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« Les crimes des Etats-Unis ne sont jamais appelés génocides en Occident »

Les crimes américains sont appelés « dégâts collatéraux ».

Algeriepatriotique : Quelle est votre position par rapport à la crise syrienne ?

Edward S. Herman : Il s’agit d’une guerre par procuration déguisée en guerre civile qui implique l’intervention de nombreux pouvoirs étrangers, et menée par les Etats-Unis, l’Arabie Saoudite, Israël et la Russie. L’intervention russe est la plus défendable puisqu’elle apporte son aide à un allié de longue date, la Russie étant la seule amie réelle de la Syrie dans la zone méditerranéenne. Les autres intervenants ont essayé de renverser le pouvoir syrien pour le remplacer par une marionnette à leur solde, et de détruire un Etat souverain qui ne serait plus un rival sérieux pour Israël. C’est une situation terrible pour les Syriens et pour le monde, avec un droit international en lambeaux – spécialement le droit contre les agressions, cœur de la charte des Nations unies – et un peuple en train d’être détruit.

Vous avez travaillé sur la propagande des médias. Pouvez-vous nous expliquer le rôle des médias mensongers dans la société capitaliste ?

Les médias aux Etats-Unis sont de grandes entreprises qui dépendent de la publicité institutionnelle pour leur revenu et du gouvernement pour les informations sur les affaires mondiales. Bien que libres légalement, les médias suivent les lignes du gouvernement sur les affaires étrangères et représentent en général les intérêts de l’élite dominante et non ceux du citoyen ordinaire. Cela a fait naître des lanceurs d’alerte comme Julian Assange (Wikileaks) et Edward Snowden qui ont rendu publiques certaines vérités sales de la politique étrangère américaine, et que le gouvernement essaye de mettre en prison. Il y a un simulacre de liberté de parole, mais les médias mainstream suivent les lignes du parti et colportent de gros mensonges, entretenant le public dans l’erreur et la confusion, ce qui permet à l’élite de dépenser d’énormes ressources en alimentant des guerres lointaines, tandis que beaucoup de personnes vivent dans la détresse économique d’une société très délabrée, malgré sa richesse. C’est une société hors contrôle et très dangereuse.

L’opinion américaine est contre la guerre en Syrie, cela prouve une évolution positive. Qu’en pensez-vous ?

C’est une très bonne chose de constater que l’opinion publique est hostile à la guerre, et le fait que le parlement de la Grande-Bretagne ait sanctionné la participation britannique dans une guerre contre la Syrie constitue un événement marquant. C’est très encourageant, mais je reste pessimiste quant à l’avenir, car les éléments qui dominent en Amérique sont enclins à la guerre, par leurs liens avec le Pentagone et les entreprises militaires, et avec les médias qui sont facilement mobilisables pour soutenir les guerres étrangères. La classe politique est trop dépendante de l’argent des entreprises et du complexe militaro-industriel. Il va être très dur de contenir l’aventurisme américain, d’autant plus qu’il est encouragé par Israël et les partisans d’Israël qui ont beaucoup d’influence et appuient de tout leur poids la guerre.

Pouvez-vous nous parler de votre dernier ouvrage ?

Mon dernier livre, écrit avec David Paterson, s’appelle La Politique du génocide (Revue mensuelle, 2010). Il explique comment on a politisé le mot génocide pour que seulement des meurtres massifs dans des pays cibles des Américains soient appelés ainsi, minimisant ou ignorant les massacres à grande échelle commis par les Etats-Unis ou ses alliés. Ainsi, les sanctions des Etats-Unis contre « les armes de destruction massive » en Irak, de 1991 à 2003, n’ont jamais été appelées génocide en Occident, bien qu’elles aient tué près d’un million d’Irakiens. Et la secrétaire d’Etat Madeleine Albright a pu dire à la télévision américaine que le meurtre de 500 000 enfants, provoqué par ces sanctions, « valait le coup ». Ceci n’a éveillé aucun commentaire critique en Occident. Ces sanctions et l’occupation américaine de 2003 à 2012, qui ont causé la mort d’un million de personnes, ne sont jamais appelées génocide en Occident – excepté dans un livre comme La Politique du génocide ! Par contre, le massacre présumé de 8 000 personnes à Srebrenica en Bosnie en 1996 obtient toujours une publicité énorme et est appelé génocide. Qu’est-ce qui rend cette chose possible ? La réponse est que ces meurtres ont été effectués dans un objectif américain et résulte du travail d’un super système de propagande.

Entretien réalisé par Mohsen Abdelmoumen

Qui est Edward S. Herman ?

Né en 1925, Edward S. Herman est un économiste américain et analyste des médias de renommée internationale, spécialisé dans les rapports entre les grands groupes de presse et la sphère politico-économique. Professeur émérite en finances à la Wharton School, université de Pennsylvanie, il a écrit de nombreux ouvrages. Il a notamment publié trois livres coécrits avec Noam Chomsky.

Bibliographie : The Political Economy of Human Rights : The Washington Connection and Third World Fascism (Economie politique des droits de l’Homme : la Washington connection et troisième fascisme mondial, 1981), Corporate Control, Corporate Power (1982), The Real Terror Network (1982), Demonstration Elections en collaboration avec Franck Brodhead (1984), Manufacturing Consent (La fabrique du consentement) en collaboration avec Noam Chomsky (1988, réédité en 2002) dans lequel est décrit le modèle de propagande appliqué au médias américains, The « Terrorism » Industry (1990), The Global Media en collaboraton avec Robert McChesney (1997), The Myth of The Liberal Media : an Edward Herman Reader (1999), Degraded Capability : The Media and the Kosovo Crisis (2000), et The Politics of Genocide (Génocide et propagande : l’instrumentalisation politique des massacres, en 2012).

 http://www.algeriepatriotique.com/article/edward-s-herman-algeriepatriotique-les-crimes-des-etats-unis-ne-sont-jamais-appeles-genocide
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COMMENTAIRES  

01/10/2013 15:19 par fusible

« Si j’étais le président, je pourrais arrêter le terrorisme contre les Etats-Unis en quelques jours. Définitivement. D’abord je demanderais pardon – très publiquement et très sincèrement – à tous les veuves et orphelins, les victimes de tortures et les pauvres, et les millions et millions d’autres victimes de l’Impérialisme Américain. Puis j’annoncerais la fin des interventions des Etats-Unis à travers le monde et j’informerais Israël qu’il n’est plus le 51ème Etat de l’Union mais – bizarrement – un pays étranger. Je réduirais alors le budget militaire d’au moins 90% et consacrerais les économies réalisées à indemniser nos victimes et à réparer les dégâts provoqués par nos bombardements. Il y aurait suffisamment d’argent. Savez-vous à combien s’élève le budget militaire pour une année ? Une seule année. A plus de 20.000 dollars par heure depuis la naissance de Jésus Christ.

Voilà ce que je ferais au cours de mes trois premiers jours à la Maison Blanche.

Le quatrième jour, je serais assassiné. »…….William BLUM

voir : http://2ccr.unblog.fr/2010/11/11/yankees-go-home/

01/10/2013 16:45 par legrandsoir

4ème de couverture du livre "L’Etat voyou" de W. Blum. A lire,

avec Les Guerres Scélérates... du même auteur

01/10/2013 18:26 par Mohsen

" La réponse est que ces meurtres ont été effectués dans un objectif américain "

Plus concrètement, il est plus juste de préciser que tout ce "chaos destructeur" a été effectué dans un objectif Mondialiste, à savoir celui d"une " Alliance de banquiers internationaux et d’une élite intellectuelle" (dixit David Rockefeller) dont Cheney, Wolfowitz, BHO, Perle et autres malfaisants planétaires ne sont que les "enfants" de cette "Révolution Mondialiste".
Des intérêts privés, très privés et rien d’autre.

01/10/2013 20:40 par domi

Selon Philippe Grasset :
..."Les “journalistes” de la presse-Système se sont transformés en créatures publicitaires, animateurs de talk shows, créatures d’images et créateurs d’images virtuelles, dépendantes bien entendu du corporate power qui attendent d’eux qu’ils se comportent en GO (Gentils Organisateurs) des festivités du Système, y compris les “nouvelles du monde“ présentées sous une forme attrayante en allant à l’essentiel (Pussy Riot, mariage gay, etc.) ; créatures de l’instant, animées par la logique de la publicité, faisant une de leur plus grande gloire d’une complète ignorance des références politiques et historiques puisque, selon le mot fameux d’un officiel de l’administration GW Bush de 2002 rapporté par Ron Suskind (voir le 23 octobre 2004), – « We’re an empire now, and when we act, we create our own reality » (alors, pourquoi s’épuiser à étudier la “vraie réalité”, la vérité du monde ?)."

http://www.dedefensa.org/article-la_presse-syst_me_la_lumi_re_du_cas_iranien_01_10_2013.html

04/10/2013 11:00 par sido

Un autre crime étasunien dont on ne parle pas assez, c’est le crash financier qui nous étrangle et qui va emporter tous nos acquis et nos possessions individuelles et collectives (à l’exception de ceux des vampires financiers - le I% - qui l’ont provoqué).

"Max Keiser, toujours aussi franc et direct, nous livre ici sa vision de l’Amérique : une Américaine ruinée, sous perfusion de la FED et de ses Quantitative Easings à répétition qui ne profitent qu’à une oligarchie prédatrice et cynique, méprisant le peuple américain qui s’enfonce dans la misère encore un peu plus avec le shutdown décidé par des politiciens fortunés."

Le voilà en personne avec la traduction :
http://www.agoravox.tv/actualites/economie/article/max-keiser-bien-remonte-contre-les-41021

05/10/2013 23:16 par Dominique

@mohsen

Si D. Rockefeller parle d"une " Alliance de banquiers internationaux et d’une élite intellectuelle", il ne faut pas oublier les marchands d’armes. Ceux-ci sont les premiers clients historiques des banques historiquement. La première place forte de la finance internationale a été le Vatican, et pendant des siècles, aucune guerre ne s’est gagnée sans le soutien de cette banque. Aujourd’hui avec les pétrodollars, c’est Wall Street qui donne le là. Même un pays comme l’Angleterre avec sa City n’est que le Poulidor de ce jeu de massacre.

De plus, le premier rôle du président des USA n’est pas d’être chef des armées, c’est de vendre des armes. C’est le plus gros dealer d’armes du pays, à chacun de ses déplacements, il va discuter ventes d’armes. Aucun média n’en parle, mais nous pouvons tous en être sur. La collusion est donc totale entre les financiers, les trafiquants d’armes, on pourrait rajouter ceux de drogue mais ce sont les mêmes, et les élites intellectuelles que sont les politiques et les médias. Ces médias servent de caisses de résonances aux politiques, enfin aux politiques qui sont sur la même ligne qu’eux, parce que les autres, quand ils en parlent, c’est pour les ridiculiser.

27/12/2013 09:38 par bestetti

Bonjour
Comme dit l’expression "la vérité et le droit appartiennent aux vainqueurs". Comme le vainqueur actuel c’est la finance, c’est donc elle et ses dirigeants qui detiennent la vérité et le droit. Pour exemple le genocide des indiens d’Amérique est totalement oubliée par nos medias.

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