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Les études bidon de l’OCDE - Insiders/outsiders








Politis n°935, 18 janvier 2006.


Des centaines d’économistes sont payés au moins trois fois le Smic pour démontrer que celui" ci est trop élevé. Certains, comme ceux de l’OCDE, ne paient pas d’impôt sur ce revenu mais passent leur temps à dénoncer le « coin fiscal » comme un frein à l’emploi. 17 % de salariés au Smic, 30 % de SDF qui ont pourtant un emploi, 70 % d’embauches précaires pour les jeunes : tout cela ne suffit donc pas. Si le chômage persiste, c’est la faute aux rigidités qui empêchent de baisser encore plus les salaires et de liquider ce qui, dans le Code du travail, empêche encore d’embaucher et de licencier à n’importe quelle condition.

Si ces économistes" là pouvaient oublier leur double soumission " à l’égard de ceux qui les paient et des dogmes qu’ils ont ingurgités " s’ils faisaient un tout petit pas de côté, ils devraient reconnaître qu’ils font fausse route. Leurs résultats se résument en effet à une très longue série de camouflets que leur apporte la réalité. La modération salariale ne dope pas l’emploi, pas plus que la flexibilité. S’en convaincre n’est pas immédiat parce que des appareils comme l’OCDE ou la Commission européenne disposent d’une force de fappe impressionnante et de relais médiatiques et politiques spontanés. Il faut prendre le temps de lire et décortiquer leurs travaux, de suivre l’évolution des méthodes et des thématiques, et c’est un peu un travail de Sisyphe, en tout cas un travail à plein temps.

Un travail récent [1] s’est attaché à faire le bilan des études qui expliquent le taux de chômage par les législations protectrices de l’emploi (LPE). Ses auteurs constatent que ces études ont été « guidées par la volonté de vérifier ou confirmer la théorie reçue, plutôt que de la confronter à un point de vue critique ». Les faits à expliquer sont complexes : il y a eu, jusqu’au milieu des années 1990, une augmentation générale des taux de chômage, avec une grande dispersion entre pays, suivie d’une baisse et d’une moindre dispersion. Ces grandes tendances ont affecté des pays très différents du point de vue de la législation du travail : Royaume" Uni, Canada, Allemagne, Danemark, pays scandinaves, etc. Pour en rendre compte, il faudrait des données institutionnelles très précises. Mais « c’est une caractéristique frappante de cette littérature que peu d’attention ait été accordée à la qualité des données ». Certes, elles ont été étendues à une période plus longue, mais avec des résultats calamiteux, car le nombre de variables institutionnelles significatives « s’est effondré » dans les études les plus récentes, et notamment celle qui a servi de référence aux dernières Perspectives de l’emploi de l’OCDE.

Compte tenu du rôle central accordé à ces variables, les naïfs pourraient penser qu’il existe des relations solidement établies avec l’évolution du chômage. Il n’en est rien et l’ensemble de cette littérature souvent très sophistiquée est largement bidonnée : les effets repérés manquent de robustesse et les coefficients, ainsi que leur degré de significativité, varient largement d’une étude à l’autre. La seule exception porte sur la relation entre taux de chômage et « générosité » de l’indemnisation, mais personne ne s’est posé la question de savoir dans quel sens elle fonctionne ; or, tout suggère que c’est la montée du taux de chômage qui conduit à une plus grande générosité, et non l’inverse. De manière globale, les affirmations péremptoires de ces études reflètent « plus le présupposé orthodoxe de départ » que la force de la démonstration empirique. Il existe donc « un contraste frappant entre la fragilité des résultats » et la conclusion selon laquelle les rigidités sont la cause du chômage.

Les auteurs concluent sous forme de litote en disant que « les réformes qui réduisent le bien" être d’un grand nombre de travailleurs ne devrait être mises en oeuvre que s’il existe une preuve convaincante des bienfaits à en attendre ». Ils auraient pu aller plus loin et remarquer que toute cette littérature n’est qu’une vaste entreprise de légitimation des poltiques libérales au nom de l’emploi, alors que leur véritable objectif est de préserver, voire étendre, les privilèges des couches sociales qui ont profité de la montée du chômage, en dégradant toujours plus les conditions générales d’emploi.

Michel Husson




Insiders/outsiders

Regards, février 2007.


L’une des figures favorites de la rhétorique néo-libérale consiste à faire porter la responsabilité de leur sort sur les groupes et individus dominés. Elle s’appuie souvent sur leur tendance à rationaliser les situations vécues en désignant des boucs émissaires proches. Il y a là un des obstacles les plus efficaces à une prise de conscience radicale. Ainsi on opposera à l’action des Enfants de Don Quichotte le comportement des SDF qui refuseraient majoritairement les occasions qui leur sont offertes de se réinsérer. Les aides dont ils peuvent bénéficier devraient être supprimées car elles ont comme effet pervers de les maintenir dans leur situation.

On retrouve cette même notion de « trappes » à propose des « bénéficiaires » du RMI ou des Assedic : les assister, c’est les encourager à ne pas s’en sortir. Tel est le fond de la théorie économique qui explique le chômage par la « générosité » des indemnités et donne ainsi un habillage scientifique à l’idée que les « assistés » sont majoritairement des tricheurs. Si cela ne suffit pas, on insiste lourdement sur les cas de fraude au RMI ou aux Assedic pour monter les salariés pauvres contre les chômeurs, ces profiteurs qui se débrouillent pour vivre aussi bien qu’eux - ou aussi mal - sans se donner la peine de travailler. Le discours sur la valeur travail n’a pas d’autre signification. Bien entendu, ces théories sont infirmées par les faits. L’immense majorité des « exclus » ne souhaite évidemment pas l’être : dès que la situation du marché du travail s’améliore, ils y retournent. Beaucoup de salariés mal payés (et surtout des salariées) occupent un emploi qui ne leur procure pas de supplément de revenu, sans parler des 30 % de SDF qui disposent d’un emploi.

Une autre figure de cette rhétorique fait des insiders - ceux qui disposent de statuts protégés - les responsables des malheurs des outsiders, victimes de la précarisation. En langage simple, cela donne : « Si vous avez une formation supérieure, 40 ans ou plus, un bon salaire, une famille, la France est un endroit formidable. Alors que 2,5 millions de vos compatriotes sont au chômage, les salariés, dont vous êtes, peuvent prétendre à 180 heures supplémentaires (un mois entier) de congés par an sans réduction de salaire grâce aux 35 heures » [2]. Cette argumentation prend cyniquement l’effet pour la cause. La segmentation des marchés du travail est un phénomène incontestable mais cette situation ne résulte pas de la préservation égoïste par les insiders d’avantages au demeurant largement écornés. Elle découle d’une résistance inégale à l’offensive néo-libérale qui avance de manière inexorable, mais à pas de tortue. La tactique employée est alors celle de l’encerclement. Elle consiste à développer, à la périphérie du CDI, des contrats plus flexibles, ciblés sur certaines catégories (jeunes, femmes, seniors, immigrés) qui sont en somme les vecteurs des mutations de l’emploi. De cette manière, il est possible de contaminer progressivement le marché du travail.

Le processus de flexibilisation suit cette logique un peu partout. L’OCDE constate ainsi « une certaine convergence en matière de rigueur de la LPE », les pays les plus rigides s’alignant progressivement sur les plus flexibles. Mais « dans la plupart des cas, les réformes ont visé à faciliter le recours à des formes d’emploi temporaire mais n’ont pratiquement pas affecté les dispositions relatives à l’emploi régulier ou permanent ».

Par un retournement dont la rhétorique libérale a le secret, les effets nocifs des réformes sont invoqués pour justifier l’extension à tous les salariés de ce qui a conduit à dégrader la situation de certains d’entre eux.

La mise en échec du CPE a déstabilisé cette tactique en refusant la représentation libérale qui vise à opposer les « nantis » et les « exclus » et en adoptant un point de vue solidaire parfaitement rationnel. Ce type de mobilisation est le seul moyen de bousculer le discours néo-libéral. Elle passe par la mise en avant de revendications unifiantes qui tracent des perspectives alternatives et aident à construire une vision du monde anti-libérale. Le CDI pour tous, l’indexation du Smic et des minima sociaux sur le résultat des entreprises, voilà quelques exemples de propositions qui auraient dû et auraient pu être les axes d’une candidature unitaire.

Michel Husson


Michel Husson, administrateur de l’ INSEE, chercheur à l’ IRES ( Institut de recherches économiques et sociales).
Auteur entre autres, de "Les casseurs de l’ Etat social" La Découverte.
-Lire des ouvrages en lignes ICI.




Immobilier : c’ est la baisse. Dépêchez-vous de vendre. C’ est un conseil des notaires.


Le coup de Trafalgar caché contre le Code du travail et le programme de Sarkozy, par Matti Altonen.

Les chômages invisibles : note n° 1, par Collectif « Autres Chiffres Du Chômage ».






[1Are Protective Labor Market Institutions Really at the Root of Unemployment  ?, David R. Howell, Dean Baker, Andrew Glyn and John Schmitt, July 14, 2006, http://hussonet.free.fr/howell14.pdf.

[2Timothy B. SMITH, La France injuste 1975-2005 : pourquoi le modèle social français ne fonctionne plus, Autrement, Paris, 2006.


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