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ONG : Organisations Non Grata

Depuis le succès retentissant des révolutions colorées qui ont balayé, dans les années 2000, plusieurs pays d’Europe de l’Est ou les ex-Républiques soviétiques, les missions politiques de nombreuses ONG (Organisations Non Gouvernementales) ont été mises en évidence [1]. Sous les fallacieux prétextes de l’exportation de la démocratie, des droits de l’Homme et de la liberté d’expression, ces organisations – qui sont en essence des OG (organisations gouvernementales) – travaillent selon des ordres du jour concoctés par les stratèges de la politique étrangère de pays Occidentaux. Dans ce domaine, la palme revient très certainement aux États-Unis, pays qui a élevé la pratique en art absolu, difficilement égalable. En effet, le pays de l’oncle Sam s’est doté d’une panoplie d’entités politico-caritatives spécialisées dans la déstabilisation non-violente de pays considérés comme « non-amicaux » ou « non-vassaux ». Ces organismes bénéficient d’un encadrement politique de choix, de moyens matériels colossaux en plus d’un financement régulier et conséquent. Méthodiquement actualisées, les techniques utilisées sont redoutablement efficaces surtout lorsqu’elles ciblent des pays autocratiquement gouvernés ou en prise avec de sérieux problèmes socioéconomiques [2].

Les organismes étasuniens d’« exportation » de la démocratie les plus emblématiques sont l’USAID (United States Agency for International Development), la NED (National Endowment for Democracy), l’IRI (International Republican Institute), le NDI (National Democratic Institute for International Affairs), Freedom House et l’OSI (Open Society Institute). Excepté le dernier, tous ces organismes sont principalement financés par le gouvernement. L’OSI, quant à lui, fait partie de la Fondation Soros, du nom de son fondateur George Soros, le milliardaire étasunien, illustre spéculateur financier. Inutile de préciser que Soros et sa fondation travaillent de concert avec le département d’État américain pour la « promotion de la démocratie ».

Et le tableau de chasse est éloquent : Serbie (2000), Géorgie (2003), Ukraine (2004), Kirghizstan (2005) [3] et Liban (2005) [4]. Malgré quelques échecs cuisants – Venezuela (2007) et Iran (2009) – le succès a été de nouveau au rendez-vous avec ce qui a été improprement nommé « printemps » arabe (2011). L’implication des organismes américains d’« exportation » de la démocratie a été clairement démontrée dans les révoltes qui ont secoué les pays arabes « printanisés » – Tunisie et Égypte – et ceux où une guerre civile fait encore rage à l’heure actuelle – Libye, Syrie et Yémen [5].

La relative efficacité avec laquelle ces déstabilisations sont réalisées et leur apparente spontanéité témoignent du rôle de cheval de Troie de ces « ONG » épaulées par un réseau d’activistes autochtones adéquatement formés par le biais d’officines spécialisées [6].

Afin de se prémunir contre l’effet néfaste de ces bouleversements, de nombreux pays ont interdit ces organisations sur leur sol, à titre prophylactique ou curatif.
Ainsi, le 8 février 2012, soit quasiment une année après la chute du président Moubarak, les journaux du monde entier reprenaient une nouvelle en provenance du Caire : « Égypte : la justice accuse des ONG d’activités "politiques" illégales » [7]. On pouvait y lire : « Ces tensions font suite à des perquisitions dans 17 locaux d’ONG égyptiennes et internationales le 29 décembre dernier. Parmi elles, figurent les organisations américaines National Democratic Institute (NDI), International Republican Institute (IRI) et Freedom House ».

Quarante-trois employés égyptiens et étrangers d’ONG présentes en Égypte ont été accusés d’avoir reçu des financements étrangers illégaux et de s’être ingérés dans les affaires politiques du pays. Parmi eux, figure Sam LaHood, responsable de la section Égypte de l’International Republican Institute (IRI) et fils du ministre étasunien des Transports Ray LaHood [8].

Depuis 2014, les ONG travaillant en Égypte ont l’obligation de s’enregistrer auprès des autorités sans quoi, elles risquent la saisie de leurs biens ou des poursuites judiciaires. D’autre part, les autorités doivent également approuver tout financement venant de l’étranger [9].

Outre l’Égypte, certains pays du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) se sont dotés de lois interdisant ou renforçant le contrôle des ONG sur leurs sols.

La Russie, qui n’a pas été épargnée par des tentatives de révolutions colorées, a légiféré dans ce sens. En 2012, le président russe Vladimir Poutine a signé une loi qualifiant les ONG recevant des fonds étrangers « d’agents de l’étranger » [10]. L’USAID a été tout particulièrement ciblée : elle a été interdite par Moscou le premier octobre 2012 pour « ingérence dans la vie politique russe » [11]. La liste des ONG « indésirables » en Russie s’est allongée en 2015. Parmi elles, on peut citer la NED, le NDI, l’IRI, Freedom House et l’OSI de Soros [12].

La journaliste Julia Famularo s’est posé la question à savoir si les autorités russes et chinoises collaborent dans le domaine de la lutte contre les ONG « toxiques ». Toujours est-il que la Commission chinoise de sécurité nationale (NSC) a commencé à enquêter officiellement sur le sujet dès 2014 [13]. Finalement, tout comme la Russie, la Chine a récemment légiféré sur la question. À partir du premier janvier 2017, les ONG étrangères seront contraintes à s’enregistrer auprès du Ministère de la sécurité publique et permettre à la police de scruter leurs activités et leurs finances. Le New York Times relève que les organisations telles que la NED et l’OSI sont particulièrement visées par la nouvelle réglementation [14]. Il est clair que les manifestations qui ont secoué Hong Kong en 2014, baptisés « révolution des parapluies », ne sont pas étrangères au durcissement de la loi chinoise sur les activités des ONG. En effet, il a été montré que la NED, Freedom House et le NDI étaient largement impliqués dans les évènements [15].

De son côté, l’Inde a aussi sorti ses griffes contre les ONG étrangères. En 2015, le gouvernement du premier ministre Narendra Modi a annulé les licences de pas moins de 9000 d’entre elles et a considérablement restreint le financement provenant de donateurs étrangers [16].

Quant au Brésil, il devrait se méfier : les manifestations contre la présidente Dilma Rousseff et sa destitution ont des airs de « révolution colorée » tel qu’expliqué par la spécialiste des questions latino-américaines et brésiliennes, Micheline Ladouceur [17].

Il n’y a pas que la Russie qui a eu maille à partir avec l’USAID. Notons qu’une résolution des pays de l’ALBA (Alianza Bolivariana para los Pueblos de Nuestra América) demandant l’expulsion immédiate de l’USAID des pays membres de l’alliance a été signée en juin 2012. Les signataires étaient la Bolivie, Cuba, l’Équateur, la Dominique, le Nicaragua et le Venezuela [18].

Parmi les pays arabes, les Émirats arabes unis (EAU) ont procédé, en 2012, à la fermeture des bureaux de plusieurs ONG étrangères dont le NDI [19]. En janvier 2016, le député jordanien Zakaria Al-Cheikh a demandé à la chambre basse du Parlement de Jordanie de mettre fin aux activités de ce même organisme arguant qu’il « constitue un danger pour la sécurité nationale » [20].

Il va sans dire que le bilan sanglant et catastrophique du funeste « printemps » arabe aura certainement pour conséquence le serrement de l’étau contre les ONG « toxiques », qui ne sont en réalité ni « non-gouvernementales » ni caritatives. Elles passeront alors du statut spécieux d’« Organisations Non Gouvernementales » à celui salutaire d’« Organisations Non Grata ».

Ahmed Bensaada

»» http://www.ahmedbensaada.com/index....

Références

1- G. Sussman et S. Krader, « Template Revolutions : Marketing U.S. Regime Change in Eastern Europe », Westminster Papers in Communication and Culture, University of Westminster, London, vol. 5, n° 3, 2008, p. 91-112, https://www.westminster.ac.uk/file/7561/download?token=CYB8Szpq

2- Ahmed Bensaada, Arabesque$ : Enquête sur le rôle des États-Unis dans les révoltes arabes, Éditions Investig’Action, Bruxelles, 2015, chap. 2

3- Ibid., chap. 1

4- Ahmed Bensaada, “ Liban 2005-2015 : d’une révolution colorée à l’autre ”, Afrique Asie, Octobre 2015, pp. 50-58, http://www.ahmedbensaada.com/index.php?option=com_content&view=article&id=323:liban-2005-2015-dune-l-revolution-r-coloree-a-une-autre&catid=46:qprintemps-arabeq&Itemid=119

5- Ahmed Bensaada, Op. Cit., chap. 5 et 6

6- Ibid., chap. 1 et 3

7- AFP, « Egypte : la justice accuse des ONG d’activités "politiques" illégales », Le Point.fr, 8 février 2012, http://www.lepoint.fr/monde/egypte-la-justice-accuse-des-ong-d-activites-politiques-illegales-08-02-2012-1428827_24.php

8- AFP, « Égypte : début du procès de membres d’ONG égyptiennes et étrangères », L’Express, 26 février 2012, http://www.lexpress.fr/actualites/1/actualite/egypte-debut-du-proces-de-membres-d-ong-egyptiennes-et etrangeres_1086667.html

9- France 24, « Le pouvoir égyptien renforce son contrôle sur les ONG », 10 novembre 2014, http://www.france24.com/fr/2014110-focus-egypte-ong-controle-enregistrement-liberte-sissi-freres-muslmans-lutte-terrorisme

10- AFP, « Russie : les ONG "agents de l’étranger" selon une loi signée par Vladimir Poutine », Le Huffington Post, 21 juillet 2012, http://www.huffingtonpost.fr/2012/07/21/russie-les-ong-agents-de-etranger-loi-vladimir-poutine_n_1691436.html

11- AFP, « USAID interdite en Russie », La Presse, 19 septembre 2012, http://www.lapresse.ca/international/europe/201209/19/01-4575522-usaid-interdite-en-russie.php

12- RIA Novosti, « Soros and MacArthur Foundations among 12 NGOs in “patriotic stop list” », Meduza, 8 juillet 2015, https://meduza.io/en/news/2015/07/08/soros-and-macarthur-foundations-among-12-ngos-in-patriotic-stop-list

13- Julia Famularo, « The China-Russia NGO Crackdown », The Diplomat, 23 février 2015, http://thediplomat.com/2015/02/the-china-russia-ngo-crackdown/

14- Edward Wong, « Clampdown in China Restricts 7,000 Foreign Organizations », The New York Times, 28 avril 2016, http://www.nytimes.com/2016/04/29/world/asia/china-foreign-ngo-law.html?_r=1

15- Ahmed Bensaada, « Hong Kong : un virus sous le parapluie », Reporters, 14 octobre 2014, http://www.ahmedbensaada.com/index.php?option=com_content&view=article&id=294:hong-kong-un-virus-sous-le-parapluie&catid=46:qprintemps-arabeq&Itemid=119

16- Pierre Cochez, « Bras de fer entre le gouvernement indien et les ONG », La Croix, 7 juillet 2015, http://www.la-croix.com/Monde/Bras-de-fer-entre-le-gouvernement-indien-et-les-ONG-2015-05-07-1310076

17- Micheline Ladouceur, « "Révolution de couleur" à la brésilienne. Qui a peur de Dilma ? », Mondialisation.ca, 19 mars 2016, http://www.mondialisation.ca/revolution-de-couleur-a-la-bresilienne-qui-a-peur-de-dilma/5514116

18- ALBA-TCP, « ALBA Expels USAID from Member Countries », Venezuela Analysis, 22 juin 2012, http://venezuelanalysis.com/news/7069

19- Samir Salama, « German, US institutes in UAE closed », Gulf News, 5 avril 2012, http://gulfnews.com/news/uae/government/german-us-institutes-in-uae-closed-1.1004603

20- Ammon News, « Le député Al-Cheikh : le NDI représente un danger pour la sécurité nationale », 31 janvier 2016, http://www.ammonnews.net/article.aspx?articleno=257727


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