies au G8 en passant par les sommets européens. Mais l’alerte lancée par les scientifiques ne suffit pas à transformer les financiers en écologistes. Dès l’élaboration du Protocole de Kyoto en (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

L’un des plus gros mensonges officiels de notre temps est que les États-Unis et le Royaume-Uni sont en guerre contre l’islam radical. De l’Afghanistan à l’Arabie Saoudite en passant par la Syrie et la Libye, les extrémistes islamiques ont été pendant des décennies un allié vital dans leur véritable guerre : contre l’indépendance, l’unité panarabe et la souveraineté économique au Moyen-Orient.

Matt Kennard

Reporters Sans Frontières, la liberté de la presse et mon hamster à moi.
Sur le site du magazine états-unien The Nation on trouve l’information suivante : Le 27 juillet 2004, lors de la convention du Parti Démocrate qui se tenait à Boston, les trois principales chaînes de télévision hertziennes des Etats-Unis - ABC, NBC et CBS - n’ont diffusé AUCUNE information sur le déroulement de la convention ce jour-là . Pas une image, pas un seul commentaire sur un événement politique majeur à quelques mois des élections présidentielles aux Etats-Unis. Pour la première fois de (...)
23 
"Un système meurtrier est en train de se créer sous nos yeux" (Republik)
Une allégation de viol inventée et des preuves fabriquées en Suède, la pression du Royaume-Uni pour ne pas abandonner l’affaire, un juge partial, la détention dans une prison de sécurité maximale, la torture psychologique - et bientôt l’extradition vers les États-Unis, où il pourrait être condamné à 175 ans de prison pour avoir dénoncé des crimes de guerre. Pour la première fois, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, Nils Melzer, parle en détail des conclusions explosives de son enquête sur (...)
11 
Le DECODEX Alternatif (méfiez-vous des imitations)
(mise à jour le 19/02/2017) Le Grand Soir, toujours à l’écoute de ses lecteurs (réguliers, occasionnels ou accidentels) vous offre le DECODEX ALTERNATIF, un vrai DECODEX rédigé par de vrais gens dotés d’une véritable expérience. Ces analyses ne sont basées ni sur une vague impression après un survol rapide, ni sur un coup de fil à « Conspiracywatch », mais sur l’expérience de militants/bénévoles chevronnés de « l’information alternative ». Contrairement à d’autres DECODEX de bas de gamme qui circulent sur le (...)
103 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.