Pour une meilleure relation en classe

Avec la montée de violence que connaissent la scène éducative et le rapport de force entre professeur et élève dans un climat effervescent où le respect cède sa place à la réaction musclée, se recueillir pour repenser la relation entre les deux protagonistes devient une obligation. Il est évident qu’avec cette vague de droits accordés aux élèves, le rapport de force a visiblement changé et nous devons nous interroger si le mot ’’force’’ devrait encore exister dans le domaine pédagogique. Un enseignant doit être conscient de la sacralité et de la noblesse de son métier. C’est pourquoi il la doit placer l’intérêt de de l’apprenant au-dessus de toute considération et créer un rapport positif avec ses élèves et chercher à fonder sa relation avec eux sur trois piliers à savoir l’humanité, la sympathie et l’encouragement en vue de décrocher cette gratitude chez l’élève. Ce dernier devient reconnaissant envers un professeur pour lui avoir accordé tant d’attention et de bonté.

A commencer par l’humanité. Un professeur doit essentiellement considérer les apprenants comme des êtres humains. Il est dans l’obligation de respecter leurs droits, tolérer leurs faiblesses et de sentir les problèmes de toutes sortes dans lesquelles ils se trouvent et de s’engager, ne serait-ce que par solidarité, pour aplanir ces difficultés. C’est cette valeur de l’humanité chez le professeur qui lui intime le devoir de respecter les règles déontologiques bien au-dessus de toutes les chartes et les règles écrites. Les individus se reconnaissent mieux dans l’humanité que par n’importe quel autre défini. C’est ce que disait effectivement Edgar MORIN en affirmant que Les humains doivent se reconnaître dans leur humanité commune, en même temps que reconnaître leur diversité tant individuelle que culturelle. Et c’est en vue de parvenir à cette solidarité intellectuelle et morale que l’humanité doit l’emporter dans tout contact reliant un enseignant avec son élève.

On dit que sous la carapace de chaque individu se cache une personne qui aspire à être soutenue et encouragée, et c’est justement là que doit exister le second pilier de cette relation qui est l’encouragement. Il est évident qu’à l’heure actuelle le professeur n’est plus le seul à posséder le savoir. L’apprenant a besoin d’une guidance affective, d’une attention particulière portée à son égard qui lui donne confiance et envie pour l’apprentissage. N’est-ce pas l’encouragement qui propulse l’individu vers l’avant, et le motive à repousser, à transcender ses limites ? Dans le domaine de l’éducation, l’encouragement pourrait avoir des conséquences impressionnantes sur la progression du niveau de l’apprenant et sur son comportement d’une manière générale.

La sympathie constitue le troisième pilier qui supporte cette relation prof/élève. C’est une donnée qui n’est pas facile à obtenir puisque le côté affectif ne se peut être assujetti à aucune règle, ni à aucune logique. Or un professeur sympa est d’ores et déjà, pour l’élève, un obstacle surmonté, et pas des moindres ! Combien de professeurs déplaisants, malveillant voire hostile faisaient décourager des élèves qui auraient préféré faire l’école buissonnière que de rester devant un mec antipathique ! La sympathie pour un professeur est un devoir. C’est plus qu’un comportement volontaire et individuel, nous devons la saisir comme un fait de la société. “C’est l’action de la société qui a suscité en nous ces sentiments de sympathie et de solidarité qui nous inclinent vers autrui […] c’est pour pouvoir jouer notre rôle social que nous avons travaillé à étendre notre intelligence et c’est encore la société qui, en nous transmettant la science dont elle a le dépôt, nous a fourni les instruments de ce développement.”* Cette valeur a le mérite non seulement de créer non seulement cette entente taciturne entre les deux protagonistes de l’acte d’enseignement, mais encore d’installer un climat paisible favorable au travail qui éconduit toute masse négative. Victor Hugo avait raison lorsqu’il a avancé que la paix ne peut provenir que de la sympathie. Et de l’union des libertés dans la fraternité des peuples naîtra la sympathie des âmes, germe de cet immense avenir où commencera pour le genre humain la vie universelle et que l’on appellera la paix.**

Une fois le côté affectif harmonisé à bon escient, tant d’obstacles seront écartés et le chemin sera balisé devant une approche pédagogique fondée sur un apprentissage actif qui invite à la discussion, à la coopération et à fournir plus d’effort dans une atmosphère où règnent les valeurs de respect, de l’entraide et surtout de la sympathie. Cependant, il ne faut pas ignorer que d’autres caractéristiques doivent exister chez un bon professeur comme le dynamisme et la compétence et qu’il doit chasser la monotonie et essayer d’égayer ses séances. Cela se résume dans ce qu’on appelle le savoir-faire. A bon entendeur…

Adil GOUMMA

* Émile Durkheim. Le Suicide. Éd. PUF, coll. Quadrige, 1990 (ISBN 2-13-043033-3), chap. livre deuxième (« Causes sociales et types sociaux  »), III («  Le suicide égoïste »), § 6, p. 226-227

** Victor Hugo. Œuvres complètes, Impr. nat. Choses vues, tome II. p.242.

COMMENTAIRES  

12/08/2016 14:28 par Roger

Pour aller dans ce sens, nous disposons de l’héritage de grands pédagogues comme Korczak, Montessori, Pestalozzi, Freinet, Freire, et bien d’autres ...En France les mouvements de la Pédagogie Nouvelle ont tenté de valoriser cet héritage et de l’enrichir. De nombreux enseignants s’en inspirent malgré l’opposition structurelle d’un système éducatif centralisateur, et l’opposition (parfois virulente) des "anti-pédagogues" qui ne savent que préconiser la "transmission frontale de la culture", et le retour/recours à "l’autorité d’antan", arrivent malgré tout à "aider les enfants à apprendre" (ce qui est la définition même de la "pédagogie"). A se demander comment des enseignants peuvent être "anti-pédagogues"...un mystère pour moi.

14/08/2016 14:28 par Albert

avec la sympathie et l’encouragement, il faut instaurer des règles au préalable...il faut savoir montrer la force pour ne pas s’en servir. un article qui a de la valeur et qui laisse de bonnes appréciations.on en a besoin dans notre scène pédagogique .

15/08/2016 11:03 par Autrement

Cher Roger, je ne comprends pas ce que vous ne comprenez pas. Une chose est de lire Montessori ou Freinet, de s’y intéresser et de s’en inspirer à titre personnel, autre chose est d’être contraint et forcé par des directives ministérielles et administratives, comme c’est actuellement le cas, d’appliquer telles et telles recettes et formules préfabriquées de façon technocratique, qui se réclament plus ou moins de doctrines elles-mêmes déjà plus ou moins vulgarisées (qu’elles soient pédagogiques, linguistiques ou cognitivistes). La rhétorique "pédagogiste" a pour but de dissimuler les vraies tares du système éducatif (qui, comme celles du service public de santé, ne sont pas pédagogiques !), et de mettre au pas les enseignants : en témoigne par exemple cette épreuve de CAPES inventée sous Sarkozy (et victorieusement rejetée avec indignation par les enseignants unanimes), qui portait étroitement sur "Éthique et responsabilité" du métier (sur le modèle "travail, famille patrie", en somme). Comme si un enseignant - ou un médecin - convenablement formé par ses années d’études, ne pouvait avoir, de par sa formation même, ni morale, ni sens des responsabilités. Nier "l’autorité" de l’enseignant, pour la remplacer par celle de sa hiérarchie, met en danger la société tout entière. Il n’y a pas d’enseignement sans pédagogie au sens propre, c’est évident. Mais sans liberté pédagogique, vous n’aurez jamais, ni bons enseignants, ni élèves capables de penser par eux-mêmes.

09/11/2017 15:33 par galois

Nous avons tendances à considerer l’eleve toujourd pret pour reçevoir. La realité est autre. Soyns plus comréhensifs

30/12/2018 15:18 par kelien

Un article référence pour cette violence qui règne notre milieu scolaire et les relations tendues entre les élèves et leurs profs

(Commentaires désactivés)