RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Parcoursup : une horreur néo-libérale

Il m’a été donné récemment d’assister en visio-conférence à un conseil de classe dans un très bon lycée de France, la classe étant elle-même une terminale scientifique d’un excellent niveau.

Pour la nième fois, je pus entendre, de la part du corps professoral, des récriminations parfaitement fondées contre Parcoursup. Parcoursup remplaça l’application APB (Admission Post Bac) à laquelle il avait pu être reproché dans certains cas le tirage au sort des candidats.

Le baccalauréat fut longtemps un grade universitaire d’État, le premier d’une suite pouvant déboucher sur le doctorat. Jusqu’au début du XXe siècle, l’examen des candidats était effectué uniquement par des professeurs des facultés de lettres et sciences. Un titulaire du baccalauréat avait, de plein droit, accès à l’établissement universitaire de son choix. Des restrictions furent apportées avec, par exemple, les quotas en médecine et le respect plus ou moins contraignant de la carte scolaire.

Le banquier éborgneur et sa bande ont contribué à bouleverser ce système. De grade national permettant l’accès à l’enseignement supérieur, le bac est devenu un certificat de fin d’études avec, comme pour le Covid, des variants d’une académie à l’autre, d’un lycée à l’autre. La philosophie du banquier étant d’empêcher les élèves, leurs parents, les équipes pédagogiques d’avoir la main sur le passage dans l’enseignement supérieur.

Vous me direz : mais qui a donc cette main ? Des algorithmes dont les secrets de fabrication ne sortent pas des officines du ministère de l’Éducation nationale.

Dans cette opacité, l’injustice est banalisée. La plupart des élèves de l’excellente classe dont je suivais le conseil n’ont obtenu que des “ résultats décevants et déstabilisants ”, selon l’expression du professeur principal, désemparé. En particulier, la meilleure élève de la classe (18,5/20 de moyenne au troisième trimestre, plus de 18/20 les deux premiers trimestres, mieux que le banquier en classe de terminale) n’a reçu à ce jour aucune proposition d’admission correspondant à ses préférences. Il faut dire que cette brillante élève avait postulé pour des classes préparatoires dans deux lycées prestigieux de la région. Elle est pour l’instant sur liste d’attente, dans une position peu favorable. Ce que font les parents qui en ont les moyens – financiers et autres –, c’est inscrire comme internes leurs enfants dans des lycées de renom à partir de la classe de terminale, voire de seconde. Ces enfants font alors partie du vivier de ces établissements qui ne souhaitent pas recruter de manière exogamique.

Á l’instant T où se déroulait ce conseil, des centaines d’élèves de l’Académie n’avaient pas reçu d’affectation. Certains devront attendre septembre après des vacances inquiètes.

Bref, ce système est anxiogène et déstabilisant, pour les élèves comme pour les enseignants qui ne savent pas dans quelle perspective travailler. L’une des rubriques de la page d’accueil de Parcoursup est “ Á chacun sa solution ”, sous-titrée “ 1jeune1solution ”. Dans la jungle du banquier éborgneur, chaque jeune se retrouve seul avec l’illusion qu’une solution personnalisée l’attend.

Dans les années qui viennent, si ce système perdure (on a vu que, lorsque la “ gauche ” revient au pouvoir, elle ne remet pas vraiment en cause les “ réformes ” de la droite), des établissements de plus en plus nombreux sortiront de Parcoursup pour échapper aux algorithmes.

Le banquier éborgneur peut mieux faire. Je ne serais pas étonné qu’il ait en tête le 11-Plus, cet examen passé encore de nos jours dans de nombreux comtés d’Angleterre à la fin de l’enseignement primaire, qui met en transe des centaines de milliers de familles tous les ans car il permet l’accès aux lycées (grammar schools).

Parcoursup, apprentissage de la vie, c’est-à-dire de l’arbitraire, dans notre monde néo-libéral.

URL de cet article 37157
  

Même Auteur
Roger Faligot. La rose et l’edelweiss. Ces ados qui combattaient le nazisme, 1933-1945. Paris : La Découverte, 2009.
Bernard GENSANE
Les guerres exacerbent, révèlent. La Deuxième Guerre mondiale fut, à bien des égards, un ensemble de guerres civiles. Les guerres civiles exacerbent et révèlent atrocement. Ceux qui militent, qui défendent des causes, tombent toujours du côté où ils penchent. Ainsi, le 11 novembre 1940, des lycées parisiens font le coup de poing avec des jeunes fascistes et saccagent les locaux de leur mouvement, Jeune Front et la Garde française. Quelques mois plus tôt, les nervis de Jeune Front avaient détruit les (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

"Bon, j’imagine que vous ne pouvez tout de même pas tuer vos subordonnés"

seule réponse fournie par les élèves d’une école de commerce de Philadelphie
lorsque le professeur demanda à ses élèves de lui donner un exemple de
comportement repréhensible dans une entreprise.

Cité par Serge Halimi, dans le Monde Diplomatique de février 2005, page 2

Ces villes gérées par l’extrême-droite.
(L’article est suivi d’un « Complément » : « Le FN et les droits des travailleurs » avec une belle photo du beau château des Le Pen). LGS Des électeurs : « On va voter Front National. Ce sont les seuls qu’on n’a jamais essayés ». Faux ! Sans aller chercher dans un passé lointain, voyons comment le FN a géré les villes que les électeurs français lui ont confiées ces dernières années pour en faire ce qu’il appelait fièrement « des laboratoires du FN ». Arrêtons-nous à ce qu’il advint à Vitrolles, (...)
40 
Hier, j’ai surpris France Télécom semant des graines de suicide.
Didier Lombard, ex-PDG de FT, a été mis en examen pour harcèlement moral dans l’enquête sur la vague de suicides dans son entreprise. C’est le moment de republier sur le sujet un article du Grand Soir datant de 2009 et toujours d’actualité. Les suicides à France Télécom ne sont pas une mode qui déferle, mais une éclosion de graines empoisonnées, semées depuis des décennies. Dans les années 80/90, j’étais ergonome dans une grande direction de France Télécom délocalisée de Paris à Blagnac, près de Toulouse. (...)
69 
Analyse de la culture du mensonge et de la manipulation "à la Marie-Anne Boutoleau/Ornella Guyet" sur un site alter.
Question : Est-il possible de rédiger un article accusateur qui fait un buzz sur internet en fournissant des "sources" et des "documents" qui, une fois vérifiés, prouvent... le contraire de ce qui est affirmé ? Réponse : Oui, c’est possible. Question : Qui peut tomber dans un tel panneau ? Réponse : tout le monde - vous, par exemple. Question : Qui peut faire ça et comment font-ils ? Réponse : Marie-Anne Boutoleau, Article XI et CQFD, en comptant sur un phénomène connu : "l’inertie des (...)
93 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.